Saccage de la Côte-du-Sud en 1759

lors de cette expédition, de Kamouraska à Cap-Saint-Ignace, 998 "bons bâtiments" allaient être incendiés.

1759-2009 : la résistance


En ce 250 ième anniversaire des évènements dramatiques de la conquête anglaise, il est permis de se poser une question concernant le saccage de la Cote-du-Sud en 1759.
Le compte rendu du major Geo Scott affirme que plus de deux jours après la courte bataille des plaines d'Abraham (qui se termina le 13 septembre 1759 à 10 heures am), soit « le samedi le 15 septembre à 4 heures de l' après midi, le capitaine Elphistone, commandant de l'Eurus, est venu à terre (à Saint-Roch) pour m'informer qu'il avait reçu l'ordre de nous ramener immédiatement à Québec.» C`était donc 54 heures après que la bataille des plaines d’Abraham fut terminée.
L' ordre était, formellement, d'arrêter le saccage de la Côte-du-Sud. Il y a donc de bonnes chances que le capitaineElphistone savait depuis plus de deux jours que Québec était tombé aux mains des Anglais puisque la distance entre Québec et Saint-Roch-des-Aulnaies n’est que de 115 kilomètres environ. Or les vents d’ouest en septembre font rapidement avancer les voiliers. En fait le capitaine Elphistone, commandant de l’Eurus, avait  probablement été dépêché à la rencontre du major Scott pour lui signifier d' arrêter le carnage puisque le sort de la colonie française venait d'être pratiquement scellé par la victoire anglaise de la bataille des plaines d’Abraham.
N'est-il pas permis de penser que le major Scott aurait ainsi délibérément continuer à incendier inutilement la partie est de Saint-Roch , Saint-Jean-du-Sud ( aujourd'hui Saint-Jean-Port-Joli), L'Islet et une partie ouest de Cap-Saint-Ignace tout en sachant que les troupes anglaises avaient remporté la victoire?
Voici ce que dit le carnet de Geo Scott :
«…. Samedi le 15…à Saint-Roch…le capitaine Elphistone est venu à terre pour m`informer qu’ìl avait reçu l’ordre de nous ramener immédiatement à Québec, mais que je devais monter quatre ou cinq lieues plus haut, à cause d’un haut-fond qui s`étend sur six ou sept milles, à partir de Saint-Roch, et qui aurait rendu l’embarquement très difficile. Dans l`après-midi nous avons brûlé une goélette et deux autres chaloupes.
Dimanche le 16, nous avons marché jusqu’à la limite est de la paroisse de Cap-Saint-Ignace et brûlé 140 maisons, nous avons eu un ranger blessé dans une petite escarmouche avec l’ennemi et nous avons capturé six femmes et cinq enfants. Le vent d`ouest souffrait si fort ce jour là qu'il empêcha le capitaine Elphinstone de s’approcher de nous avec ses transports.
Lundi le 17, La marée empêchant les vaisseaux de venir nous prendre à bord tôt le matin, nous avons brûlé 60 maisons de plus, (de notre campement jusqu’à trois milles de l’église de Cap-Saint-Ignace ?). à onze heures du matin, j’ai commencé à faire embarquer mes troupes et, à cinq heures de l`après-midi, nous étions tous à bord ».

Bref, lors de cette expédition, de Kamouraska à Cap-Saint-Ignace, 998 "bons bâtiments" allaient être incendiés. Il y eut morts, blessés, prisonniers et tout ce que la guerre apporte d’horreur et de traumatismes. Un drame tout simplement épouvantable pour la paisible et laborieuse population de la Côte-du-Sud.
Par respect pour l’histoire, en ce 250 ième, je crois qu`il convient que ce point de vue soit connu du public. On a essayé d`occulter cette partie de l’histoire de la Côte-du-Sud sous prétexte que « c’est un mauvais souvenir dont il vaut mieux ne pas parler », m’a-t-on dit quand je présentai le projet d`élever un monument au courage et à la détermination des Sud-côtois qui rebâtirent leur patrimoine et surent sauvegarder leur belle langue française et leurs coutumes. - Il n`y a là rien de honteux, vous en conviendrai. - Vous pouvez maintenant voir devant l’édifice municipal de Saint-Jean-Port-Joli, ce magnifique monument,(« VIGILANCE »), qui porte les patronymes des gens qui rebâtirent le patrimoine de la région et qui est maintenant homologué auprès du ministère de la culture. De fait le monument VIGILANCE symbolise cette année 250 années de résistance du peuple à l`assimilation anglaise que les Sûd-cotois, tout comme les Québécois, ont combattu depuis la conquête.
Rappelons que cette histoire avait fait l’objet du roman, « Les Anciens Canadiens » de Philippe Aubert de Gaspé, seigneur de Saint-Jean-Port-Joli, publié en 1864, grand classique de la littérature québécoise. En fait ce n’est que depuis quelques décennies, alors qu’on retrouva dans des archives le carnet de Géo Scott, que les Sud-côtois et les Québécois connurent toute la véracité de cette histoire, la plus dramatique qu`ait vécue notre peuple.*
Alain Raby, 25 février, 2009,

Saint-Jean-Port-Joli,

* Voir L’année des Anglais, de Gaston Deschènes, aux éditions Septentrion.

