Valérian Mazataud - Plusieurs milliers de personnes ont ressorti hier casseroles et carrés rouges à Montréal, soulignant bruyamment le début de la campagne électorale.
Pour la première fois depuis plus de cinq semaines, les rues de Montréal ont à nouveau résonné du tintamarre des casseroles et des slogans, alors que le jour du déclenchement des élections coïncidait avec la centième manifestation nocturne.
Le mot d’ordre était lancé depuis plusieurs heures dans les réseaux sociaux. Déjà les mots clics #manifencours et #casserolesencours piaffaient d’impatience sur Twitter. Pour cette centième manifestation nocturne, et ce premier jour de la campagne électorale, ils seraient nombreux, et ils seraient armés… de leurs fidèles casseroles, prêts à revivre les grandes heures de la contestation du printemps dernier.
Dès 19 h, les plus motivées des casseroles, accompagnées de leurs manifestants, battaient le pavé et la mesure à l’angle de Saint-Denis et de Jarry. 19 h 15 et la troupe de quelques dizaines de marcheurs se met en branle, vite rejointe par des étudiants poussant un cube rouge géant. Quelques minutes plus tard, dans Hochelaga-Maisonneuve, un groupe similaire se met en route le long de la rue Ontario, direction place Émilie-Gamelin.
Le long de Saint-Denis, la troupe prend de l’embonpoint à chaque coin de rue. Parfois c’est un père et son fils, équipés d’un presto et d’une spatule, parfois c’est un véritable contingent de plus de cent personnes posté à l’angle de la rue Beaubien.
Métro Rosemont, un groupe plus large encore se joint aux autres. Une arrestation y provoque une brève altercation entre quelques grappes de manifestants et des policiers visiblement dépassés. Un manifestant a ensuite été blessé lorsqu’il a été heurté par une automobile à l’intersection Saint-Denis et Laurier, ont indiqué divers médias. Le conducteur ne s’est pas arrêté.
Charnière
« Je ne pense pas que ce soit de la nostalgie de sortir ses casseroles ce soir. Au contraire, c’est le début de quelque chose de nouveau », estime Catherine Elly, une résidante du quartier de La Petite-Patrie. « C’est un moment charnière », ajoute son voisin Frédéric Thériault, dont la cuiller en bois fêlée semble déjà avoir vécu quelques batailles.
Quelques coins de rue plus loin, le député de Québec solidaire, Amir Khadir, rejoint le cortège. Que la centième tombe le jour du déclenchement des élections semble un signe du destin pour le député de Mercier, « le destin de M. Charest », précise-t-il. « Vivement les élections, alors que la campagne débute dans une telle ambiance de fête. […] Le Québec est prêt pour une métamorphose, et ça ne viendra pas uniquement des élections, mais aussi des manifestations. »
Pour d’autres cependant, il est important de recentrer le débat : « On n’est pas la pour faire tomber Jean Charest, on est la pour demander la gratuite scolaire », rappelle Catherine Brown, heureuse de manifester à nouveau après une longue pause.
Pour Jaggi Singh, un organisateur communautaire et activiste politique bien connu de Montréal, les élections ne doivent pas distraire les manifestants des véritables enjeux, qui sont la gratuité scolaire, mais au-delà, la remise en question du système néolibéral dans son ensemble. « Il ne faut pas tomber dans le piège des élections, le mouvement est dans la rue, dans la communauté [il ne passe] pas par les urnes. »
À 21 h, c’est une foule de plusieurs milliers de personnes qui atteint la place Émilie-Gamelin, alors que la nuit est déjà noire. Les manifestants choisissent de se diriger vers le sud, alors que le Service de police de la Ville de Montréal déclare la manifestation illégale, mais tolérée en l’absence d’actes criminels. Elle prévient cependant sur son fil Twitter : « L’utilisation de fusils à eau envers les policiers ne sera pas tolérée et passible d’accusations criminelles »…
Vives tensions
Les tensions ont été parfois vives entre les manifestants et les policiers qui ont utilisé des gaz irritants, ainsi que des bombes assourdissantes et tenté de contenir la foule à divers moments. D'ailleurs, les forces de l'ordre étaient parfois discrètes, mais tout de même nombreuses.
Vers 22h30, les policiers ont ordonné la dispersion de la foule, mais les manifestants ont continué à déambuler dans les rues du centre-ville, la quasi totalité de façon pacifique.
Les policiers ont dû intervenir après que des manifestants eurent tenté de construire une barricade de fortune sur la rue Sainte-Catherine, où se tenait le 12e festival Mode et Design de Montréal.
L'importance de la manifestation a contraint le Service de Transport de Montréal à avertir ses usagers que certaines lignes pouvaient être perturbées.
Certaines personnes s'étaient déguisées pour se moquer du règlement anti-masque adopté par la ville de Montréal. L'une d'entre elles avait opté pour un déguisement de... lapin. La plus connue de toutes ces mascottes, l'Anarchopanda pour la gratuité scolaire, était également présente.
Une personne, qui ne participait à la manifestation a également été blessée. Atteint par un projectile, l'homme saignait du visage.
Le SPVM a dispersé la foule sur Saint-Catherine Est peu après minuit. Le compte Twitter du Service de police de la ville de Montréal (SPVM) a indiqué la fin de la manifestation par la suite.
Au moins une quinzaine d’arrestations ont été effectuées, pour utilisation de pièces pyrotechniques, pour méfaits et pour avoir lancé des projectiles aux policiers, a indiqué le SPVM.
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Avec La Presse canadienne
100e manifestation nocturne à Montréal
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