Périmètre de sécurité

Ne négociez pas notre souveraineté

PSP - Partenariat pour la Sécurité et la Prospérité


Michael Ignatieff - Chef du Parti libéral du Canada 10 février 2011 Canada
Les États-Unis ne doivent pas interférer dans le processus d’octroi de la citoyenneté et du statut de réfugié au Canada, estime le chef du PLC, Michael Ignatieff.

Photo : Jacques Nadeau - Le Devoir

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Après des mois de négociations secrètes, le premier ministre Stephen Harper a annoncé la semaine dernière qu'il souhaitait conclure une nouvelle entente en matière de sécurité avec les États-Unis. Le contenu de la proposition — et son processus d'élaboration — laisse planer un doute important sur l'engagement du gouvernement à défendre notre souveraineté, le respect de notre vie privée ainsi que nos droits en tant que citoyens canadiens.
Une négociation de cette ampleur nécessite de la transparence. Les Canadiens doivent savoir ce qui est sur la table. Malgré des mois de fuites, de reportages et de questions posées au Parlement, M. Harper n'a toujours pas prononcé les mots «périmètre de sécurité» à la Chambre des communes. Les ministres de la Sécurité publique, des Affaires étrangères et du Commerce international ont été encore plus discrets.
Après l'annonce de la semaine dernière, cette ambiguïté est fort préoccupante.
Respect de la vie privée
Les conservateurs semblent être prêts à fournir au gouvernement des États-Unis des quantités sans précédent de renseignements personnels au sujet des voyageurs canadiens. Vendredi, M. Harper et le président américain, Barack Obama, ont publié une déclaration commune selon laquelle le Canada et les États-Unis s'engagent à collaborer «afin d'établir et de valider l'identité des voyageurs, et de mener des vérifications à la première occasion possible».
Cela donne lieu à d'importantes préoccupations en matière de respect de la vie privée. Par exemple, quels types de données biométriques les Canadiens devront-ils fournir? Quelle part de ces données les autorités canadiennes communiqueront-elles à Washington?
Qu'en est-il du système d'immigration du Canada? Les décisions que nous prenons lorsqu'il s'agit d'accorder ou de refuser la citoyenneté ou le statut de réfugié sont essentielles à notre souveraineté — et jouent un rôle clé dans l'avenir de notre société. De telles décisions doivent revenir au Canada uniquement.
Pourtant, l'entente en matière de périmètre de sécurité pourrait faire en sorte que cet aspect de notre souveraineté se retrouve sur la table de négociation. La secrétaire du département de la Sécurité intérieure, Janet Napolitano, les sénateurs Joseph Lieberman et Susan Collins ainsi que d'autres représentants américains importants ont tous affirmé que les politiques du Canada en matière d'immigration et de réfugiés constituent une menace pour la sécurité des États-Unis. Des politiciens américains ont laissé entendre, à tort bien sûr, que certains des responsables des attaques terroristes du 11-Septembre sont arrivés aux États-Unis en franchissant le 49e parallèle.

Questions essentielles

L'administration Obama se hâte habituellement de rejeter ce genre d'insinuations mensongères, mais l'incertitude subsiste. Des élections auront lieu aux États-Unis en 2012, le public américain est préoccupé par les questions liées à la sécurité, et les républicains de droite ont pris le contrôle de la Chambre des représentants.
Dans ces circonstances, les Canadiens doivent être mis au courant: quelle part du pouvoir décisionnel du Canada en matière d'immigration M. Harper est-il prêt à concéder aux États-Unis? Le gouvernement conservateur a-t-il l'intention de donner suite aux demandes des États-Unis, qui veulent que nous modifiions notre système en ce qui a trait à l'immigration et aux réfugiés? Dans le cadre d'une entente sur un périmètre de sécurité, qui parlera au nom des nouveaux Canadiens?
Du côté de l'autre frontière des États-Unis, celle qui est partagée avec le Mexique, la «collaboration en matière de sécurité» a fait en sorte que les États-Unis exercent maintenant un contrôle important en ce qui a trait aux priorités de sécurité et aux activités de renseignement du Mexique. Est-ce cela que M. Harper envisage pour le Canada?
Il est essentiel que l'on réponde à ces questions, mais les conservateurs semblent être résolus à garder le silence. Nous ne savons toujours pas combien coûteront les mesures relatives au périmètre de sécurité proposé la semaine dernière dans la déclaration commune — qui comprennent une nouvelle infrastructure frontalière et un élargissement de la capacité numérique — ni si ces coûts seront inclus dans le prochain budget du gouvernement du Canada. Nous ne savons toujours pas qui siégera au groupe de travail Au-delà de la frontière, ni à quel moment celui-ci présentera ses recommandations.
Le Parlement est le lieu où les réponses à ces questions doivent être fournies, publiquement, devant les représentants élus par la population du Canada. C'est à M. Harper qu'il incombe de fournir ces réponses.


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