Québécois contre Canadiens français

Un dualisme fratricide

Mais ce qui est terrible, c’est qu’en raison de ceux qui sont arrivés et ont adopté ce régime fédéraliste, le Québec demeure, en ce XXIème siècle, la seule colonie en Amérique du Nord.

Tribune libre 2008


« La première loi de l’Histoire est de ne pas mentir et la seconde de ne
pas craindre de dire toute la vérité. » Léon XIII
***
Si nous étions tous des Canadiens français(1) et n’avions pas encore eu
notre indépendance nationale à travers des référendums ou d’autres
mécanismes démocratiques, ça ne poserait pas de problème. Mais ce qui est
terrible, c’est qu’en raison de ceux qui sont arrivés et ont adopté ce
régime fédéraliste, le Québec demeure, en ce XXIème siècle, la seule
colonie en Amérique du Nord.
Ainsi, concernant l’appellatif « Canadien français » employé tout au long
de mes articles et commentaires afin de dissocier du corps social québécois
la partie adverse (groupe ethnopolitique formé de 95% d’anglo-allophones)
qui, en grande majorité, sont en faveur du maintien du régime colonialiste
d’Ottawa vis-à-vis le Québec, il a pour but d’exposer la portée politique
d’une majorité, les Canadiens français, où la définition sociale,
culturelle et historique qui renferme cet appellatif national prend sa
vraie dimension dans un contexte d’expansionnisme démographique exogène et
profédéraliste qui fait/fera augmenter encore plus la précarité politique
et socio-économique de cette majorité au Québec.
La stigmatisation qui se fait depuis quelques décennies de l’appellatif «
Canadiens français », par calcul politique afin de se faire élire, ou par
lâcheté intellectuelle, ne fera qu'augmenter le dualisme politique et les
difficultés socio-économiques pour reconquérir la pleine souveraineté du
Québec. L’analyse que l’on doit faire, tant de celui du nationalisme comme
de celui de la nation, doit remettre en question l'actuelle orthodoxie «
moderniste » de ceux qui veulent établir au Québec la « concession » de
l'appellatif « Québécois » comme étant une condition intrinsèque au
développement historique de la Nation canadienne-française. Car, nation,
ethnicité, nationalisme et religion sont quatre éléments distinctifs et
déterminants de l’histoire de l'identité d'une civilisation donnée. Aucun
de ces éléments ne peut être marginalisé sans plus par l’historien ou le
responsable politique préoccupé à comprendre la manière d’agir adoptée par
l’actuelle société dans ce contexte d’expansionnisme démographique
anti-occidental et de darwinisme social, motivé par le phénomène du
multiculturalisme. Il faut se rappeler que ces deux actions de survivance
sont possibles seulement quand la lutte pour le contrôle de l'espace
politique, économique, culturel et religieux est considérée comme étant un
moyen de mainmise essentiel pour l’évolution des populations migrantes
établies là où la société d'accueil a perdu la responsabilité collective de
sauvegarder ses propres valeurs nationales.
Pour la question de l’appellation « Canadiens français », elle entraîne
une conséquence importante pour ceux qui ont négligé la responsabilité
nationale au Québec concernant cette définition primordiale de lien
contractuel d'identité de convergence sociale et d'unité idéologique. Car
on ne semble pas être à court de bonnes raisons pour considérer l’impact
culturel et politique de la définition « canadianisme » qui apparaît dans
les dictionnaires comme étant le « fait de langue propre au français parlé
au Canada ». Or, si nous prenons, en toute honnêteté, la portée politique
et culturelle de la définition « canadianisme » et ce qu’elle renferme
comme projection d’unité nationale, l’Histoire des Canadiens français
pourra continuer à s’écrire sans modifier le lexique de sa singulière
idiosyncrasie qui les a fait se constituer comme nation aux valeurs
déterminées afin de poursuivre l’action de sa libération nationale. Au
contraire, si l’Histoire des Canadiens français doit se réécrire par
opportunisme et calcul politique, prétextant que cette même histoire est en
évolution (sic) afin de justifier ces changements sociaux de manière à
satisfaire des intérêts particuliers circonscrits au monde politique et
celui des groupes ethnopolitiques réfractaires à l’intégration à cette même
majorité sociale, celle-ci réellement historique, sans reconnaître ce fait,
pour ne pas tenir compte de la déstructuration sociale et de division
politique que vit la nation canadienne-française, alors l’histoire du
Québec sera essentiellement une histoire des Québécois, plutôt que celle
des Canadiens français.
Par exemple, dans la magnifique œuvre « The French Canadians 1760-1945 »,
universellement appréciée, écrite par l’Américain Mason Wade, traduite en
langue française par l’historien Adrien Venne et publiée en 1963, l’on ne
trouve, pas même une seule fois, le vocable « Québécois » pour définir les
Canadiens français. L’auteur explique « …pourquoi les Canadiens français
vivent, pensent, agissent et réagissent autrement que les Américains du
Nord de langue anglaise. Il constitue --le livre-- également une histoire
