Pour un positionnement raisonnable

Voile islamique - étendard idéologique



Le premier ministre Jean Charest a eu raison de vouloir exclure la question des accommodements raisonnables du débat électoral, en confiant cette réflexion à une commission d'enquête. C'est un thème qui mène facilement à des dérapages qu'il aurait été difficile de contrôler dans le feu de l'action.
Mais le dossier ne disparaît pas pour autant, comme on l'a vu avec l'histoire de cette jeune Ontarienne, Asmahan Mansour, qui a été chassée d'un match, dans un tournoi de soccer à Laval, parce qu'elle portait un hidjab. Et le fait de remettre les grandes décisions à plus tard ne libère pas le chef libéral de ses obligations, ni d'avoir des principes et des bons réflexes sur ces questions.
Ces bons réflexes, M. Charest ne semble pas les avoir eus, cette semaine, quand il a donné raison à l'arbitre et à la fédération qui soutenait sa décision, en reprenant à son compte des arguments de sécurité assez fumeux. Il a raté une très belle occasion de montrer aux Québécois que l'ouverture est une bonne chose et qu'il y a des accommodements parfaitement raisonnables, comme de laisser une petite fille de 11 ans jouer au soccer avec son foulard.
Ce qui frappe, au delà des grands principes, c'est qu'il s'agit manifestement d'un dossier où Jean Charest ne l'a tout simplement pas, où il manque des réflexes les plus élémentaires, et où sa feuille de route est parsemée de glissements. Il est allé trop loin dans le dossier du financement des écoles juives. Ensuite, il n'a rien fait, pendant des mois, dans le dossier des accommodements raisonnables, même si presque tous les incidents qui ont fait la manchette étaient survenus dans la sphère de l'administration provinciale. Et maintenant, il braque de l'autre bord dans cette histoire de soccer.
Évidemment, lorsqu'il s'est prononcé sur cette question, M. Charest réagissait à chaud, sans tous les éléments d'information dont il avait besoin. Notamment le fait que si les règlements internationaux interdisent le port de tout objet qui puisse affecter la sécurité, comme des bijoux, de nombreuses fédérations, notamment la canadienne, ne s'opposent pas au voile. Et aussi le fait que la décision est parfaitement arbitraire, comme le montre le fait que la jeune fille a pu jouer deux match avant qu'un autre arbitre, musulman, lui fasse quitter le terrain au troisième match.
Mais, même sans ces informations, M. Charest aurait pu réagir autrement, comme l'a d'ailleurs fait le chef péquiste André Boisclair, en se servant du gros bon sens et en défendant certains principes de base.
Une première règle de bon sens, c'est qu'il ne faut pas écoeurer les enfants. Les débats sur la façon dont les communautés interagissent sont des débats de grandes personnes, où les enfants sont parfois des otages. Et dans ce cas-ci, il fallait penser à cette petite fille qui est venue avec ses amies jouer au soccer au Québec.
La deuxième règle du gros bon sens, c'est de se méfier comme de la peste des arguments de sécurité. Ils servent trop souvent de paravent à l'intolérance. Dans le cas du kirpan, on l'a vu, les questions de sécurité étaient un prétexte pour masquer le vrai débat qui portait en fait sur les limites raisonnables à l'expression religieuse et sur le malaise de la majorité face à la valorisation d'un symbole de violence. Dans le cas qui nous occupe, nous sommes tous capables de faire la différence pour la sécurité entre des bijoux et un foulard.
Quant aux grands principes, nous savons déjà, sans avoir à attendre les conclusions de la Commission d'enquête, qu'un accommodement est raisonnable quand une entorse à une règle permet de ne pas exclure un membre d'une minorité sans brimer ou même déranger les autres. Un voile dans un match de soccer, ça fait le bonheur d'une petite fille sans rien changer à nos vies. Et dans bien des cas, c'est cela qui favorisera une intégration harmonieuse.
Le second principe, fondamental, c'est que dans une démocratie comme la nôtre, il y a des décisions qui ne doivent pas être laissées à la majorité. Une majorité peut être intolérante envers ses minorités, et c'est le devoir des institutions, politiques et judiciaires, de protéger les minorités contre la majorité, même si cela est impopulaire.
Dans cette campagne, il peut être tentant, en voyant le succès de Mario Dumont à capter le malaise d'une partie de la population face à l'immigration, de suivre le même chemin. Au contraire, c'est le devoir des autres politiciens, à plus forte raison de Jean Charest, qui dirige le parti qui représente le mieux les minorités, d'être un rempart.


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