La ligne de départ est glissante

La RUE vs la LOI



Jean Charest était radieux devant l’aéroport international de Québec mercredi midi, suant dans son costume bleu marine, sous un soleil de plomb, entouré de ses ministres venus le soutenir jusqu’à la dernière minute, approuvant de la tête toutes ses déclarations claires ou tordues et jouant du sourire complaisant qu’ils affichent en permanence depuis neuf ans. On aurait pu avoir l’impression que c’était la photo de mariage devant l’église. Les femmes étaient bien vêtues et les hommes étaient rouges comme des tomates. Ou des libéraux.
Il a affirmé à plusieurs reprises qu’il voulait, par cette élection, permettre à « la majorité silencieuse » de s’exprimer sur le choix de société qu’il prétend leur offrir : ou bien l’économie et des emplois, ou bien la rue et ses excès. Ce qui en fait ressemble tellement à un référendum qu’on pourrait s’y méprendre.

À certains moments, son discours ressemblait aux sermons que nous ont servis les curés pendant des années du haut de la chaire. À d’autres moments, on retrouvait le bon vieux Jean Charest, celui qu’on connaît bien, manipulateur, tournant les coins ronds, évitant de donner des réponses claires et précises, jouant sur les mots, passant ses messages, répétant sa cassette « ad nauseam » en butant un peu sur ces derniers mots qu’il a prononcés comme si c’était de l’anglais, ma foi.

En fait, la seule chose qu’il fait avec vraiment beaucoup de maîtrise, et même un tantinet d’élégance, c’est mentir un peu, beaucoup, passionnément. Là, je le reconnais, c’est du grand art. J’ai cru remarquer qu’il souffre cependant d’une sorte de maladie dont j’ignore le nom mais que je nommerai la maladie de Pinocchio. Quand il ment, si on le regarde attentivement, on peut voir son nez s’allonger tout doucement. Au rythme où il raconte n’importe quoi, son nez pourra servir de pont avec le Plan Nord éventuellement, ce qui nous évitera d’avoir à payer pour des routes qui finiront par n’aller nulle part.

Quand je pense à toutes les promesses coûteuses qu’il a faites au cours des dernières semaines dans le but évident de s’acheter des votes comme le faisait Maurice Duplessis dans le temps, j’ai peur de la facture qui pourrait nous être refilée comme citoyens-contribuables. Il promet des sommes colossales à gauche et à droite alors qu’on nous répète que nous sommes fragiles financièrement, que la crise pourrait encore sévir et que notre dette a besoin d’être diminuée, surtout pas augmentée. Avec ses promesses insensées, il a choisi sa devise : « Je sème à tous les vents ». Il a enlevé ses mains de sur le volant pour les remettre dans nos poches, où il se sent totalement chez lui. Et il dépense ce que nos arrière-petits-enfants vont gagner dans des dizaines d’années comme si c’était son propre argent.

À moins que la majorité silencieuse qu’il courtise farouchement (si elle existe vraiment) décide de lui donner son 4 % et de l’inviter à aller voir ailleurs si la terre est aussi ronde qu’on le dit.

Trente-cinq jours pour faire un bon ménage dans nos mémoires. Pour nous souvenir qu’en 2003, Jean Charest avait promis de régler, dans les six premiers mois de son règne, le problème des hôpitaux et que neuf ans plus tard, je pense honnêtement que le problème a empiré au lieu de se régler. Pour se souvenir aussi qu’il a refusé obstinément de s’asseoir avec les étudiants pour trouver une solution, qu’il les a traités comme du crottin de cheval où on évite de se mettre les pieds et qu’il a profité de l’occasion pour montrer son vrai visage, celui de la loi 78 devenue la 12 après coup.

Monsieur Charest n’a jamais joué de la casserole dans les rues. Ça se voit. Ce n’est pas son genre. Il méprise la rue, qui a pourtant toujours été le moyen pour les citoyens de se faire entendre du pouvoir quand le pouvoir devenait sourd. Ça a été le cas dans tous les pays du monde et à toutes les époques. C’est souvent le dernier moyen qui reste au peuple de rappeler à ses dirigeants qu’ils n’existent que par la volonté du peuple. Je ne crois pas que Monsieur Charest ait compris le message. Il faudra donc le lui redire le 4 septembre.

Lui a bien l’intention de faire tout ce qu’il faut pour obtenir les votes qu’il désire plus que tout au monde, quel qu’en soit le prix. Il y aura des citoyens qui accepteront de jouer ce jeu-là et qui échangeront leur vote pour un plat de lentilles (ça aussi, ça s’est déjà vu) ou une promesse qui risque de ne pas être tenue. Comme dans la chanson de Félix :

La veille des élections
_ Tu m’appelais ton garçon
_ Le lendemain des élections
_ T’avais oublié mon nom


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