La nouveauté et le changement

Quel avenir pour les tiers-partis

Libéraux et péquistes se sont rapidement entendus pour attribuer l'effondrement du vote adéquiste aux élections complémentaires de lundi à un manque de substance. Vraiment?
Pourtant, l'ADQ n'a jamais eu un programme aussi étoffé depuis sa fondation. Paradoxalement, c'est Diane Bellemare, dont la défaite a été cuisante dans Pointe-aux-Trembles, qui a vu à ce que sa présentation soit moins irritante.
Le premier ministre Jean Charest a réussi à imposer l'idée selon laquelle Mario Dumont était une girouette dont les positions changent au gré du vent, mais les deux «vieux partis» ont effectué des virages bien plus fondamentaux que l'ADQ au cours de la dernière année.
La «réingénierie» de l'État et la tenue d'un référendum sur la souveraineté étaient au coeur de leur programme respectif et ils les ont abandonnées pour des raisons strictement électoralistes. Pour le reste, qu'il s'agisse de santé ou d'éducation, un gouvernement péquiste n'agirait pas très différemment du gouvernement Charest.
Les principaux éléments du programme adéquiste sont demeurés immuables: la médecine à deux vitesses, l'abolition des commissions scolaires, le plafonnement des quotas d'immigration, l'octroi d'une allocation non imposable de 100 $ par semaine pour chaque enfant d'âge préscolaire qui ne fréquente pas le réseau de garderies non subventionnées, etc.
Il est vrai que certaines incongruités sont apparues en cours de route. Par exemple, on ne peut pas accuser les immigrants de constituer une menace pour le français et proposer du même souffle d'accorder moins d'importance à la maîtrise du français dans leur sélection.
Pour l'essentiel, le programme de l'ADQ n'en demeure pas moins le même que celui qui lui avait permis de faire élire 41 députés le 26 mars 2007. Indiscutablement, il prévoit des changements nettement plus substantiels au sein de la société québécoise que tout ce que présentent le PLQ ou le PQ.
***
Pour faire accepter à la population un virage comme celui-là, il aurait fallu un leader et une équipe qui lui inspirent confiance. Avec le même programme, un homme comme Lucien Bouchard, qui aurait su l'inscrire dans une certaine vision de l'avenir, y serait peut-être mieux parvenu. Lundi soir, les électeurs ont clairement signifié qu'ils ne jugeaient pas que Mario Dumont et son équipe étaient à la hauteur.
Le populisme du chef de l'ADQ et l'incurie de sa députation n'expliquent toutefois pas tout. À l'automne 2003, quand les libéraux ont semblé entreprendre la liquidation de l'héritage de la Révolution tranquille, plusieurs de ceux qui avaient appuyé le PLQ six mois plus tôt ont constaté qu'ils n'avaient «pas voté pour ça». Les électeurs adéquistes de l'an dernier semblent être arrivés à la même conclusion.
Il ne faut pas confondre la nouveauté et le changement. La nouveauté est la plupart du temps une affaire de mode et ne dure généralement que le temps des roses. Le changement est plus durable et suppose une transformation en profondeur.
Mario Dumont était reconnu pour son flair, mais il s'est peut-être mépris sur le sens des élections de mars 2007. En politique, ce qu'on appelle le désir de changement est souvent une question de nouveaux visages.
Si la majorité des Québécois souhaitaient une réorientation majeure, cela aurait fini par se savoir. Jean Charest a battu des records d'impopularité tant qu'il a prétendu changer les choses. Depuis qu'il a décidé de n'en rien faire, on l'encense de partout.
Malgré les dénonciations répétées de l'immobilisme et les éloges de la richesse, la population demeure attachée au «modèle québécois». Il faut dire que, de façon générale, l'audace collective n'est pas notre trait dominant.
Si les «vieux partis» ont enterré le rapport Castonguay aussi rapidement, c'est qu'ils n'ont senti aucun appétit de remettre en question le système de santé créé au début des années 1970.
L'ADQ a contribué à susciter des débats utiles dans le passé. Depuis un an, elle fait toutefois penser à la mouche du coche, qui s'imagine stimuler l'attelage alors qu'elle est simplement importune.
***
Depuis ses débuts en politique, c'est sur la question nationale que la contribution de Mario Dumont a été la plus marquante. Il peut légitimement prétendre avoir joué un rôle de premier plan dans le rejet de l'entente de Charlottetown en 1992 et surtout dans la quasi-victoire du OUI en 1995.
Près de dix ans avant que Pauline Marois ne reprenne l'idée à son compte, il avait également été le premier à dépoussiérer le vieux projet d'une constitution québécoise, y compris l'instauration d'une citoyenneté québécoise.
En 2002, les malheurs de l'ADQ ont commencé le jour où M. Dumont a oublié ce qui avait fait son succès. Quand il a déclaré devant le Canadian Club de Toronto que la question constitutionnelle avait disparu de son écran radar, son parti a amorcé la dégringolade qui devait aboutir au désastre des élections d'avril 2003.
La leçon ne semble pas avoir porté. À l'automne 2006, le débat sur les accommodements raisonnables lui avait permis de s'approprier la question identitaire, qu'André Boisclair n'osait pas aborder. Pour des raisons inexplicables, il a encore laissé échapper le ballon.
Alors que la souveraineté connaissait un passage à vide et que le PQ devait procéder à une révision déchirante de son programme, l'ADQ aurait pu étoffer son projet autonomiste plutôt que d'entreprendre une malheureuse croisade contre l'immigration, mais M. Dumont a laissé Pauline Marois s'en emparer.
Si l'intention était de ménager son ami Stephen Harper, M. Dumont a fait un très mauvais calcul. Aujourd'hui, il doit se sentir bien seul. Soit, l'autonomie tient davantage de la nouveauté que du changement réel, mais l'ADQ ne représente plus ni l'un ni l'autre.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé