La voix de la majorité silencieuse

«La rue a fait beaucoup de bruit, c’est maintenant aux Québécois de parler», a affirmé Jean Charest lors du lancement de sa campagne électorale.

La RUE vs la LOI


Robert Dutrisac - À des semaines de précampagne officieuse a succédé hier la première vraie journée de campagne électorale. Loin de l’indolence vacancière dont profitent encore bien des Québécois, les chefs se sont lancés dans la bataille avec combativité : du départ matinal en campagne de Pauline Marois — avant même la visite du premier ministre au lieutenant-gouverneur — à l’offre d’assemblées citoyennes lancée par François Legault aux chefs libéral et péquiste — qui l’ont vite rejetée —, en passant par l’opposition entre la rue et la majorité silencieuse soulevée par Jean Charest, la dénonciation des vieux partis par Québec solidaire et les craintes concernant la participation électorale soulevées par Jean-Martin Aussant. Le 4 septembre prochain, 6 455 258 électeurs seront attendus aux urnes, et la lutte s’annonce aussi chaude que l’été.
Québec – C’est à un véritable choix de société auquel Jean Charest a convié les Québécois en amorçant sa campagne électorale, un choix entre la stabilité et l’instabilité, un choix contre ceux qui visent à « contester l’ordre établi ».
Et c’est sur la « majorité silencieuse » et « le gros bon sens » que le chef compte pour remporter la victoire le 4 septembre prochain et obtenir un quatrième mandat.
« La majorité silencieuse […] elle aura l’occasion de s’exprimer, c’est son moment », a déclaré Jean Charest lors de la conférence de presse qui lançait sa campagne électorale dont le slogan, simplissime, est : « Pour le Québec. » « La rue a fait beaucoup de bruit, c’est maintenant aux Québécois de parler. »
En matinée, après une dernière réunion du Conseil des ministres et le passage obligé chez le lieutenant-gouverneur, Pierre Duchesne, pour dissoudre la 39e législature de l’Assemblée nationale, Jean Charest, accompagné de ses ministres et des candidats libéraux de la région de Québec, s’est retrouvé sur le tarmac de l’aéroport de Québec, un lieu hautement sécurisé où aucun manifestant n’aurait pu jouer les trouble-fête.
L’ordre du jour du chef libéral est dévoilé aux journalistes au compte-gouttes de façon à éviter les manifestants. « Nous avons entendu le message de ceux qui veulent perturber notre campagne électorale », a souligné Jean Charest.
Le chef libéral a insisté sur le fait que l’élection du 4 septembre « n’est pas comme les autres ». C’est un choix qui porte sur le « type de société dans laquelle nous voulons vivre ».
« Le choix est clair entre la stabilité et l’instabilité », a renchéri Jean Charest, stigmatisant Pauline Marois parce qu’elle s’est associée, selon lui, à des gens qui, au-delà de l’enjeu de la hausse des droits de scolarité, visent à « contester l’ordre établi et ses institutions démocratiques, incluant l’Assemblée nationale et aussi nos tribunaux ». Il a accusé la chef péquiste d’avoir « fait le choix d’embrasser le mouvement de contestation » et de proposer « un gouvernement qui abdique ses responsabilités face à la rue ». Le recrutement de l’ex-président de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ), Léo Bureau-Blouin, comme candidat est condamnable à ses yeux et confirme que Pauline Marois « propose de céder » aux exigences des étudiants. Ces derniers ont érigé « un mur infranchissable d’intransigeance », a-t-il affirmé.
Sur un ton ironique, Jean Charest a dit que le slogan électoral du PQ - « À nous de choisir » - était « bon » : il est d’accord pour dire que les Québécois ont le droit de choisir.
Sa décision de déclencher les élections en plein été n’est aucunement liée à la reprise des audiences de la commission Charbonneau à la mi-septembre, a soutenu le chef libéral. Il s’est aussi défendu de tirer partie de la crise étudiante à des fins électorales, une manoeuvre qu’il avait qualifiée de « grotesque ». « C’est un enjeu qui s’impose de lui-même. Il est impossible de le contourner. Les Québécois veulent parler, ils veulent s’exprimer. » Pour lui, il s’agit d’un enjeu fondamental de l’élection. Les Québécois devront décider s’ils sont d’accord avec la position du gouvernement libéral, a-t-il dit dans une assemblée partisane en soirée.
Quant aux accusations de corruption que Pauline Marois a lancées contre les libéraux, Jean Charest estime qu’elle répète « la même cassette ad nauseam » et qu’elle n’a pas de leçons à donner à cet égard.
Jean Charest a aussi répliqué à Pauline Marois qui a réitéré, hier, que « le Canada est devenu un risque pour le Québec ». En réponse à une question d’un journaliste du Canada anglais, il a vanté la performance économique du Canada sous le gouvernement Harper. « Je ne connais pas une période où le Canada a eu une réputation économique comme nous avons aujourd’hui. Sortant de la crise économique, le Canada est vu comme une des lumières scintillantes de l’économie mondiale. »
Un peu comme aux dernières élections générales de décembre 2008, Jean Charest a brandi le spectre des turbulences causées par une économie mondiale fragile en présentant le Parti libéral comme celui de l’économie. Il a avancé que la PQ n’a rien à proposer en matière économique.
De François Legault et de la Coalition avenir Québec, Jean Charest a très peu parlé, sinon pour dire que le chef caquiste a « abandonné le droit à l’éducation » quand celui-ci préconise d’abroger les dispositions de la loi spéciale qui limitent le droit de manifester. Le chef libéral a par ailleurs rejeté la proposition de François Legault de tenir des « forums citoyens » auxquels les chefs des trois principaux partis seraient appelés à participer. Il s’est toutefois montré ouvert à la tenue de quatre débats télévisés comme le proposent les grands réseaux.
En soirée, le chef libéral s’est retrouvé dans une assemblée partisane pour présenter ses dix candidats de la région de Québec, dont Clément Gignac, son ministre des Ressources naturelles et de la Faune, qui a abandonné le château fort libéral de Marguerite-Bourgeoys pour se présenter à Québec dans Taschereau, une circonscription représentée par la députée péquiste Agnès Maltais. Une trentaine de personnes, munies de casseroles et arborant le carré rouge, ont manifesté dans le calme, bien surveillées par une dizaine de policiers.


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