Périmètre de sécurité

Dans le sillage de l'entente sur le libre-échange

PSP - Partenariat pour la Sécurité et la Prospérité


Raymond Garneau - Ex-député libéral de la circonscription de Laval-des-Rapides, Chambre des communes (1984-1988)
J'ai lu avec intérêt la lettre ouverte de M. Michael Ignatieff que votre journal a publiée récemment. À titre de chef de l'opposition et de chef du Parti libéral du Canada, Michael Ignatieff a raison de poser des questions précises au premier ministre Harper. Ces questions sont fondamentales.
Je reconnais que le dossier lié au contrôle de nos frontières communes avec les États-Unis par la création d'un périmètre de sécurité est délicat et difficile à négocier. Tout a commencé avec l'entente sur le libre-échange de la fin des années 1980. Il faut se rappeler qu'à l'époque, les Américains ont refusé d'inclure dans l'entente un paragraphe pour qu'une décision rendue par un tribunal d'appel canado-américain sur un conflit commercial quelconque devienne exécutoire.
J'imagine que dans les négociations menées par M. Harper sur le «périmètre de sécurité», le règlement des différends — et il y en aura — sera soumis à la même règle. Ce qui veut dire qu'en fin de compte, les dossiers canadiens de sécurité, d'immigration et/ou d'intrusion dans la vie privée des citoyens canadiens pourraient être à la merci du poids politique de certains représentants ou sénateurs siégeant au Congrès américain, comme l'a été notamment en grande partie le dossier sur le bois d'oeuvre.
Pris au piège
Le Canada a mis ses doigts dans l'engrenage avec le type d'entente de libre-échange signée par le gouvernement conservateur à la fin des années 1980 et je crains que, depuis ce temps, nous soyons pris au piège.
Je me rappelle qu'en 1987-1988, au moment des négociations de l'entente de libre-échange avec les États-Unis, nous avions reçu, à Ottawa, la visite de quelques sénateurs américains. J'étais à ce moment-là député de Laval-des-Rapides à la Chambre des communes et aussi critique de l'opposition officielle en matière économique et financière. C'est dans ce contexte que j'ai accompagné John Turner, le chef de l'opposition, à une discussion privée avec les trois sénateurs américains. La discussion fut franche et directe de part et d'autre.
À un moment donné, nous avons parlé de l'épineuse question du tribunal devant régler les différends si la négociation ne menait à rien. John Turner demanda au président de la délégation, un sénateur républicain: «Est-ce que la décision du tribunal d'appel prévue à l'entente deviendra exécutoire?» La réponse du sénateur fut: «Jamais le gouvernement américain ne cédera une parcelle de sa souveraineté à un tribunal commercial.» John Turner se tourna vers le sénateur démocrate, Lloyd Bentsen, et lui demanda: «Est-ce le point de vue républicain ou dois-je comprendre qu'il représente aussi celui du Parti démocrate?» M. Bentsen a répondu: «It is the view of the United States of America.»
Terrain d'entente difficile
Je crois sincèrement que ce sont ces deux réponses qui ont convaincu le chef du Parti libéral du Canada, John Turner, de s'opposer au projet de libre-échange tel que négocié par le gouvernement de M. Brian Mulroney.
Il sera difficile maintenant d'en arriver à une entente avec les Américains sur l'établissement du périmètre de sécurité qu'ils souhaitent voir mis en place, car ils ne voudront jamais céder une parcelle de leur souveraineté à un tribunal d'arbitrage des conflits. La parcelle de souveraineté que les Américains ne veulent pas céder, ce seront les Canadiens qui devront la céder.
Dans ces conditions, vaut-il mieux ne pas avoir d'entente plutôt que de soumettre notre souveraineté aux pressions politiques de quelques sénateurs ou représentants siégeant au Congrès américain?


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