Autour de la victoire de Québec Solidaire dans Mercier

C'est ainsi que l'accidentel épiphénomène apparaîtra pour ce qu'il est vraiment: un premier signe avant-coureur d'une montée de la gauche politique en cette période de crise du néolibéralisme et de ses douloureuses recettes.

Quel avenir pour les tiers-partis

Texte publié dans Cyberpresse du jeudi 18 décembre 2008 sous le titre "Ce n'était pas un accident..."
Par Josée Vannasse et François Cyr, membres de Québec Solidaire et
co-directeurs de la campagne du candidat dans Mercier
Il fallait s'y attendre. À peine les résultats proclamés que des savants
analystes, les mêmes qui ne prévoyaient qu'une seule chaude lutte à
Montréal (Crémazie), nous fournissent leurs explications en trompe l'oeil.
La victoire d'Amir, cette surprise, serait un accident attribuable en
autre à la faiblesse du taux de participation, voire un épiphénomène propre
à cette étrange sociologie du Plateau Mont-Royal. Après le mystère
conservateur de Québec, nous voilà doté d'un autre gadget du prêt à penser:
l'unicité des étranges habitants de la non moins bizarre république de
Mercier. Certes cette circonscription possède sa sociologie propre. Plus
jeune et très nettement plus scolarisée que la moyenne nationale, la
population de Mercier présente toutefois un revenu médian que très
légèrement supérieur à la moyenne tout en présentant néanmoins d'importants
secteurs de pauvreté. S'il est exact d'affirmer que cette circonscription
compte un grand nombre de travailleurs et travailleuses de la culture,
plusieurs s'empressent de conclure au caractère radicalement atypique de
cette population et de l'étrangeté de son vote. Comme une façon subtile de
délégitimer un choix. «Vous savez, ...les artistes... ces pelleteux de
nuage...».
Par ailleurs, la thèse de l'accident purement circonstanciel ne tient pas
la route lorsqu'on examine les résultats de cette circonscription depuis le
score remarquable de Paul Cliche en avril 2001 coalisant l'ensemble des
forces de gauche et préfigurant son unification en voie de réalisation. On
peut même remonter au score du minuscule mais courageux PDS de 1998 pour
constater, aux fils des scrutins, le net enracinement des valeurs et des
thèses de la gauche souverainiste dans cette circonscription. Ce vote est
d'abord un vote d'adhésion aux valeurs de Québec Solidaire.
Voter pour le bon docteur?
D'autres attribuent l'essentiel du résultat au seul succès personnel du
candidat. On louange ses indiscutables qualités de communicateur politique,
son aura professionnel, son charisme etc. Nul doute que tout cela a influé
sur le résultat mais n'est-ce pas une autre façon de discréditer une
victoire que de la personnaliser à outrance? Bref, s'il y a un certain vote
d'estime autour de la candidature de M. Khadir, il faut se garder d'en
exagérer l'importance. Ce type d'analyse, très people, passe à la trappe
les progressions enregistrées par d'autres candidatures dont celle de
Françoise David, la co-porte-parole de Québec Solidaire dans un contexte
beaucoup plus difficile.
Cette vision glamour de la politique ignore
également l'importance du travail de terrain où les candidats et
candidates, enracinés dans leur milieu, tendent l'oreille aux
préoccupations concrètes des gens et se font leur porte-parole. Qui a
relevé qu'Amir réclamait plus de médecins pour le CLSC de son quartier?
Comme professionnel de la santé, Amir s'est fait surtout connaître pour la
farouche opposition de son parti à la privatisation du secteur de la santé.
Lorsque certains votent pour le bon docteur, ce n'est surtout pas pour
s'incliner devant un titre professionnel mais d'abord parce que nous ne
voulons pas troquer notre carte soleil contre une carte de crédit. Les
gens qui ont votés pour Amir ont confiance à la solidité de ses convictions
sociales. Il ne fera pas comme un certain autre docteur qui a récemment
quitté le gouvernement libéral pour faire la promotion du secteur privé. Il
y a aussi, derrière ce vote, comme un mandat particulier: défendre et
promouvoir un système de santé de qualité, universel et gratuit.
S'il faut accoler une étiquette à la victoire de Québec Solidaire c'est
bien celle de la pugnacité des équipes militantes qui ont su labourer au
bon endroit et en profondeur depuis une dizaine d'années. Cette victoire
c'est d'abord la leur et ils sauront bien trouver le moyen de transformer
cette circonscription en véritable bastion de la gauche. Non pour s'y
enfermer, mais pour rayonner et essaimer afin de contribuer à créer deux,
trois plusieurs Mercier.
C'est ainsi que l'accidentel épiphénomène
apparaîtra pour ce qu'il est vraiment: un premier signe avant-coureur d'une
montée de la gauche politique en cette période de crise du néolibéralisme
et de ses douloureuses recettes.
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --

