À plusieurs reprises, Jean Charest s'en est pris à l'ambiguïté constitutionnelle de Mario Dumont, exigeant qu'il précise dans quel camp il se rangeait: fédéraliste ou souverainiste? Il ne pouvait probablement pas faire un plus beau cadeau au chef de l'ADQ.
Parce que l'un des ingrédients secrets de la recette adéquiste, que l'on a eu tendance à sous-estimer, c'est sa profession de foi autonomiste. Et ce qui en fait la force, c'est justement qu'elle permet à Mario Dumont de n'être dans aucun des deux camps et de refuser de se définir comme fédéraliste ou comme souverainiste.
Il est vrai que le cheminement constitutionnel de Mario Dumont a été particulièrement tortueux. D'abord jeune libéral, il a quitté le PLQ pour fonder un parti très nationaliste, l'ADQ, autour du rapport Allaire, pour ensuite devenir souverainiste quand son parti s'est joint aux forces du OUI, en 1995, avant de se faire apôtre du moratoire et affirmer que les questions constitutionnelles n'étaient pas sur son radar, pour enfin définir l'ADQ comme un parti résolument autonomiste.
Mais dans tous ces virages, typiques de ce qu'ont vécu un grand nombre de Québécois, on retrouve une constante, le désir de Mario Dumont de trouver une troisième voie pour se définir en dehors des deux courants qui monopolisent le débat politique au Québec, et qui le paralysent. Sa politique autonomiste est l'aboutissement de ce processus.
Cet effort d'être quelque part bien au milieu, ni fédéraliste dans le sens classique du terme, ni souverainiste, plaît à un grand nombre de gens. On a pu voir, depuis le début de la campagne, les bienfaits immédiats de cette prise de position, qui permet à l'ADQ d'être un refuge, tant pour les fédéralistes insatisfaits du gouvernement Charest que pour les souverainistes qui n'appuient pas André Boisclair.
Mais au delà de ces gains tactiques, ce cheminement a des résonances beaucoup plus profondes. Le sentiment autonomiste n'a rien de nouveau au Québec. Tous les premiers ministres, depuis Duplessis, ont été autonomistes, chacun à leur façon. Avec son sens de la formule, le chef adéquiste a en quelque sorte mis un copyright sur un terme qui décrit certainement le mieux le sentiment d'une majorité de Québécois.
Le fil directeur de notre vie politique, c'est le nationalisme, que les fédéralistes francophones expriment tout autant que les souverainistes, à travers l'attachement à une nation qui doit s'affirmer, qui doit avoir les outils dont a besoin une minorité, qui doit maintenir des rapports de force avec le reste du Canada, entre autres à travers l'État. Le rêve québécois, c'est celui d'un Québec qui disposerait de plus de pouvoirs et de plus d'indépendance tout en restant au sein du Canada, ce qui est la définition littérale de l'autonomie.
C'est également vrai pour bon nombre de partisans du mouvement souverainiste qui sont en fait des autonomistes déçus tentés par la sécession parce que la réforme de la fédération leur paraissait impossible.
Si ce courant autonomiste reprend vie à travers Mario Dumont, c'est entre autres parce qu'il devient clair pour un grand nombre de souverainistes modérés que l'indépendance ne verra jamais le jour, et qu'il faudra donc trouver autre chose. L'échec électoral cuisant de Bernard Landry, et celui vers lequel se dirige maintenant André Boisclair, s'explique bien davantage par cette impasse que par les traits de personnalité des deux chefs péquistes. L'autonomie peut donc devenir une porte de sortie, une sorte de plan B pour souverainistes découragés, d'autant plus que cette idée s'inscrit bien mieux que la sécession dans les courants mondiaux d'affirmation des petits peuples. Pensons à l'autonomisme catalan.
Bref, Mario Dumont est au bon endroit, au bon moment, avec le bon mot. Son problème pratique, c'est que tous les gouvernements ont été plus ou moins autonomistes, y compris celui de Jean Charest. Comment alors peut-il se distinguer des libéraux, une fois qu'il a exclu l'indépendance?
Et c'est là que ça se gâte. Pour s'affirmer, l'ADQ recourt, comme elle le fait dans beaucoup de dossiers, à des formules-chocs et à des gadgets. Certaines idées sont puériles, comme de définir le Québec comme un «État autonome». D'autres sont casse-cou, comme centraliser la perception des impôts ou mettre fin au front commun avec les autres provinces pour négocier d'égal à égal avec le reste du Canada.
Mais le grand paradoxe, c'est que l'ADQ nous promet de relancer des négociations constitutionnelles avec le Canada. Et c'est ainsi que ce parti, qui incarne pourtant le ras-le-bol constitutionnel, qui se réclame d'une troisième voie, ne nous propose rien d'autre qu'un retour au psychodrame et à une logique d'affrontement.
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