La charge de la brigade légère

Québec 2007 - Parti Québécois



À l'aube du référendum de 1995, Bernard Landry, alors ministre du gouvernement Parizeau, avait déclaré qu'il ne voulait pas être le commandant en second qui sonnerait la charge de la brigade légère, une référence à un épisode de la guerre de Crimée où un officier britannique avait mené ses troupes à l'abattoir.
Le massacre que craignait alors M. Landry a été évité in extremis grâce à l'intervention providentielle du chef bloquiste Lucien Bouchard qui a réussi à faire remonter les appuis et a même mené les forces du OUI à quelques doigts de la victoire.
Cette défaite crève-coeur de 1995 a néanmoins amené le PQ à articuler une doctrine qui consistait à éviter aux souverainistes, et aux Québécois dans leur ensemble, le prix élevé d'une troisième défaite référendaire. C'est ainsi que Lucien Bouchard, alors chef du PQ, a introduit le concept des «conditions gagnantes» qui signifiait que son parti ne déclencherait un processus référendaire que s'il était certain de le remporter. Bernard Landry, qui lui a succédé, a repris le même thème en promettant un référendum seulement s'il avait «l'assurance morale de l'emporter».
Cette prudence élémentaire ne figurait pas dans le programme plus radical que le Parti québécois a adopté il y a un peu plus d'un an. Et elle ne se retrouve pas non plus dans la plate-forme dévoilée ce week-end par le nouveau chef André Boisclair.
La feuille de route péquiste promet de tenir un référendum, oups!, une consultation populaire, «le plus tôt possible durant son premier mandat». Mais en outre, elle ne contient aucune précaution oratoire ni aucune provision qui permettrait à un gouvernement péquiste de faire marche arrière pour éviter une défaite.
Et plus encore, cette plate-forme prévoit une panoplie d'initiatives qu'un gouvernement péquiste prendrait dès la prise du pouvoir et qui créerait une dynamique dont il sera difficile de se désengager. Avant la tenue d'un référendum, M. Boisclair promet la tenue d'états généraux sur la politique nationale de la culture d'un Québec souverain, un pacte avec les régions sur la décentralisation de l'État d'un Québec souverain, la mise en place d'un cadre législatif, avec une constitution du Québec, des dispositions relatives à la citoyenneté, un énoncé de politique étrangère, un Forum du pays, soit un mécanisme de démocratie participative dans chacune des 17 régions du Québec.
Mais comment se fait-il que le jeune chef du PQ, un modéré, qui n'est certainement pas pressé par le temps de la même façon que ses aînés, se retrouve à présider à la stratégie la plus radicale que le Parti québécois ait proposé, dans un contexte politique où les vents ne sont pas particulièrement favorables à la souveraineté?

La réponse, c'est sans doute qu'André Boisclair, un politicien qui n'était pas prêt, dont le leadership est fragile, est devenu l'otage de son parti. Pour asseoir son leadership contesté, il dû négocier une alliance où les éléments plus radicaux ont eu le dessus. On le voit à la présence appuyée de M. Jacques Parizeau, le seul chef que les purs et durs ont aimé, à la candidature de militants de la gauche aux élections, mais aussi à la stratégie référendaire très radicale, qui abandonne l'idée du partenariat avec le Canada et qui laisse planer la menace d'une déclaration unilatérale d'indépendance.
À cela s'ajoute certainement la nécessité pour M. Boisclair, dont le parti est beaucoup moins populaire que son option, de rallier ces voix souverainistes égarées. Mais les chiffres ne disent rien de bon. Sur papier, l'appui à la souveraineté, de 43 à 45%, ne semble pas mauvais. Mais les règles du jeu ont changé, car la question devra être claire, et le projet du PQ sera beaucoup plus dur, et donc moins populaire, sans leader charismatique et sans un événement comme l'échec du lac Meech.
Il est loin d'être évident que les souverainistes que M. Boisclair veut ramener au bercail sont suicidaires, qu'ils se mobiliseront pour un référendum qui risque très fort d'être perdant et qu'ils seront séduits par une stratégie de fuite en avant qui sent la panique.
La seule porte de sortie dont pourrait disposer M. Boisclair, c'est que ce processus pré-référendaire laborieux soit si lourd qu'il permette de repousser les échéances et de noyer le poisson. Mais il y a là un engrenage dont il serait difficile de se désengager. C'est la reprise de l'idée de la cage de homard, à cette différence près que l'infortuné crustacé est le chef du PQ lui même. Pour s'inspirer d'une formule qui s'inscrit dans la tradition sémantique de cette formation politique, André Boisclair est en train de s'autocagedehomardiser.


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