Un homme et son mensonge

Si le projet souverainiste n'était qu'onirisme politique, le ROC serait moins excité qu'il ne l'est présentement et cesserait de déployer son arsenal de peurs... et de mensonges ! (Vigile)


Le chef péquiste André Boisclair a affirmé, très clairement qu'il n'y aurait pas de turbulence au lendemain d'un référendum gagnant. «Je ne crains pas de l'insécurité au lendemain d'un référendum. Je ne suis pas du tout inquiet», a-t-il affirmé, convaincu que la transition se ferait «de façon harmonieuse».
Ce n'est évidemment pas vrai. Tous les économistes qui se sont penchés sur la question concluent que le passage à la souveraineté comportera des coûts économiques. Les stratèges du PQ savent parfaitement que la transition ne se fera pas sans douleur. L'ex-ministre Pauline Marois, elle aussi, avait dit tout haut ce que tout le monde sait bien, quand elle a parlé de «turbulences».
Un leader souverainiste peut bien sûr penser que cette période de turbulence ne sera pas trop longue, que les coûts seront relativement modestes, et qu'ils seront largement compensés par les bienfaits de la souveraineté. Mais il n'est pas possible de soutenir qu'il n'y aura aucun impact. M. Boisclair, quand il affirme cela, est un menteur.
Mais ce qui est aussi fascinant que ce mensonge, c'est la tolérance avec laquelle il est accueilli. Les médias, si prompts à s'enflammer lorsqu'ils décèlent un faux pas, prêts à transformer la gaffe de Jean Charest sur l'indivisibilité du territoire en affaire d'État, sont restés de glace quand M. Boisclair a promis une sécession sans douleur.
Comment expliquer cela? Les biais des médias? Peut-être. La domination du discours souverainiste? Sans doute. Mais il y a autre chose. Les règles du jeu qui s'appliquent aux thèses souverainistes ne sont pas les mêmes que pour les thèses fédéralistes, parce que les deux projets ne se situent pas dans le même univers mental.
Le projet souverainiste, à bien des égards, relève de l'imaginaire. Il a longtemps été un rêve, un objectif inatteignable, qui incarnait les élans et les espoirs d'un peuple. Depuis, malgré les progrès de cette idée, la dimension onirique n'est pas disparue, car la souveraineté représente toujours pour ses partisans un monde meilleur, où tout est possible. Et cet onirisme a retrouvé de sa vigueur, parce que bien des souverainistes ne croient plus à la victoire, et que la souveraineté quitte donc le monde du possible pour retourner à celui du rêve.
Dans cette campagne électorale, on assiste donc souvent à un choc entre le réel et le rêve. Par exemple, quand Jean Charest parle de référendum, il suscite un certain malaise. Bien des analystes y voient une tactique électorale d'assez mauvais goût et l'accusent de ressortir l'argument de la souveraineté. Les souverainistes s'indignent, en affirmant qu'il faut faire une différence entre une élection et un référendum.
Et pourtant, quand on y pense un peu, il est parfaitement naturel d'en parler, puisque la tenue d'un référendum le plus tôt possible est au coeur de la plate-forme péquiste, qu'André Boisclair en parle tous les jours, et qu'il promet de poser dès la victoire des gestes qui prépareront ce référendum. Comme c'est cette campagne qui donnera le coup d'envoi à la marche vers un nouveau pays, c'est la moindre des choses que ce soit un enjeu électoral majeur!
Pourquoi alors s'indigner? Parce que pour bien des gens, y compris des souverainistes, le référendum «le plus tôt possible» est une allégorie. On n'y croit pas, parce qu'une victoire péquiste est improbable et une victoire du OUI encore plus. Si André Boisclair remportait les élections, il trouverait certainement une façon de se désengager de cette promesse. Dans le monde du rêve, la bienséance veut donc que l'on accepte ce double discours. Il faut faire semblant de croire à la tenue d'un référendum, mais il ne faut pas trop en parler, car ce serait de l'acharnement.
Par contre, M. Boisclair, lui, peut en parler. Et cela s'explique encore une fois par les règles du jeu du monde onirique. D'abord, parce que le rêve appartient à ceux qui l'ont façonné: le chef péquiste peut donc évoquer la souveraineté, mais pas l'intrus qu'est M. Charest. Ensuite, il peut recourir à la fable, en sachant qu'il serait inélégant pour ses adversaires de le confronter aux faits, par exemple quand il a affirmé que la forêt se porterait mieux dans un Québec souverain.
Le rêve est une belle et grand chose, mais il arrive un moment où la réalité doit reprendre ses droits. M. Boisclair, cette semaine, parlait de ce «beau peuple», qui, «s'il a juste un peu plus confiance en lui, va réaliser la souveraineté du Québec». Ne serait-il pas normal que le chef péquiste fasse lui aussi confiance à ce «beau peuple», à son intelligence et à sa maturité, en lui donnant l'heure juste?


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