Honnêtement, l’élection sera la bienvenue et elle sera probablement reçue comme une libération pour tous ceux et celles qui attendent un changement majeur de la situation politique au Québec, après des années dont on ne peut pas dire qu’elles ont été une partie de plaisir pour tout le monde. Loin de là.
Les centaines de milliers de personnes qui, soir après soir, ont pris possession des rues un peu partout dans ce pays depuis le printemps dernier rallumeront les lueurs d’espoir dont ils ont été les porteurs sans fléchir. Les protestataires de tous âges ne voudront pas manquer ce rendez-vous dont ils espèrent qu’il sera, enfin, porteur d’un avenir collectif qui leur ressemble.
Je voudrais cependant les mettre en garde contre une vieille technique, mise au point il y a longtemps et largement utilisée par les libéraux et les conservateurs chaque fois que ça sert leurs intérêts et qui consiste à utiliser contre le bon peuple une arme qui finit par le paralyser. Si le peuple ranime l’espoir, les politiciens s’efforceront, pour s’approprier le pouvoir, de raviver la peur, cette « arme de destruction massive » souvent sournoise et qui fait des ravages chez les personnes les plus fragiles.
On a vu la même technique utilisée à chaque élection depuis des décennies et le «scandale des commandites» a bien démontré jusqu’où certains politiciens étaient prêts à aller pour ne pas affronter une défaite. Il faut tirer les leçons qui s’imposent avant que le bulldozer des prochaines élections ne soit en marche, car, croyez-moi, l’attaque sera démesurée. Il suffit de voir à quel point ceux qui sont en poste tiennent au pouvoir pour imaginer jusqu’où ils iront pour le garder. La vanité de chacun servira de combustible, et les coups en seront amplifiés.
La peur, mauvaise conseillère
Ils vont tenter de nous convaincre que tout ira mal si nous décidons de changer de gouvernement. Ils le disent chaque fois en pensant que ça va nous persuader de leur laisser le contrôle qu’ils estiment être les seuls à pouvoir exercer. Ils prétendront connaître l’avenir qui sera le nôtre si nous leur retirons notre confiance et diront bien sûr que cet avenir sera entièrement bouché parce qu’ils sont les seuls à posséder les solutions qui feront de nous des gens plus riches, plus heureux et plus en santé. Oserons-nous leur demander pourquoi ils ne l’ont pas fait avant ? Cela nous donnerait la possibilité de les juger sur ce qu’ils ont réussi plutôt que ce qu’ils ont promis de faire et qu’ils n’ont pas fait. La ritournelle ne varie jamais.
Les épouvantails habituels vont reprendre du service. Les politiciens vont sûrement renverser les rôles et tenter de nous convaincre que nous sommes responsables de tout ce qui ne va pas bien au Québec plutôt que d’en assumer la responsabilité alors qu’ils étaient aux commandes et que leur grand patron avait les deux mains sur le volant. Nous coûtons trop cher en soins de santé, nous sommes paresseux et nous ne travaillons pas assez, nous prenons notre retraite trop tôt et le plus important : est-ce que nous payons notre « juste part » ? Ce sont toutes des questions qui vont nous permettre de nous sentir petits, mesquins et dépassés par les problèmes que nous voulons voir réglés.
Ils vont claironner que sans le Plan Nord, le Québec sera voué à quêter sa subsistance auprès des organismes internationaux d’aide aux plus démunis, que les entreprises minières travaillent pour nous et qu’il ne faut pas l’oublier, que la répartition de la richesse se fait déjà et qu’il ne faut pas écoeurer les plus riches qui ne paient pas d’impôt parce qu’ils pourraient choisir d’aller en payer ailleurs, déçus en plus, sans doute, par notre petitesse d’esprit. Je les entends déjà.
Moi, je suis immunisée contre la peur. J’ai tellement tout entendu, tout écouté, que plus rien de leurs discours ne me tire le plus petit frisson. La peur, la dernière fois que je l’ai croisée, c’était dans un centre d’accueil quelque part dans le bas du fleuve pendant la campagne référendaire de 1980. Des libéraux (je pourrais donner les noms) étaient passés la veille de ma visite. Ils avaient dit à ces personnes âgées que si le Oui gagnait, elles n’auraient plus jamais de jus d’orange parce que le Québec ne cultivait pas d’orangers. Ce serait donc fini le jus d’orange.
Ces vieux étaient terrifiés. J’ai tenté de les rassurer. Mais la liste de ce qu’il n’y aurait plus était très longue. Je leur ai dit de voter comme ils le voulaient. Qu’il y aurait toujours du jus d’orange et tout le reste aussi. Même s’ils votaient « non ». J’ai compris ce jour-là que la seule façon d’obtenir un « oui » de ces pauvres vieux était de leur faire encore plus peur, comme de les menacer de fermer le centre d’accueil s’ils ne votaient pas pour le Oui, ce que j’étais incapable de faire. Jamais je n’aurais pu utiliser la peur pour gagner un référendum.
Le père Noël est tôt cette année
Si le peuple ranime l’espoir, les politiciens s’efforceront, pour s’approprier le pouvoir, de raviver la peur, cette « arme de destruction massive » souvent sournoise et qui fait des ravages chez les personnes les plus fragiles.
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