La crise sociale amorcée par les étudiants a été d’une ampleur étonnante. Pourtant, à la réflexion, la mobilisation du printemps s’inscrit dans la continuité historique de démocratisation de nos sociétés. D’une part, les citoyens sont de plus en plus aptes et déterminés à participer aux décisions qui les concernent ; d’autre part, le cadre politique québécois tarde à s’adapter aux nouvelles exigences de la maturation démocratique. La situation de déficit ainsi créée nourrit un mouvement de revendication avec lequel devra compter le gouvernement élu le 4 septembre prochain.
Une élection pas comme les autres ?
La présente élection serait spéciale. Jean Charest a lancé sa campagne en clamant que les Québécois auraient cette fois l’occasion de « décider du type de société dans laquelle nous voulons vivre ». Pauline Marois a tenu des propos semblables et ses pancartes arborent le slogan « À nous de choisir ». Le vote du 4 septembre a même été assimilé à un référendum sur la question de l’augmentation des droits de scolarité dans les cégeps et les universités. Malheureusement, dans les faits, le PLQ et le PQ se partagent le pouvoir en alternance et les idées neuves ont du mal à trouver leur chemin jusqu’à l’Assemblée nationale. L’élection québécoise de 2012 sera encore beaucoup trop comme les autres. Notamment, notre mode de scrutin, qui donne le pouvoir au parti ayant fait élire le plus grand nombre de députés, créera cette fois-ci encore beaucoup de frustration.
Aux dernières élections, le gouvernement dit majoritaire de Jean Charest a recueilli 42% de l’ensemble des votes exprimés. Si l’on tient compte du taux de participation de 57%, c’est seulement 24 % des électeurs du Québec qui ont voté libéral en 2008. Qu’un parti ainsi élu par une minorité puisse imposer ses vues et prendre unilatéralement des décisions qui hypothèquent l’avenir collectif n’est plus compatible avec la volonté démocratique d’aujourd’hui. Cela est devenu intolérable [...]
Des changements plus structurels de nos institutions politiques sont devenus nécessaires pour que l’Assemblée nationale représente mieux la diversité québécoise. Parmi ces changements, l’introduction d’une dimension proportionnelle dans le mode de scrutin devrait être une priorité.
Voter pour améliorer la démocratie
La modification du mode de scrutin est inscrite dans les programmes de Québec solidaire et d’Option nationale. Cela constitue un argument de poids pour accorder son vote à l’un de ces partis. Bien sûr, on ne peut pas envisager de façon réaliste que ces partis puissent accéder au pouvoir à cette élection. Risquerait-on alors, en votant pour ceux-ci, de diviser le vote et de favoriser le Parti libéral ? Risquerait-on un recul démocratique ?
Outre le fait que voter selon ses convictions est un droit indéniable, il y a plusieurs bonnes raisons de voter pour un parti dont le programme répond à nos aspirations, même si ses chances d’être élu sont minces. L’apparition de nouveaux partis est une réalité avec laquelle il faut désormais compter ; cela est un gage d’enrichissement de la vie politique québécoise. Le parti Québec solidaire a apporté une contribution exceptionnelle à l’Assemblée nationale avec un seul député élu. Ce parti a besoin de votes pour se développer. Il ne faut pas oublier que des personnes donnent bénévolement de leur temps pour faire vivre l’organisation dans chaque circonscription du Québec. Pour ces militants de la base, chaque vote gagné est une source de motivation.
De plus, le vote pour des idées émergentes est un message qui s’inscrit dans le paysage politique et qui aura un impact à plus ou moins long terme. Enfin, comme le dit si bien le sociologue Edgar Morin, l’inattendu arrive toujours. On l’a vu sur la scène fédérale avec le succès du Nouveau Parti démocratique. Le vote soi-disant « stratégique » est un vote uniquement contre les libéraux, un vote de dépit. Un vote pour Québec solidaire témoigne d’une confiance en l’avenir.
La mobilisation sociétale
Quel que soit le résultat de l’élection, l’amélioration de notre démocratie doit être maintenue à l’ordre du jour. Permettre une meilleure représentation des idées ayant cours dans la société québécoise pourrait prévenir l’émergence de crises sociales à répétition. Si les décisions prises à l’Assemblée nationale étaient davantage le résultat d’un réel exercice de construction du consensus, ces décisions pourraient être mieux comprises et acceptées.
L’introduction d’une composante proportionnelle dans notre mode de scrutin ne réglera pas tous les problèmes, mais il s’agit là d’une clé pour ouvrir la porte à de nombreuses autres avancées sociales. Il faut garder cela en tête dans le contexte de la mobilisation populaire que nous avons connue ce printemps et qui pourrait bien se poursuivre. Les organisations étudiantes ont exprimé à des degrés divers un désir de dépasser la stricte question des droits de scolarité, critiquant les politiques néolibérales et leurs effets délétères sur le tissu social.
Les grandes centrales syndicales ont appuyé les étudiants plutôt discrètement. Elles n’ont pas saisi l’occasion pour favoriser l’émergence de revendications sociales communes, mais elles pourraient encore le faire [...] .
Il est certain que la réforme du mode de scrutin n’apparaît pas aussi urgente que d’éviter l’augmentation des droits de scolarité, l’abolition de programmes sociaux ou la privatisation du système de santé. Il reste que cette réforme ouvrirait la voie à l’émergence de solutions plus consensuelles quant aux enjeux majeurs auxquels doit faire face la société québécoise. La mobilisation sociétale en cours devrait se donner des objectifs communs clairs et atteignables dans un horizon temporel raisonnable. La réforme du mode de scrutin devrait figurer en priorité parmi ses revendications.
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Gérald Baril - Morin-Heights
L’intolérable déficit démocratique
Malheureusement, dans les faits, le PLQ et le PQ se partagent le pouvoir en alternance et les idées neuves ont du mal à trouver leur chemin jusqu’à l’Assemblée nationale
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