Il y a quelques mois, en relisant ma chronique avant de l'acheminer à La Presse, je me suis aperçu que j'avais écrit, par mégarde, "le chef de l'opposition, Pauline Marois". Le lapsus en disait très long. Si quelqu'un comme moi, qui suit quand même l'actualité d'assez près, fait une erreur pareille et oublie l'existence et le rôle de Mario Dumont, imaginez le citoyen pas trop passionné de politique.
Ce que mon erreur décrivait, c'est le fait que Mario Dumont et son parti étaient en train de disparaître progressivement de la carte. Et c'est ce que confirme le sondage Léger Marketing publié hier dans Le Devoir. Selon cette enquête, l'ADQ ne recueille que 18% des intentions de vote, très loin derrière les 37% des libéraux et les 33% des péquistes. Ces données confirment, en l'amplifiant, la tendance observée dans le sondage CROP-La Presse du mois dernier qui ne donnait que 22% à l'ADQ.
À 18%, le parti de Mario Dumont se retrouve au niveau qu'il avait lors de la débâcle des élections de 2003. Et si cette tendance se maintient, cela signifie que la courte période de tripartisme que le Québec a connue tire à sa fin. On connaît la capacité de Mario Dumont pour rebondir. Pourra-t-il nous surprendre encore une fois? Cela est hautement improbable. Parce que les facteurs qui affaiblissent l'ADQ correspondent à des tendances lourdes. Ce qui arrive à l'Action démocratique, c'est que ce parti est en train de perdre, un par un, les avantages qui lui permettaient un certain espoir.
Premièrement, l'ADQ a échoué à un test majeur. On savait, le soir même des élections de mars dernier, qu'avec des résultats aussi chauds, Mario Dumont avait un test à passer. Après être passé si proche de la victoire, son parti devait profiter de son stage comme opposition officielle pour démontrer qu'il pouvait gouverner. C'est l'échec: une équipe faible, une absence de cohérence, mais surtout une incapacité de changer de mode. Mario Dumont a manifesté un remarquable talent politique pour décoder les tendances et imposer des débats nécessaires. Il devait cependant passer du stade de franc-tireur à décideur, passer du mode questions au mode réponses. Il a tellement peu réussi que non seulement il ne convainc pas comme futur premier ministre, mais il ne s'impose même pas comme chef de l'opposition.
Deuxièmement, l'ADQ souffre d'un rétrécissement de sa niche idéologique. Le discours plus à droite de ce parti a plu à bien des Québécois tannés de la culture étatique. Mais ce champ est maintenant occupé par les deux grands partis, qui lui ont volé des idées, qui parlent tous deux de richesse, et qui le font avec plus de doigté et d'équilibre qui rassure une population foncièrement centriste. L'ADQ se retrouve marginalisée, et doit se distinguer avec des arguments de la droite idéologique qui le confinent aux vieux bastions créditistes et bleus ruraux.
Troisièmement, et c'est certainement le plus important, l'ADQ a perdu sa fonction de refuge. La force de ce parti vient largement du fait qu'il a voulu s'extraire du débat constitutionnel classique, et n'être ni fédéraliste ni souverainiste. Il pouvait attirer tout autant des souverainistes déçus que des fédéralistes gênés par le scandale des commandites. Le virage du Parti québécois, qui abandonne pour longtemps toute velléité référendaire, en désamorçant le débat national, le prive de son principal atout.
Quatrièmement, la remontée du PQ. Le succès de l'ADQ tenait également à la faiblesse de ses deux adversaires, notamment le PQ, affaibli par ses crises et ses virages. L'arrivée de Pauline Marois le déclasse carrément dans sa fonction de chef de l'opposition. C'est Mme Marois qui a l'expérience, l'équipe, le sérieux pour jouer ce rôle de chien de garde et pour éventuellement former le gouvernement.
Cinquièmement, la solidité des libéraux. Mais encore plus, le chef de l'ADQ souffre cruellement de la prestation du gouvernement libéral, avant les élections, et surtout après. Jean Charest dirige un très bon gouvernement, en maîtrise de ses dossiers, assez pour récupérer les brebis qui s'étaient égarées dans le champ adéquiste. Et le taux de popularité dont jouit le gouvernement libéral permet de croire que cette remontée n'est pas terminée.
Sixièmement, l'absence de magie. C'est là le plus cruel, la magie n'est plus là. Le charme de Mario Dumont provenait du fait qu'il a longtemps été un jeune politicien prometteur. Mais il n'est plus jeune et il est moins prometteur. Il a gardé une certaine immaturité qui a perdu son charme. L'ADQ est née il y a 14 ans. Pensez au PQ 14 ans après sa fondation. L'ADQ est encore un parti juvénile, immature, brouillon, à la recherche d'une équipe. Sans la sagesse de l'âge et sans la fraîcheur de la jeunesse. Le pire des deux mondes.
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