Jean Charest a commis une erreur en laissant entendre que les transferts fédéraux, comme les pensions, pourraient être affectés par une victoire péquiste. C'était factuellement faux et il semble bien que le leader libéral ait volontairement entretenu la confusion, dans le but évident de remettre dans le débat électoral le thème des risques de la souveraineté.
M. Charest a par la suite corrigé le tir, mais il était trop tard. Il a offert sur un plateau d'argent des arguments à son adversaire André Boisclair qui a pu jouer à satiété la carte de l'indignation face au chantage et aux tactiques de la peur. Mais il est intéressant de noter que M. Boislair a lui aussi entretenu de la confusion, et que celle-ci, curieusement, est de même nature que celle que l'on reprochait au chef libéral. Dans les deux cas, les confusions sont de nature temporelle.
Cela vaut la peine de revenir sur cette escarmouche pour clarifier un peu les choses, parce que ce genre de question refera surface tout au long de la campagne, autour du budget fédéral et du déséquilibre fiscal, et autour des finances d'un Québec souverain, dont il faudra parler puisque M. Boisclair nous promet un référendum rapide.
L'impact d'une victoire éventuelle du PQ sur les dépenses fédérales au Québec est un dossier qui se décline en trois temps : avant, pendant, et après. L'avant, c'est ce qui se passera au lendemain d'une victoire péquiste. Le pendant, c'est ce qui arriverait au lendemain d'une victoire du Oui. L'après, c'est ce à quoi on pourrait s'attendre après une sécession, quand le Québec quitterait le Canada.
Chacune de ces trois phases est différente. La confusion de M. Charest, est d'avoir mêlé l'avant et l'après. Celle de M. Boisclair consiste à s'indigner que l'on parle de l'avant, en faisant semblant que l'après n'existe pas.
Au cours de la première phase, dans l'hypothèse d'une victoire du PQ, il ne se passera rien. Le gouvernement fédéral ne modifiera pas ses programmes, parce qu'il a des obligations et que le Québec est une province de la fédération. Il pourra cependant choisir d'être moins conciliant avec le Québec dans l'octroi de subventions ou dans la négociation du déséquilibre fiscal. C'est techniquement possible, mais politiquement improbable, parce qu'Ottawa ne voudrait pas braquer le Québec à l'aube d'un référendum.
Si le Oui l'emportait, les choses commenceraient cependant à changer. Bien sûr, le processus de négociation est encadré par la loi sur la Clarté référendaire et un jugement de la Cour suprême, ce qui rend improbable les coups fourrés de part et d'autre. Mais dès ce moment, il est clair que le reste du Canada n'aurait aucune raison d'être gentil avec le Québec. Si cela, en principe, ne toucherait pas les programmes, cela affecterait certainement les choix politiques et les dépenses discrétionnaires.
Enfin, après la sécession, si le Québec devenait un pays, il récupérerait les impôts versés à Ottawa et assumerait toutes les obligations. Il y aura des avantages, comme la réduction des dédoublements. Mais il y aura aussi un coût, et c'est la perte des avantages que le Québec retirait de la fédération, comme la péréquation, ou les sommes qui seront obtenues dans le règlement du déséquilibre fiscal. Ce sont des programmes fédéraux qui, par définition, disparaîtront si le Québec n'est plus membre de la fédération.
Et c'est de cela dont M. Boisclair se garde bien de parler, parce qu'il ne veut pas dissiper l'espèce de pensée magique qui repose sur la conviction que l'argent que récupérerait le Québec est son argent, son dû, sa part du gâteau. " Ne cédons pas au chantage et sanctionnons celles et ceux qui pensent que l'argent qui vient d'Ottawa est un cadeau qu'il nous faisait, alors que cet argent vient de vos poches " a par exemple déclaré André Boisclair.
Ce n'est pas le cas. D'une part, parce que le Québec ne finance pas le fédéral. C'est plutôt le contraire. Les dernières données de Statistique Canada montrent que les Québécois retirent du fédéral 2,1 milliards de plus qu'ils ne lui versent, un surplus modeste. Mais le plus significatif, c'est que deux provinces contribuent lourdement à garnir les coffres d'Ottawa, l'Alberta qui verse 8,9 milliards de plus à Ottawa qu'elle ne reçoit, et l'Ontario, qui donne 20,8 milliards.
Si le gouvernement Harper dispose d'une confortable marge de manoeuvre qui lui permettra d'être généreux dans son budget du 19 mars, l'argent ne viendra pas de nos poches, mais de celles des Ontariens et des Albertains. Cet argent, nous ne le verrons plus après la souveraineté. Ce n'est pas du chantage. C'est une évidence.
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