L'ALENA sur la sellette

PSP - Partenariat pour la Sécurité et la Prospérité



Quand les deux candidats à l'investiture démocrate, et plus particulièrement Barak Obama, se sont mis à dénoncer l'ALENA, l'Accord de libre-échange entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, il était toujours possible de hausser les épaules.

Les politiciens américains sont des politiciens comme les autres et il ne fallait donc pas prendre au pied de la lettre tout ce qu'ils disent dans le feu de l'action. Il était presque inévitable que Barak Obama et Hillary Clinton exploitent ce qui est l'un des fonds de commerce du Parti démocrate, le protectionnisme. Avec un peu de cynisme, on pouvait d'ailleurs noter que les attaques contre l'ALENA prenaient de la vigueur lorsqu'on se rapprochait d'une primaire dans un État industriel, comme la Pennsylvanie ces jours-ci.
Mais on devrait commencer à s'inquiéter. La dénonciation de cet accord commercial, y compris par Hillary Clinton, n'a jamais cessé et elle a même pris de la vigueur. Les deux adversaires affirment à l'unisson que l'ALENA a fait disparaître des millions d'emplois américains et promettent, s'ils sont au pouvoir, de le «renégocier».
Plus le ton monte et plus le temps passe, plus les candidats se peinturent dans un coin. Si c'est un démocrate qui occupe la Maison-Blanche, il lui sera de plus en plus difficile de faire oublier et de renier des engagements qui ne sont pas passés inaperçus.
Il faut donc prendre cela au sérieux. L'ALENA, malgré tous ses défauts, est très important pour le Canada: il a ouvert le marché américain, il a stabilisé l'accès à ce marché et il a mené à une transformation profonde de notre économie.
Bien sûr, ce qui inquiète, ce n'est pas qu'un futur président ou une future présidente renégocie et charcute l'ALENA. C'est très peu probable. Le problème, c'est la montée du protectionnisme qu'expriment ces promesses, avec ses effets irrationnels et imprévisibles.
Les candidats à l'investiture démocrate ne sont en effet pas les premiers à dénoncer ces traités, des deux côtés de la frontière. John Turner, en campagne contre Brian Mulroney, avait promis de déchirer l'entente de libre-échange avec les États-Unis. Jean Chrétien, dans son fameux livre-rouge, promettait de renégocier l'ALENA. Bill Clinton, en campagne, avait aussi promis de renégocier l'ALENA que venait de signer son prédécesseur Ronald Reagan, mais qui n'avait pas encore été approuvé en Chambre. Finalement, il y rajoutera des provisions sur l'environnement et le droit du travail qui sont largement symboliques. Aujourd'hui, Jack Layton, sorti d'une boîte à surprise, le dénonce encore. Bref, beaucoup de vent.
Mais l'élément nouveau, c'est le déplacement politique qui fait qu'il n'y aura peut-être plus de mécanismes de contrepoids aux États-Unis pour tempérer les profonds réflexes protectionnistes de ce pays. Depuis des décennies, c'est la Maison-Blanche qui ralentit les élans protectionnistes au Sénat et à la Chambre des représentants, plus encore chez les élus démocrates. Mais qu'arrive-t-il avec un congrès à majorité démocrate si le président ou la présidente est tout autant protectionniste?
Une situation politique nouvelle dans un contexte politique lui aussi nouveau. Les États-Unis sont en ralentissement et/ou en récession. Ce problème conjoncturel se double d'un grave problème structurel, le fait que ce pays, de façon chronique, exporte moins qu'il importe, un déficit commercial qui lui fait mal. Et qui encourage les Américains à croire que ce sont les autres qui sont responsables de leurs malheurs.
C'est sur ce sentiment que jouent les candidats démocrates. Leur dénonciation de l'ALENA, même si leurs propos sont confus, vise manifestement le Mexique, avec ses salaires plus bas, qui a profité de délocalisations d'entreprises américaines. C'est irrationnel, car il est assez évident que ce n'est pas le Mexique qui bouscule l'économie américaine, mais des économies émergentes comme la Chine et l'Inde qui inondent le marché.
À un certain niveau, le Canada peut se sentir épargné. Il faut se souvenir que le Canada, au moment de l'ALENA, avait déjà en poche un traité avec les États-Unis, l'Accord de libre-échange. Le Canada s'est joint aux négociations entre le Mexique et les États-Unis pour ne pas être isolé et pour éviter que les États-Unis règnent sur le continent avec deux ententes bilatérales. Cependant, l'ALENA n'a pas mené à une vraie entente à trois ou à un vrai marché continental, parce que nos liens avec le Mexique restent modestes.
Mais le climat de méfiance et de ressentiment nous affectera. Le risque, c'est que le protectionnisme à la démocrate prenne le relais d'une autre mécanique du repli sur soi et de la peur, plus républicaine celle-là, la méfiance nourrie par l'obsession de la sécurité, qui nous a donné le resserrement aux douanes ou l'obligation du passeport. Ce serait dommage.


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