de ce que les Canadiens français appellent le fait français en Amérique,
car c’est réellement par l’étude de l’histoire intellectuelle et culturelle
du Canada français depuis ses origines que le Québec actuel pourra être
compris (...). Ce livre raconte également l’histoire du combat que dut
livrer une minorité pour préserver son identité, malgré toutes sortes de
pressions qu’exercèrent sur elle, consciemment ou non, d’autres groupes
ethniques et une autre culture, pour la forcer à se conformer à la
civilisation dominante. Les Canadiens français sont les “Sinn-Feiners” de
l’Amérique du Nord, car leur remarquable cohésion et leur forte conscience
collective prennent leur source dans leur sentiment d’isolement et
d’insécurité »(2).
Pour résumer, voici un extrait d'un précédent article publié à Vigile.net,
titré [« Un contrat civique pour la survie de la Nation québécoise »->13872] dans
lequel est exposée cette réalité sociale : « Le lien contractuel existe dès
que l'identité d'une civilisation ou d'une culture nationale est formée par
ses valeurs convergentes. Celles-ci sont conformées à travers des mots et
sont codifiées dans les récits de par les faits vécus au moyen desquels
cette culture ou civilisation obtient une image de soi-même qui agit comme
paradigme moral. Modifier le lexique par la pression ethnopolitique exogène
et contraire à nos intérêts nationaux revient à altérer ces valeurs
profondes. À teneur de cette réflexion, le lexique et le langage qui sont
utilisés par les partis politiques et les organisations socio-culturelles (
la majorité en crise ) altèrent des valeurs déterminées comme celles de la
véracité, loyauté et décence qui, inéluctablement, doivent être les vraies
valeurs de la Dêmokratía : “souveraineté du peuple”, de dêmos,
“peuple” et krátos, “pouvoir”. C’est-à-dire, un Pouvoir limité aux citoyens
et non à des castes oligarchiques ». C’est pourquoi, à cause de
l’inconcrétisation de cet idéal démocratique au Québec, il en résulte que
l’indépendance de la Nation québécoise ne s’est pas réalisée.
Devant ces faits, il convient de se demander si le dualisme latent qui
politiquement sévit entre Québécois et Canadiens français afin de maintenir
une situation de rivalités socio-économiques anachroniques --tout est
économie-- dans un régime constitutionnel arbitraire et antidémocratique, ne
conduira qu’à la destruction de la Nation québécoise. Peu de sciences ont
un champ aussi vaste que l’histoire des idées et de la culture. Faire appel
au phénomène historique des confrontations politiques entre deux pôles
sociaux opposés a toujours conduit à expliquer en grande partie
l’évolution des conflits fratricides qui, en fin de compte, ont servi à les
affaiblir mutuellement au bénéfice de ceux qui les ont amenés --Québécois
et Canadiens français--, par des ruses politiques, juridiques ou par
d’autres moyens coercitifs, à ce dualisme de déstructuration nationale.
Comme l’a bien réussi à le faire, depuis 1867, la Constitution colonialiste
imposée aux Canadiens français en réaction à leur esprit d’indépendance, et
qu’aujourd’hui, de par cette imposition centraliste de contraintes
politico-juridiques et économiques, cette conscience collective
--“Sinn-Feiners”(3)-- de libération nationale n’arrive qu’à 42%.
Jean-Louis Pérez
Vive le Québec libre de caciques, de tricheurs de la politique, de
traîtres et de pilleurs des ressources fiscales et naturelles
________________________
1. L’appartenance de souche filiale ou d’intégration par d’autres liens
affectifs ou moraux au groupe majoritaire au Québec doit avoir une seule et
unique condition pour que prévale cette affirmation de convergence :
connexion possible entre les unions politiques et ethnolinguistiques
conformant un idéal rationaliste et de comportement humaniste. C’est-à-dire
que l’appartenance à une majorité sociale donnée comportant ces deux
conditions, ne se circonscrit pas seulement à un rapport protoparental du
membre de ce groupe. En effet, les Canadiens français qui ont travaillé
consciemment et volontairement pour trahir, saccager ou saboter la Nation
québécoise afin de l’empêcher de réaliser son le plein potentiel
d’épanouissement comme pays indépendant, sont si nombreux que le Québec,
s’il était reconnu comme tel, ces actes d’infidélité se considéreraient
comme étant un complot collectif de lèse-humanité.
2. Passage extrait de la préface de l’œuvre citée, comprenant 1432 pages.
Le Dr. Mason Wade fut directeur des études canadiennes et professeur
d’histoire à la Faculté des Lettres et des Sciences de l’Université de
Rochester, Rochester, N.Y.
3. En irlandais sinn féin signifie « nous-mêmes ».
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    22 juin 2008

    Admirable.
    Cette fois-ci, votre texte est une référence, M. Pérez.
    Si l'Ordre du Québec avait une valeur, je proposerais votre candidature juste pour l'exactitude de ce portrait de notre nation.
    Vos propositions pour le contrat civique étaient superflues et trop personnelles.
    Ici vous dessinez en quelques lignes le visage expressif de notre peuple.
    Le miroir de notre constitution.