(Québec) La souveraineté est en hibernation sous Pauline Marois. En temps normal, j'aurais déjà reçu plusieurs courriels critiques des souverainistes purs et durs depuis le début de cette campagne électorale. Cette année, presque rien. Jusqu'à maintenant, les libéraux ont été les plus nombreux à prendre la plume pour critiquer.
Je n'ai reçu que deux courriels traitant de la souveraineté, un de Montmagny, l'autre de Lotbinière. Les deux arrivaient à la même conclusion : la cause est tellement enfouie «sous les cendres» qu'elle ne va nulle part. Il ne s'agissait pas de critiques, mais de constats résignés. Mario Dumont dirait que c'est bon signe, qu'il est rafraîchissant de voir les candidats débattre de l'économie, de la santé ou de l'éducation, après tant d'années à se quereller sur la souveraineté. Mais il est tout de même surprenant de voir à quel point Mme Marois a réussi à enterrer cette question, après s'être libérée de l'obligation de tenir un référendum.
«Je m'engage...»
Pauline Marois tenait pourtant un discours radical pendant la campagne à la direction de son parti, en 2005. «Je m'engage à ce que l'indépendance soit au coeur de la prochaine campagne électorale, franchement, ouvertement, honnêtement. Pour qu'une fois élus, nous puissions, en toute transparence et en toute légitimité, engager les démarches devant nous y conduire.»
Que s'est-il passé depuis 2005? La même chose qui a constamment marqué le cheminement politique de Mme Marois au fil des ans : elle a adapté son discours à l'humeur du temps. Il est donc difficile de savoir précisément à quelle enseigne elle loge.
Les péquistes ont chaudement applaudi sa décision de soustraire le parti de son obligation de tenir un référendum dans un prochain mandat. Mais cette décision s'accompagnait d'une promesse : «Nous allons entreprendre de parler aux Québécois. Pas d'un référendum, mais des raisons qui nous poussent à vouloir notre propre pays.» Huit mois plus tard, les militants sont nombreux, lorsqu'on leur garantit l'anonymat, à constater que Mme Marois a profité de ce changement pour évacuer le discours souverainiste de la campagne. «Elle a tué le projet. C'est tellement vrai que les journalistes ne l'interrogent même plus sur le sujet», m'a fait remarquer un péquiste.
Pas de grogne
Pourtant, on n'entend presque pas de grogne au PQ. Hier, l'ancien président péquiste dans L'Assomption, Ernest Boudreau, a publié un texte demandant à sa chef «d'oser» parler du rêve souverainiste. «Après deux semaines, notre campagne électorale piétine, notre discours ressemble à s'y méprendre à celui de nos adversaires (...) Le temps est venu d'élever le débat, d'ouvrir les horizons, de larguer les amarres.»
Normalement, c'est Jacques Parizeau qui rappelait ses successeurs à l'idéal souverainiste. Les péquistes avaient les yeux rivés sur lui, dimanche soir, lors de sa participation à Tout le monde en parle. Mais depuis que sa femme, Lisette Lapointe, a été élue à l'Assemblée nationale en 2007, M. Parizeau ne brasse plus la cage... Quant aux purs et durs, ils ont pris le maquis dans des groupes marginaux.
Gilles Duceppe a gagné ses élections en ignorant la souveraineté et en proposant de priver Stephen Harper d'une majorité. Pauline Marois tente le même coup contre Jean Charest.
Un leader plus inspirant
La souveraineté est en hibernation, mais pour combien de temps? Les militants interrogés estiment qu'il faudra un leader «plus inspirant» pour ramener leur idéal sur le terrain politique. Les gens qui l'ont côtoyée dans les cabinets politiques ne doutent pas que Mme Marois soit souverainiste, mais ils racontent que contrairement à Jacques Parizeau ou Bernard Landry, elle n'en faisait pas une obsession. En enterrant le débat sur le référendum, Pauline Marois a renforcé l'impression que le rêve est inaccessible, explique un militant, qui estime qu'un chef doit faire l'inverse : «Un chef devient inspirant lorsqu'il a un projet global qui semble possible. Ça donne le goût de faire des choses. Hillary Clinton n'a pas su inspirer ce goût de participer au changement, ce qui explique sa défaite aux mains d'Obama. Jean Lesage l'avait fait avec son ?Maîtres chez nous?.»
Malgré leurs doutes, les péquistes sont satisfaits à l'idée de regagner l'opposition officielle, avec les budgets, les emplois et les privilèges parlementaires qui s'y rattachent. On estime donc que si elle obtient un nombre raisonnable de sièges, Pauline Marois pourra surfer un certain temps sur cette progression. «Mais la journée où les militants vont décider de remettre ça de l'avant, il va falloir que le chef du wagon suive, a déclaré une souverainiste, en confiant que Mme Marois n'a jamais été une locomotive sur cette question.»
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