Conflit étudiant

Les non-dits d’une campagne électorale

Ben voyons...



Le divorce entre, d’une part, les attentes de changement de la population, exprimées avec radicalisme et brio par les jeunes générations en ce printemps érable qui se prolonge en automne chaud, et, d’autre part, les discours des politiciens en campagne électorale n’a jamais été aussi patent.
De toutes parts fusent les frustrations à leur endroit. La crise déclenchée par les jeunes cégépiens et étudiants sur la question de l’augmentation des droits de scolarité semble être l’angle mort de la campagne, forçant les protagonistes à camper sur leurs anciennes positions. Ces élections n’ont-elles pas été déclenchées pour trouver une solution démocratique à la crise ?
Énonçons quelques vérités qui pourraient aider à faire un diagnostic objectif de la situation présente au Québec : l’éducation postsecondaire y est relativement accessible à tous, même si de grandes disparités existent selon les origines culturelles, sociales ou ethnoreligieuses des étudiants et étudiantes. L’idéal de gratuité scolaire à ces niveaux ne figurait pas dans le rapport Parent, et si aujourd’hui il est avancé par quelques politiciens (QS et ON), il paraît bien utopique. Le compromis qui a été trouvé depuis une trentaine d’années du gel des droits de scolarité ne fait plus consensus et la hausse progressive a été plus ou moins acceptée.

La crise couve encore
Est-ce l’augmentation trop élevée de ces droits (80 % en 5 ans) et la manière trop précipitée et sans concertation du gouvernement qui nous ont précipités dans une telle crise ? Peut-être, mais force est de constater qu’aucun des compromis présentés par le gouvernement, et il y en a eu, n’a réussi à résorber la crise, qui sera à nouveau sur la table de négociation quel que soit le gouvernement issu des élections du 4 septembre prochain.
Je ne crois pas qu’un gouvernement du Parti québécois puisse indéfiniment geler les droits de scolarité sans un risque important pour nos finances publiques ! Mais il y a plus : en ignorant ces questions, on cherche aussi à minimiser l’autre facteur à l’origine de cette crise, à savoir un climat social largement détérioré.
Car la contestation des droits de scolarité en recouvre une autre, plus vaste et plus intemporelle. Mise de l’avant par le mouvement étudiant radical (par la CLASSE, en particulier), la critique du tournant néolibéral incarné par le gouvernement Charest (accusé de privatisation partielle des services de santé et d’éducation, entaché par des allégations de corruption des services municipaux, etc.) et par le programme de la CAQ rejoint un mouvement transnational de contestation de la mondialisation (Occupy Wall Street, Montréal, etc.). Une bonne partie de la population québécoise, inquiète de son avenir et de celui de ses enfants, est sensible à ces critiques, mais reste perplexe face aux solutions proposées par les partis.
L’ancien clivage entre le oui et le non, entre les souverainistes et les fédéralistes ne semble plus fonctionner ! Le combat gauche-droite redéfinit le paysage politique et réoriente le positionnement des vieux partis.

Majorité silencieuse sollicitée
De là ce désamour envers un Parti libéral du Québec poussé vers la droite par la crise, ce qui pourrait se traduire par une désaffection des électeurs traditionnels du PLQ aux prochaines élections. De son côté, le Parti québécois est poussé à reprendre bien malgré lui un discours plus progressiste que souverainiste, d’où les nombreuses valses-hésitations de Pauline Marois ces derniers jours. L’arrivée de nouveaux partis contribue encore davantage à changer la donne, qui, pour la première fois depuis très longtemps, est vraiment variée.
Le pari de Jean Charest est ardu, lui, qui comme De Gaulle après Mai 68, a convoqué des élections pour faire entendre la voix de la majorité silencieuse ! Si De Gaulle a fait gagner son parti aux législatives de juin 1968, il a toutefois perdu son référendum en avril 1969. Le grand homme avait sous-estimé l’ampleur de la crise politique déclenchée par les mouvements étudiants !
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Yolande Cohen - Historienne à l’UQAM


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