50 ou 55 %

2006 textes seuls

Éditorial - La décision de la France et de l'Union européenne de fixer à 55 % le seuil de l'appui populaire exigé des Monténégrins pour mettre fin à leur union avec la Serbie créera-t-elle un nouveau standard qui pourrait s'appliquer lors du prochain référendum sur la souveraineté du Québec? Non, répondent en choeur les politiciens québécois, ce qui ne lève cependant pas tous les doutes.
Ce seuil de 55 % exigé des Monténégrins, qui tiendront un référendum le 21 mai prochain, a étonné le Québec politique, tout particulièrement les souverainistes, attentifs à tout ce qui pourrait modifier les règles du jeu référendaire. L'étonnement est venu du fait qu'il n'y a jamais eu, dans les pays de l'Union européenne (UE), d'autre règle que celle de la majorité absolue, celle des 50 % plus une voix, lors des référendums successifs tenus pour approuver les divers traités de cette union.
Pourquoi donc ce revirement, si ce n'est que l'UE s'est laissé guider par ses intérêts, faisant du Monténégro un cas d'espèce ? La rupture de l'union de la Serbie et du Monténégro pourrait mettre en cause le fragile équilibre qui s'est installé dans les Balkans au cours des dernières années. Après le Monténégro, ce pourrait être le Kosovo. Et comme le Monténégro veut en bout de piste adhérer à l'Europe, celle-ci s'est crue autorisée à lui imposer des règles perçues comme étant injustes par les Monténégrins.
Le comportement de l'UE fait penser à l'attitude adoptée après le référendum de 1995 par le gouvernement canadien, qui avait fixé dans la Loi sur la clarté les règles du jeu en vue d'un prochain référendum. Dans un esprit de défense de ses intérêts, Ottawa s'était alors réservé le droit de juger a posteriori de la validité d'une victoire de la souveraineté sur la base d'un ensemble d'éléments, dont la clarté de la question. La loi ne fixe pas de seuil pour ce qui est de la majorité à atteindre, mais celle-ci devra être supérieure à 50 % des voix. Combien, exactement ? Cela, on ne le dira qu'après le référendum.
Les partis politiques québécois, fédéralistes comme souverainistes, estiment a contrario que la seule règle qui vaille est celle de la majorité absolue. On tient à cette règle car c'est la seule qui a toujours été appliquée au Canada. Ce fut le cas pour l'entrée de Terre-Neuve dans la fédération canadienne et lors du référendum sur l'accord de Charlottetown en 1992. Sauf de rares exceptions, elle s'est appliquée universellement dans tous les référendums portant sur la sécession de parties de pays ou l'adhésion de pays à de plus grands ensembles.
Ce débat ne manquera pas de resurgir si la perspective de la tenue d'un autre référendum sur la souveraineté se confirme. Nul doute que les tenants d'une majorité qualifiée invoqueront alors l'exemple monténégrin pour exiger que le seuil soit fixé à 55 %, voire plus. On prétendra vouloir éviter la crise politique que créerait une victoire du camp souverainiste obtenue avec juste un peu plus de 50 % des voix. Sauf que, peu importe le seuil fixé, il y aura toujours une part d'arbitraire. Ce n'est pas sans raison qu'Ottawa se garde de fixer un seuil, sachant que le pays serait aussi plongé dans une crise s'il ne manquait que quelques milliers de voix à la souveraineté pour atteindre un seuil de 55 % d'appui.
Les porte-parole de tous les partis politiques québécois réitéraient cette semaine leur appui à la règle de la majorité absolue. C'est la plus simple et la plus claire. Pour eux, cela va sans dire. Peut-être vaudrait-il toutefois mieux de le dire clairement et d'adopter une résolution unanime de l'Assemblée nationale, comme le suggèrent certains constitutionnalistes. Cela lèverait toutes les ambiguïtés que comporte la démarche d'Ottawa et enverrait un message clair à la communauté internationale. À charge toutefois pour les souverainistes de rechercher, le moment venu, une majorité convaincante.
bdescoteaux@ledevoir.ca


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