Un message clair

La «vision» canadienne de Couillard vire à l'eau de boudin






Il y a des excuses si tardives et si peu senties qu’elles donnent l’impression de tourner le fer dans la plaie. Celles de la CBC appartiennent à cette catégorie. « Nous reconnaissons que toutes les perspectives présentées ne font pas l’unanimité », peut-on lire dans son communiqué. Quelle perspicacité !


 

« Nous n’avons jamais eu l’intention d’offenser qui que ce soit », assure le télédiffuseur public du ROC. C’est bien là le pire : l’idée que cette fresque narcissique ait pu être blessante pour tous ceux qui ne font pas partie des héritiers de Wolfe n’a effleuré personne.


 

Malgré les nombreuses critiques qui leur ont été adressées, les auteurs de la série Canada : The Story of Us ont néanmoins le mérite de la franchise. Si quelqu’un avait encore le moindre doute sur la vision de l’histoire canadienne qui prévaut au Canada anglais, voilà maintenant celui-ci dissipé. Il n’est d’ailleurs pas question d’en interrompre la diffusion et le matériel scolaire qui en sera tiré est pratiquement prêt à être utilisé.


 

Cette vision est tout à fait cohérente avec la réalité constitutionnelle du Canada d’aujourd’hui. Les Québécois n’étaient pas partie à l’accord constitutionnel de 1982, tout comme leurs ancêtres français sont pratiquement absents de la fresque narcissique dont la CBC a voulu régaler ses téléspectateurs en ce 150e anniversaire de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique (ANNB).


 

Le hasard a voulu que 2017 marque aussi le 30e anniversaire de l’accord du lac Meech, qui aurait reconnu le Québec comme « société distincte » si le Canada anglais ne l’avait pas rejeté trois ans plus tard. La série de la CBC réitère cette négation. La Nouvelle-France y apparaît au mieux comme un piédestal qui permettra à l’envahisseur anglo-saxon de former cette glorieuse nation du nord.


 

À l’en croire, les Français n’avaient pas réalisé l’extraordinaire potentiel de ce continent jusqu’à ce que d’intrépides Britanniques, comme MacKenzie, osent s’aventurer dans ses immensités. Les forges du Saint-Maurice ne fabriquaient que des babioles jusqu’à ce que le génie de Matthew Bell leur ouvre de nouveaux horizons, ouvrant ainsi la voie à des générations d’ambitieux entrepreneurs qui feront la fierté du capitalisme canadian.


 

On peut comprendre la déconvenue du ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, Jean-Marc Fournier, même si cet éternel optimiste a voulu voir dans cette nouvelle gifle une occasion de reprendre le dialogue avec le Canada anglais.


 

Vétéran des relations fédérales-provinciales, M. Fournier avait sans doute fait son deuil de la « société distincte » bien avant le premier ministre Couillard, qui a rêvé pendant un moment de faire coïncider une nouvelle entente avec le 150e anniversaire de l’ANNB, avant de réaliser que cela ne présentait aucun intérêt pour le reste du pays.


 

En lieu et place, M. Fournier est devenu le chantre de la francophonie pancanadienne. « Le 150e est l’occasion de rappeler que le français est la langue de l’exploration et de la fondation de notre pays », déclarait-il dans un enregistrement vidéo réalisé l’an dernier à l’occasion du Mois de la Francophonie. De toute évidence, son message n’a pas été entendu.


 

Il disait avoir découvert « une réalité canadienne où il y a un appétit pour le français, une légitimité nouvelle qui apparaît clairement », malgré l’évidence du contraire démontrée par les données de Statistique Canada. S’il y a une chose qui apparaît clairement dans la relecture de l’histoire faite par la CBC, c’est que M. Fournier était complètement dans le champ avec ses lunettes roses.


 

Soit, il y a eu quelques « embûches » dans le passé, concédait M. Fournier. Par exemple, le rapport Durham ou le règlement 17, qui avait interdit les écoles françaises en Ontario, mais « leurs effets néfastes ont été effacés », disait-il. Les auteurs de Canada : The Story of Us ont fait encore mieux : ils ont simplement effacé ces moments désagréables. Pour éviter d’évoquer la déportation des Acadiens, il suffisait d’oublier la fondation de Port-Royal. Et hop, le tour est joué ! Pour oublier la pendaison de Louis Riel, fera-t-on aussi disparaître les Métis ?


 
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