Squared

Josée Vannasse1 article

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membre de Québec Solidaire et
co-directeur de la campagne du candidat dans Mercier





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4 commentaires

  • Jacques Bergeron Répondre

    21 décembre 2008

    Si votre analyse s'avérait exacte, ce serait malheureux puisque cela voudrait dire que nous faisons passer notre philosophie avant l'indépendance du pays que nous voulons voir naître. Quant à votre interlocuteur, il préfère placer sa philosophie
    «sociale-démocrate», même si on le dit plutôt social-démocrate «radical», dans les mains du PQ, véritable coalition de toutes les philosophies sociales.

  • Jean-François-le-Québécois Répondre

    16 décembre 2008

    Je crois que c'est en vérité une bonne chose, que l'élection du Dr Amir Khadir, dans son comté.
    Mais êtes-vous bien sûrs qu'on peut déjà parler d'une véritable remontée de la gauche à l'horizon?
    Nous sommes entrés dans une crise économique (et elle commence déjà à faire mal!) provoquée en bonne partie par de riches banquiers américains, qui ont usé d'une gestion hasardeuse, pour ne pas dire dangereuse, de leurs entreprises financières (principalement en matière de prêts hypothécaires).
    Et dans un contexte, déjà, où John James Charest était perçu par une très grande partie de la population du Québec, comme l'espèce de magouilleur qu'il est!
    Or, dans une telle situation, QS réussit à faire élire un et un seul, député. À peu près la même chose chez le Parti Vert (malgré des magouilles anti-environnementales comme Rabaska). Pourtant, n'était-ce pas le genre de situation rêvée, pour que puissent être élus plusieurs députés de la gauche?

  • Michel Pilon Répondre

    15 décembre 2008

    Votre analyse sur l'élection dans Mercier est tout à fait juste, et justifiée. Mais allons au delà de l'analyse, il est vrai que le travail de taupe des membres de la défunte UFP a fait des petits, et que la personnalité de Kadir a joué en faveur de QS. Cela dit, quel avenir ? A mon avis il faut que Qs s'enracine dans les luttes, dans les institutions d'enseignements auprès de la jeunesse, Cegep, etc, et pourquoi pas un nouveau front, celle des luttes autour des arrondissements ? Parce qu'en dernière instance, la bataille sur le terrain débute, là ou sont les citoyens(ennes), bref, j'ai nommé le quotidien. Une voix à l'Assemblée Nationale, ok, trois aux municipales et la gauche sort des épiphénomènes et des erreurs de parcours. La gauche doit être sur tous les fronts de luttes et bâtir non pas sur des discours, mais dans le réel. Les Arrondissements représentent le premier levier qu'il ne faut pas écarter du revers de la main, n'est-ce pas là que les questions du logement, des coopératives, des garderies, des aménagements urbains, de la sécurité, de l'intégration, de l'environnement, des CLSC, pour ne nommer que ceux-là, ses problèmes sont des questions que le gauche ne doit pas ignorer. L'Assemblée Nationale désormais à une voix à gauche, mais on doit faire en sorte qu'elle ne soit pas la seule, elle doit être entendue et les élections municipales à venir offrent une assise sur laquelle un programme politique ancrée résolument à gauche peut réveiller la torpeur, faire reculer le cynisme. Partir des arrondissements et des municipalités afin d'offrir une vision politique progressiste citoyenne qui nonobstant le débat des chefs pourra ramener les discours politiques abstraits sur la réalité du quotidien, tout au moins en prendre la mesure.

  • Luc Deneault Répondre

    14 décembre 2008

    Dans la Presse de lundi, l'analyste Vincent Marissal a même eu le culot de citer 2 comtés "chauds" à Montréal soit Crémazie et Rosemont, salivant en premier lieu devant une défaite probable de Lisette Lapointe puis également devant une suprise possible du PLQ dans Rosemont aux dépens de Louise Beaudoin.
    Au passage, il oubliait Mercier parmi les 27 comtés à suivre..
    c'était prévisible mais j'avais oublié de prévoir et ai acheté la Presse par erreur ce jour-là. mes excuses aux arbres qui ont servi à ce papier.
    Luc Deneault,
    Montréal