Les 250 ans des plaines

D'inutiles jeux de guerre

Pour les Québécois francophones, elle a la même importance que la déportation a eue pour les Acadiens

"Deux fois de suite, c'est trop!"

Les esprits s'échauffent autour du projet de reconstitution, l'automne prochain, de la bataille des plaines d'Abraham pour en marquer le 250e anniversaire. Pour calmer le jeu, la Commission des champs de bataille se propose de repenser son programme de célébrations. Très bonne idée.
Ce jour du 13 septembre 1759 n'est pas à passer sous silence, tant s'en faut. C'est l'une des grandes dates charnières de l'histoire du Canada. Pour les Québécois francophones, elle a la même importance que la déportation a eue pour les Acadiens. C'est le début de la fin de la Nouvelle-France. Le chevalier de Lévis sauvera l'honneur de la France en remportant la bataille de Sainte-Foy le 28 avril 1760, mais, bientôt, le gouverneur Vaudreuil scellera la capitulation finale à Montréal le 8 septembre suivant. Par le Traité de Paris de 1763, le Canada et l'Acadie passeront à l'Angleterre.
Toutes ces dates pourraient être l'objet de commémorations, mais le souvenir populaire s'est fixé sur celle du 13 septembre. Elle a valeur de symbole. Québec était le siège du gouvernement de la colonie et la porte d'entrée du continent. Sa capitulation rendait la victoire britannique possible. Pour les Anglais du Canada, ce fut la pierre angulaire de ce qui allait devenir leur pays. Pour les Français du Canada commençait une autre partie de leur histoire et le début de nouvelles et ardues batailles pour la reconnaissance de leurs droits et l'obtention d'un statut qui n'est toujours pas complètement acquis. Rappelons-nous l'acte constitutionnel de 1982 imposé au Québec.
Ce 250e anniversaire de la bataille des Plaines est l'occasion de se rappeler le passage du régime français au régime britannique. L'occasion de faire des bilans. Sérieusement! Il faut le faire par la publication de livres, par des expositions, des conférences et des colloques, comme le préparent quelques institutions de Québec pour informer, faire comprendre et provoquer une réflexion sur le sens de cet événement. Contrairement à ce que peut penser le maire de Québec, Régis Labeaume, ce n'est pas là «radotage».
La reconstitution de la bataille du 13 septembre ne peut être d'aucun apport valable à un tel exercice, d'autant plus qu'elle a été conçue dans une forme festive et commerçante. La Commission des champs, qui a préparé le programme des fêtes, s'est laissé imprégner par l'esprit imposé par Ottawa aux fêtes du 400e anniversaire de Québec l'an dernier: du pain et des jeux. Comme pour la fondation de Québec, on veut éviter la politisation de l'événement en le banalisant. Une autre fois, célébrons l'amitié de deux peuples plutôt que de s'interroger sur la solidité de ses fondements. Deux fois de suite, c'est trop!
Curieux tout de même que les membres de la Commission des champs de bataille n'aient pas vu venir les protestations surgies de toutes parts depuis quelques semaines. La reconstitution de la bataille n'était dans leur esprit que d'innocents jeux de guerre. Consciemment ou non, ils concourront, s'ils persistent, à dénaturer le sens d'un événement marquant de l'histoire du Québec.
La Commission, comprenant qu'elle a mis le pied sur un terrain glissant, indiquait hier qu'elle consulterait des historiens de l'Université Laval pour l'aider à rectifier le tir. En fait, elle doit faire plus. Elle doit battre en retraite et abandonner ses innocents jeux de guerre qui sont devenus inutilement provocants. Si elle tient à faire un geste officiel, suggérons-lui de faire comme en 1959, pour le 200e anniversaire, où l'on s'était contenté d'émettre un timbre.


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