Cannibalisme à gauche

Quel avenir pour les tiers-partis



L'élection du deuxième porte-parole de Québec solidaire, Amir Khadir, dans le comté boîte à surprises de Mercier, avec un petit 18 % des votes, a été saluée par la plupart des médias montréalais comme s'il s'agissait des premiers pas de l'homme sur Mars.
Québec solidaire a pourtant recueilli 3,78 % des votes à l'échelle du Québec et une poignée seulement de ses candidats en a obtenu entre 10 et 15 %, dans des comtés de l'est de Montréal. QS demeure un petit parti très marginal. Le docteur Kadhir a néanmoins eu droit à une tournée médiatique digne d'un héros.
Il n'y a pourtant rien dans son élection pour faire un tel plat. À l'Assemblée nationale, Amir Khadir sera assis à l'arrière-banc, tout au fond du Salon bleu et il n'aura droit qu'à une ou deux interventions par saison à la période des questions, le moment fort de la journée parlementaire, et ce, à la toute fin de la joute. Un député indépendant (QS n'est pas un parti reconnu à l'Assemblée nationale) jouit de moins de considération qu'un page qui remplit les verres d'eau.
Amir Khadir cherchera, comme d'autres avant lui, à compenser en utilisant les médias pour vendre ses idées. Les journalistes en poste à l'Assemblée nationale sont cependant extrêmement sollicités tous les jours et ils doivent faire des choix. Entre un ministre qui présente un projet de loi ou qui commente l'actualité, les critiques des partis d'opposition qui lui donnent la réplique, la couverture obligatoire des travaux parlementaires, celle d'événements particuliers, et une conférence de presse d'Amir Khadir qui prêchera une xième fois pour la gratuité des études universitaires ou la construction de dizaines de milliers de logements sociaux, le choix sera vite fait. Pourquoi, en plus, couvrir une telle conférence de presse, rédiger un texte ou préparer un topo qui ne sera pas utilisé, faute de temps au télé-journal ou d'espace dans le journal ?
Par ailleurs, les journalistes de la tribune à l'Assemblée nationale sont pour plusieurs assez cyniques à l'endroit des politiciens, ils détestent le radotage sans originalité des programmes de parti et ils ont peu d'égards pour ceux qui n'ont aucun pouvoir décisionnel. Leurs pratiques journalistiques sont aussi très différentes du travail de faire-valoir des animateurs sympathiques à la doctrine socialiste de M. Khadir, qu'ils ont reçu en chaîne la semaine dernière à Montréal. Ce dernier se retrouvera rapidement devant une salle à peu près vide.
D'autre part, la recherche de visibilité est une chose mais Amir Khadir est devenu membre d'un Parlement. Ses gestes n'auront plus la même portée et il ne devra pas l'oublier. Un député garde ses souliers dans ses pieds.
MENAÇANT POUR LE PQ
Québec solidaire est une petite mouvance politique, concentrée dans un secteur de l'île. En région, QS est encore totalement inconnu et son discours ne colle pas au pragmatisme de cette clientèle. Parti souverainiste, beaucoup plus à gauche que le Parti québécois à la sauce Pauline Marois, qui se colle sur le centre de l'échiquier politique à des fins électoralistes, il détourne des votes qui allaient au PQ. La principale conséquence de son émergence dans le décor politique est donc d'affaiblir celui-ci. Dans les luttes serrées entre le Parti libéral et le Parti québécois, les 10, 12 ou 15 % de votes qu'il arrachera dans certains comtés peuvent faire toute la différence et mener à l'élection du... libéral.
Comme partout, la gauche se cannibalise toujours au Québec.


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