Rencontre du troisième type

Pauline Marois mise donc que ce qu’elle présente comme une agression de Stephen Harper contre le Québec fouettera suffisamment les Québécois pour qu’ils prennent même le risque d’exposer Jean Charest au même sort qui menace actuellement Harper.

Élection Québec - le 8 décembre 2008 - les souverainistes en campagne


Une véritable rencontre du troisième type est survenue hier dans la salle de rédaction du Journal. Pauline Marois s’appliquait à nous expliquer les vertus de l’adhésion du Bloc à la coalition pour faire tomber Harper quand le président de Quebecor, Pierre-Karl Péladeau, venu pour une réunion de travail au Journal, est entré à l’improviste pour la saluer.
Et voilà la chef du Parti québécois qui en rajoute, voyant dans des mesures annoncées affectant la représentation du Québec aux Communes et le financement des partis politiques, une vengeance de Stephen Harper contre les Québécois pour avoir choisi le Bloc québécois en octobre dernier. «Il nous a pris de front», a jeté Mme Marois à PKP. En d’autres mots, «il nous a cherchés, il nous a trouvés.» Elle sait que les gens d’affaires comprennent et aiment ce langage «viril».
La crise politique à Ottawa a provoqué un détournement imprévu de la campagne électorale québécoise avec lequel Pauline Marois doit se débattre plus que les deux autres chefs de parti. Elle ramène à l’avant-plan, pour le meilleur comme pour le pire, l’option de la souveraineté. Elle provoque un fort courant de «Quebec bashing» au Canada anglais, mais tout en suscitant une forte controverse à l’intérieur du mouvement souverainiste québécois, en raison de l’alliance contre nature avec Stéphane Dion. Pauline Marois ne contrôle absolument pas les effets de cette crise sur la fin de sa campagne. Ils peuvent tout autant lui procurer une poussée de quelques points dans les intentions de vote comme lui nuire énormément, puisqu’elle alimente le cynisme des citoyens à l’égard des politiciens et leur fera craindre l’instabilité inhérente aux gouvernements minoritaires.
Mme Marois donne d’ailleurs davantage prise sur ces deux derniers plans puisqu’elle retient dans sa manche le scénario d’une alliance possible avec Mario Dumont pour renverser aussi Jean Charest, advenant qu’il termine la soirée minoritaire à nouveau lundi. Le Parti québécois et l’Action démocratique sont aux antipodes sur certains articles de leurs programmes, au chapitre de l’interventionnisme de l’État notamment mais ils se rejoignent facilement sur le coeur du programme de l’ADQ, la recherche de plus d’autonomie pour le Québec. N’est-ce pas aussi la démarche de Pauline Marois, en attendant que les conditions gagnantes d’un OUI soint réunies, si jamais elles le sont?
Pauline Marois mise donc que ce qu’elle présente comme une agression de Stephen Harper contre le Québec fouettera suffisamment les Québécois pour qu’ils prennent même le risque d’exposer Jean Charest au même sort qui menace actuellement Harper. Le pari est très risqué mais elle n’a d’autre choix que d’adopter ce discours après avoir été placée devant le fait accompli d’un pacte du Bloc avec Stéphane Dion, alors qu’elle s’attendait à cohabiter avec Michael Ignatieff. Elle fonce donc tête baissée, avec le risque de voir s’effondrer très rapidement le château de cartes qu’est cette coalition.
La nouvelle Pauline
Quand Pauline gère, ça coûte cher, martèlent les libéraux. Mme Marois contre-attaque maintenant avec force sur le terrain de l’économie. Le véritable parti de l’économie serait le PQ et l’identification du PLQ à ce créneau n’est qu’un mythe. [Joseph Facal défendait aussi cette thèse hier->16641]. Les deux avancent des données qui appuient leur prétention. La chef du PQ a toujours été identifiée comme une «sociale»; elle s’évertue à se donner une image d’ «économique».
Par ailleurs Pauline Marois se révèle durant cette campagne. On l’avait constaté avec surprise lors du débat. Elle est aussi beaucoup moins vaseuse en entrevue. Ses réponses sont maintenant plus courtes, plus factuelles. Le ton reste convivial mais il est plus ferme et elle garde avec ses interlocuteurs professionels une distance que même l’actuel premier ministre ne se soucie pas de maintenir. Elle se comporte en somme comme une chef de gouvernement à l’entrainement, même si cet apprentissage devait durer quatre ans.


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