Allô… Léo ?

Actualité indépendantiste


Si je vous connaissais bien, c’est sûr que je vous aurais téléphoné. Pas pour tenter de vous faire changer d’idée… quoique si j’étais votre grand-mère, j’aurais essayé d’éclairer votre lanterne avant de vous laisser prendre la décision d’aller en politique. J’aime les gens qui n’étirent pas le suspense pour rien. Et pour ça, je dois admettre que vous avez été parfait. Votre choix était fait. Vous l’avez annoncé. Rien à redire.
Là où j’ai été étonnée, c’est de vous voir entrer à la garderie plutôt qu’à l’université à l’automne. Ce que j’appelle « la garderie », c’est l’Assemblée nationale évidemment, ce lieu où, presque chaque jour, on se dit qu’il va y avoir de l’orage à l’extérieur, car en dedans, c’est la folie furieuse et le désordre le plus total. Les « petits amis » perdent souvent le nord, les pédales, le sens de la mesure et même les plus élémentaires bonnes manières qui rendraient le passage dans cette « noble enceinte » moins déprimant et plus productif. Mais c’est là un héritage de la British politique et selon les gens qui y siègent, on peut avoir très souvent l’impression d’être enfermé chez les fous sans aucune possibilité de remise de peine.
On arrive quand même parfois à y faire des choses. Pas beaucoup. Pas assez. Et c’est très long. En fait, si on arrive à ne pas perdre de vue les raisons pour lesquelles on a choisi de devenir député, on peut survivre. Certains sont motivés par l’ambition personnelle exclusivement. Ils penseront toujours à leur avancement avant de penser à celui du peuple qu’ils représentent. Il y a ceux qui perdent complètement de vue d’où ils viennent et se voient déjà en tête d’affiche. « Après moi le déluge » pourrait être leur devise. À fuir comme la peste.
Je sais bien que d’autres vont vous poser les mêmes questions, mais moi, je voudrais vous tenir la main en écoutant les réponses pour être bien sûre de vous comprendre. Je vous demanderais : irez-vous en politique comme représentant des étudiants et serez-vous porteur de leurs revendications ? J’imagine que c’est une question que Madame Marois a dû vous poser déjà, car si c’est le cas, vous en aurez lourd sur les épaules. Plaire à TOUS les étudiants sera une tâche impossible et redoutable. Comment vivrez-vous avec leurs reproches s’ils en formulent ?
Vous êtes-vous laissé griser par la « célébrité » qui a été immédiatement liée à votre présence parmi le petit groupe de négociateurs ? Le courant d’air frais que vous avez représenté avec vos collègues depuis le début de la crise a séduit beaucoup de monde qui cherchait justement des idées nouvelles, des visages inconnus et un renouveau dans le discours qui manquait terriblement aux politiciens au pouvoir. Si c’était le cas, moi, votre grand-mère adoptive, je vous aurais conseillé de vous abstenir et d’attendre le temps qu’il aurait fallu pour vous désintoxiquer avant de plonger. Mais vous êtes le seul à connaître les réponses à ces questions.
Il n’y a aucun doute sur le fait que vous êtes un jeune homme brillant. Vous avez affiché vos qualités de négociateur patient et souvent compréhensif. Certains vous ont trouvé un peu mou cependant et vous ont senti parfois bien près de céder devant la dureté des adversaires. Plus coulant souvent que vos partenaires, mais capable de vous rallier pour garder les trois associations unies jusqu’à la fin.
Si votre choix d’entrer en politique est de continuer le combat de l’intérieur, de mener ce combat jusqu’à une résolution satisfaisante, vous risquez d’être déçu. Il est parfois presque plus difficile de gagner à l’intérieur qu’à l’extérieur. Les obstacles, les oppositions ne sont pas les mêmes, mais elles peuvent être aussi farouches et tenaces que ce que vous avez connu depuis quelques mois dans le rôle que vous aviez. Si le prochain ministre de l’Éducation est issu de votre parti ou même si vous deveniez ministre de l’Éducation (ce qui est peu probable, car on vous dira que vous êtes trop jeune et qu’il faut apprendre le métier avant), vous imaginez la patate chaude que serait une proposition qui ne serait pas exactement celle réclamée par les étudiants… ? L’enfer.
J’espère que vous comprenez bien que, comme les autres, j’accueille votre candidature comme un véritable espoir pour que les jeunes jouent un rôle actif dans notre société et veillent, avec nous, à la redéfinition d’une véritable démocratie. Il y a du pain sur la planche et toutes les bonnes volontés sont les bienvenues.
Il me reste à vous souhaiter toute la lucidité nécessaire pour jouer le rôle qui est le vôtre à partir de maintenant. Si j’osais, je vous dirais de passer un coup de fil à Claude Charron, le surdoué de la politique d’ici, qui vous racontera son parcours avec franchise. Quant à moi, je vais vous regarder aller avec beaucoup d’attention.


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