Featured 4b7f53d7d6aaf5dfc55d826cdc1b73a4

Alain Raby118 articles

  • 162 086

Né à Mont Saint Michel, Qc

Bac en pédagogie - Hull

Maîtrise en Relations Internationales.

University of the Americas - Mexique 1971

Scolarité de doctorat en sciences politiques - Université Laval

Enseignant à Saint-Claude, Manitoba

Globetrotter et commerçant-importateur - Art populaire des cing continents à Saint Jean Port-Joli - Les Enfants du Soleil





Laissez un commentaire



4 commentaires

  • François Taylor Répondre

    28 février 2011

    Merci à Monsieur Raby de diffuser cette information. La conquête a été une manifestation brutale de la supériorité des moyens mis en œuvre par la couronne britannique. Une partie de cette brutalité était gratuite et cruelle parce qu'elle prenait pour cible des populations civiles.
    Maintenant, avant de se mettre à cracher notre venin sur la "perfide Albion" et ses suppôts, il faut se rappeler qu'il s'agissait d'une guerre!
    Nos ancêtres sont allés faire la guerre parmi les villages de la Nouvelle-Angleterre et, selon les souvenirs de mes rares lectures sur le sujet, ils ont été loin d'être des modèles de charité chrétienne. Ils avaient plutôt décidé d'adopter les pratiques assez sanguinaires des amérindiens de l'époque. A moins que mes connaissances en histoire soient défaillantes?
    Il faut se réjouir que cette ère d'affrontements violents entre les puissances impérialistes européennes soit maintenant chose du passé. Et vive le Québec pacifique, démocratique et libre!

  • Tremblay Sylvain Répondre

    22 septembre 2009

    nous avons capturé six femmes et cinq enfants. Major Geo Scott.
    C'est incroyable. Les anglais de notre bon Canada humaniste sont les premiers à s'offusquer de la barbarie dans le monde, spécialement à l'encontre des femmes et des enfants. Je comprend que vous ayiez été censuré dans d'autres médias.
    Nous avons des réticences, des réminiscences ancestrales à l'égard des anglais, comme lorsqu'on entend de la musique de cornemuse lors de fêtes ethniques, qu'on voit un rassemblement de grands voiliers en face de Québec, qu'on rencontre des touristes anglais (anglophones de partout) dans Québec (une femme me disait un jour qu'ils ne viennent sûrement pas ici parce qu'il fait beau). Il existe un froid en nous à leur encontre, qu'il est difficile de cacher ou nous défaire. Je pense que ça ne disparaîtra jamais. Ils ne sont pas venus ici en amis, comme des immigrants réguliers. Les anglophones qui ont été introduits ici par après, comme de véritables immigrants ou réfugiés, l'ont été de par leurs bons offices, après qu'ils aient pris les commandes de notre colonie. On a beau apprendre, par exemple, que c'est nous qui avons accueilli les réfugiés irlandais, il est étonnant d'apprendre, par d'autres sources d'information, notamment anglophones ou d'obédience anglophone, ou même de vive voix, qu'ils auraient plutôt été accueillis par un Canada occupé et dirigé par des anglais, dans le sens que c'est une colonie britannique, et par le fait même nécessairement anglophone et dirigée par des anglophones. D'où la mystification de notre proverbiale hospitalité et humanisme qui passe pour être celle des anglais, des anglophones du Canada, aux yeux des autres. C'est peut-être pour ça qu'ils n'aiment pas qu'on leur rappelle ce qu'ils nous ont fait, et qu'ils nous font toujours, souffrir.

  • Archives de Vigile Répondre

    2 septembre 2009

       Je vois aussi d'autres motifs à cet arrêt des destructions  des fermes et des habitations de la région.
    Les Anglais  venaient de réaliser qu'ils passeraient l'hiver à Québec et qu'ils manqueraient de nourriture.  C'est ce qui est arrrivé. Malgré leurs offres de payer  en monnaie d'or l'achat de nourriture et aussi le gîte  chez l'habitant, les Anglais ont gelé de froid et ont  manqué de nourriture pendant l'hiver qui suivit la  bataille des plaines d'Abraham.
    Pour survivre,ils  ont mangé leurs chevaux.  Ce motif logistique m'apparaît plus proche de la réalité  qu'un changement de mentalité ou l'apparition soudaine  d'un humanisme chez les Anglais, ce dont ils sont  incapables.
     La politique est affaire d'intérêts, de rapports de  forces et d'effectivité, celle des Anglais plus que   tous les autres. La perfide Albion n'est pas qu'un  jeu de mots.
    Salutations 
    JRMS

  • Alain Raby Répondre

    17 mars 2009

    Il est déplorable qu´aucun journal local, régional ou national n´ait á ce jour donné d´espace á cet article d´intérét historique. Il existe une véritable opération d´axphysie menée par les journaux féderalistes.
    Par chance que nous avons Vigile et Le Québécois pour nous permettre de respirer un peu.
    Alain Raby