Les Québécois penchent vers l’économie et la santé lorsqu’on les sonde sur leurs priorités, mais pour plusieurs des partis politiques en lice, c’est « croix de bois, croix de fer, l’éducation, j’en fais mon affaire ». Tournoyant autour des mêmes insolubles casse-tête, les partis donnent à la fois dans l’utopie et la fougue. Il leur reste à franchir le pas de la réalité.
ifficile de ne pas les croire lorsqu’ils affirment tous que l’avenir d’un pays, référendum ou pas, passe par un investissement dans le dossier jeunesse. Ce discours nous emballe, certes. Pauline Marois et François Legault ont été tous deux ministres de l’Éducation. Leur passage a été remarqué, lorsqu’ils ont occupé ce poste, et ils ne se sont pas contentés de promettre : ils ont agi.
Le chef de la Coalition avenir Québec, de passage hier au Devoir, s’enflamme lorsqu’il cause évaluation du personnel enseignant, valorisation de l’école, taux de décrochage aberrants, absence d’élèves en difficulté dans les écoles privées, qualité des universités. C’est que François Legault y croit, à tous ces branle-bas de combat promis ici et là : ordre professionnel des enseignants, abolition des commissions scolaires, changement d’horaire au secondaire.
La majorité de ses idées reposent dans les faits sur des constats qui sont justes. Par exemple, il est vrai que les écoles croulent sous la paperasse et que plus d’autonomie, notamment dans la gestion de leurs affaires, leur donnerait un certain souffle. Mais convertir les commissions scolaires en centres régionaux d’éducation entraînera-t-il vraiment la révolution qu’on prédit ? M. Legault aura certainement retenu de son passage en éducation qu’il a affaire à un réseau mammouth pour lequel la moindre pirouette constitue un effort monumental. Le nerf de la guerre se trouve bien loin d’un programme de parti ou de celui d’un éventuel gouvernement : c’est dans la négociation de conventions collectives que l’on verra de quel bois peuvent vraiment se chauffer les adeptes du grand ménage !
Parti québécois et Parti libéral ont choisi la mesure pour asseoir leurs promesses en éducation. Qui dit « vieux partis » dit partis d’expérience, une expérience qu’on peut brandir pour rappeler les bons coups, mais qu’on peut aussi subir lorsque les résultats n’ont pas été à la hauteur des annonces. Le décrochage, tous ont promis maintes fois d’y mettre la hache - sans succès, puisqu’on traîne encore comme un boulet la perte d’un élève sur cinq en cours de scolarisation, un sur quatre chez les garçons. L’axe petite enfance sur lequel insiste le PQ est encourageant, car comme l’a démontré avec brio le réseau des services de garde - une réalisation Marois -, c’est en ciblant la jeunesse à son âge le plus tendre qu’on peut espérer la mener le plus loin dans la scolarité.
Les plans de persévérance des uns et des autres, qu’ils soient axés sur la petite enfance ou les milieux défavorisés, qu’ils aient vanté l’ajout de ressources professionnelles ou promis l’avènement des activités parascolaires, n’ont pas réussi le virage attendu. Sur fond de réforme enclenchée au tournant des années 2000, le mirage d’une réussite pour tous - un slogan de M. Legault alors qu’il menait l’Éducation - n’a pas livré ses fruits. Qu’on nous pardonne ce mélange de cynisme et de retenue, mais qui donc peut prétendre aujourd’hui jouer le magicien quand nos résultats, notamment en français, ont de quoi inquiéter ?
Alors qu’une crise étudiante couve toujours, Option nationale et Québec solidaire promettent une gratuité scolaire réclamée à grands cris par la CLASSE, le groupe étudiant le plus militant. Le PQ promet d’annuler la hausse maudite et de tenir un sommet. La CAQ est prête à négocier une hausse moindre. Les libéraux gardent le cap, après un printemps houleux.
Que ces récents événements servent à tous les partis de rappel, particulièrement à ceux qui brûlent d’envie de tout remuer sur leur passage : lorsque la promesse électorale franchit le cap de la réalité, la réponse peut rimer avec tumulte et chaos social.
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