Honte au PQ!

On comprend l'objectif de cette séance de sémantique d'André Boisclair: le mot "référendum" porte, chez nous, le lourd fardeau de nos divisions

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Ceux qui craignent la défaite du PQ peuvent se rassurer - voici venu le choeur des pleureuses, entonnant «l'hymne à la peur» d'un autre siècle... - Vigile

Par Daniel Johnson
Si André Boisclair devenait premier ministre du Québec, nous ne serons pas plongés dans un autre "référendum", mais serons plutôt conviés à une "consultation populaire"! Bon! Déjà que le PQ, depuis sa fondation il y a près de 40 ans, refuse généralement de dire les mots qui viendraient aisément pour énoncer clairement ce qu'ils conçoivent bien, pour paraphraser Boileau, le voilà maintenant atteint du mal de ne plus vouloir dire tout simplement comment il entendrait y arriver.
Pourtant, les mots ont un sens et certains ont une histoire, et à moins de vouloir encore jouer avec les mots (on se souviendra de "l'entente du 12 juin 1995" lors du référendum de 1995), il ne faut pas avoir peur de dire vrai. Je ne serais cependant pas surpris que tout ce débat sémantique ne soit qu'une tactique électorale visant à faire oublier temporairement la raison d'être du PQ!
Fonder un nouveau pays signifie atteindre la plénitude de la souveraineté nationale, et en conséquence accéder à un siège aux Nations unies comme les autres pays membres à part entière de cette organisation. Mais ceux qui veulent mener le Québec à ce port ont le devoir de dire qu'il faudra faire l'"indépendance", donc se "séparer" du Canada dont nous faisons partie depuis 140 ans: il y aurait alors "sécession" du Québec, ou "partition" du Canada. Il faut au moins appeler les choses par leur nom! Passons sur les détails toujours sous le tapis de la négociation des conditions de départ avec le pays restant, fermement opposé à son propre affaiblissement, et dans lequel on retrouve un million de francophones qui croient, avec raison, que notre appartenance et notre rôle au Canada contribuent à leur développement culturel.
Si la cause que défend le PQ pourrait être une des plus grandes et nobles ambitions des peuples opprimés, je n'entends pas montrer ici, encore une fois, qu'elle n'est pas pertinente à notre situation, et que nous avons atteint une mesure de liberté et de prospérité que d'innombrables peuples nous envient. La cause sécessionniste exige cependant de ses chefs qu'ils manifestent un minimum de respect de leurs propres convictions, démontrent en tout temps la franchise qui permet de mesurer la ferveur de leur engagement et de comprendre les moyens qu'ils envisagent pour y donner suite, et fassent preuve d'honnêteté, de limpidité et de courage lorsqu'ils s'expriment. De son côté, en 1961, Marcel Chaput écrivait "Pourquoi je suis séparatiste", pour ensuite former le Rassemblement pour l'indépendance nationale avec Pierre Bourgault. Bourgault n'avait pas peur des mots, lui non plus. Ce fougueux partisan de la création d'un pays du Québec, qui quitterait le Canada, a mis la barre haute, là où elle doit être. Lui et ses semblables savaient qu'on fonde un pays solide et durable si et seulement si une majorité solide et durable saisit pleinement l'enjeu, et le nomme sans détour, en toute connaissance de ce que ce nouvel avenir réserve. Les héritiers de ce tribun de l'indépendance nationale ne disent plus vrai.
En cette campagne électorale 2007, le PQ montre de façon éclatante qu'il n'a pas ce courage. Il est instructif de savoir que le "souverainisme" est un mot qui n'existe presque seulement qu'ici pour décrire l'indépendance: la francophonie universelle et ses dictionnaires traitent ordinairement notre définition comme distincte et unique. Et comme le PQ sait déjà que les Québécois ne veulent pas de la séparation, de l'indépendance, ni de la sécession, même sous couvert de souveraineté, il découvre maintenant, tardivement, que nous ne voulons même pas d'un autre référendum. On tourne maintenant la page sur les référendums dont on ne veut plus, pour commencer le chapitre des consultations populaires qui seraient bienvenues. Le PQ devrait avoir honte de recourir aux artifices, lui qui se targue d'être le porteur de notre véritable identité, alors que cette prétention n'a pas empêché ses ténors de 1995 d'accuser sans vergogne les québécois fédéralistes d'avoir renoncé, eux, à leur identité québécoise.
On comprend l'objectif de cette séance de sémantique dans la plateforme du PQ: le mot "référendum" porte, chez nous, le lourd fardeau de nos divisions, contaminées par le recours aux épithètes les plus détestables, telles que "traîtres", "vendus", et autres accusations de lèse-souveraineté à l'endroit des Québécois qui, sincèrement, conçoivent autrement notre destin en Amérique et dans le monde, à l'intérieur du Canada. Mais si on lui en donne l'occasion, comme l'a dit son chef sans l'écrire, le PQ nous entraînera à nouveau, de façon destructrice, sur la voie de la désunion.
Référendums, consultations ou scrutins populaires ou référendaires, appels au peuple à répétition: non merci!
L'auteur est un ancien premier ministre du Québec et est avocat-conseil chez McCarthy Tétrault à Montréal.


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