Fo Niemi est demandé au restaurant Les Bridés

Québec 2007 - démagogie et populisme


On me pardonnera d’arriver un peu en retard dans cette controverse-là…
André Boisclair vante les Asiatiques. Référant à son année à Harvard, il dit que le campus regorgeait d’étudiants « aux yeux bridés ». Il dit que ces étudiants-là ne s’en vont pas travailler dans des sweatshops. Il dit que ces gens-là vont devenir des ingénieurs, des gestionnaires dans les économies asiatiques. Il dit que ces économies asiatiques défient nos économies, et pas seulement dans le rayon de la fabrication de gougounes et de ballons de soccer. Il dit, au fond, qu’il va falloir faire face à cette compétition.
Et là, le Canada anglais, dans la répétition d’une pièce de théâtre cent fois jouée, saute sur l’expression et insinue que Boisclair a insulté les Asiatiques en les décrivant comme des «slanting eyes». Les journaux des Anglos rapportent les propos de Boisclair et donnent écho aux condamnations de certains leaders effarouchés.
C’est que, voyez-vous, « slanting eyes », en anglais, est une insulte. Contrairement à « yeux bridés », ce n’est pas la simple description d’un trait physique. C’est un peu nigger. C’est un peu frog (ou, comme on dit parfois à l’ouest de la rivière des Outaouais, sans que ça ne déclenche trop, trop de fureur, fucking frogs).
On a donc, ici, la convergence de trois phénomènes. Primo, les deux solitudes canadian : les scribes et lobbyistes anglos ne se sont pas donné la peine de vérifier si « yeux bridés » était aussi lourd de sens que « slanting eyes ». Deuzio, un peu de political correctness : au fond, si Boisclair avait dit «des gens, dans le sens de personnes, issus de ce continent qu’on nomme l’Asie », il n’aurait pas été inquiété. Tertio, un certain Canada-anglais – je l’ai écrit dans l’affaire Jan Wong– est certain que les Québécois sont génétiquement plus racistes que la moyenne des ours. Et ils croient aussi que les separatists sont génétiquement plus racistes que la moyenne des Québécois.
Prenez ces trois trucs. Faites-les converger. Et vous avez le feu d’artifice que l’on sait.
Et vous savez pourquoi on utilise l’accusation de racisme, n’est-ce pas ? Parce que c’est comme quand une moufette te pisse dessus. Ça te colle à la peau, et tu peux rien faire. Accuser quelqu’un de racisme, en public, c’est la bombe H des arguments. Je sais de quoi je parle. Jack Todd, chroniqueur sportif à The Gazette, m’a accusé d’incitation à la haine, il y a un an, après avoir lu un de mes papiers dans le JdeM. Le hic, c’est que cet enculé de Todd m’a traité de « hate mongerer » après avoir mal traduit un passage de mon papier ! Il avait tellement mal traduit mes propos, poor Jack, que son journal s’était excusé. Voilà pourquoi les accusations de racisme lancées sans discernement me font un peu capoter.
Bon, quand le mépris nous vient des ténors du Canada anglais, ok, nous sommes habitués. Ils lisent la Gazette pour comprendre le Québec, incapables qu’ils sont de lire La Presse, Le Devoir ou le JdeM. Mais quand les convergents viennent d’ici, vivent ici, qu’ils parlent au nom des gens d’ici, là, malaise, ça devient carrément dégueulasse. Il y en a eu quelques-uns dans l’affaire des yeux bridés. Mais je parle ici, plus précisément, de Fo Niemi, directeur du Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR), un organisme montréalais fort louable, qui a décrété que l’expression « yeux bridés » était – get this – «racialement offensante».
Racialement offensante ! C’est le comble de l’ironie : pour commenter ce qui est au fond une mésentente linguistique, M. Niemi calque l’anglais et utilise « racialement offensante », comme dans « racially offensive », largement utilisé chez les anglo-saxons, quand un tata fait un commentaire raciste.
Le commentaire du boss du CRARR est surtout inquiétant. Oui, inquiétant parce que si M. Niemi y va d’une énormité semblable, à ce sujet, qu’est-ce qui me dit que ses autres prises de position/déclarations publiques ne sont pas aussi déconnectées/débranchées ?
Entre-temps, Fo Niemi devrait s’inquiéter. Il y a, dans Ahunstic, rue Lajeunesse, un restaurant asiatique, tenu par des Asiatiques, au nom « racialement offensant ». Et ce restaurant s’appelle Les Bridés. Oui, Mesdames et Messieurs. *
Pas de farces ! Les Bridés ! Une référence aux yeux bridés des Asiatiques.
J’espère que Fo Niemi va dénoncer l’inacceptable raison sociale. J’espère que M. Niemi va appeler les proprios du resto Les Bridés pour les tancer comme il a appelé au PQ pour dénoncer les paroles de Boisclair. J’espère que M. Niemi va envoyer des communiqués de presse à la Terre entière pour vilipender un restaurant qui surfe sur une insulte raciale.
Question pour M. Niemi : le resto Les Bridés est-il géré par des gens « racialement offensifs » ? Si vous le croisez, n’hésitez pas à lui poser la question, je vous en prie.
* Je peux me tromper, mais une succursale des Bridés a déjà existé, coin Mont-Royal et Fullum.


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