Trois cartes, trois textes, une colère

Chronique de José Fontaine

Cadre géographique
La carte fondamentale pour comprendre la Wallonie est cette carte qui a le mérite de la situer sur la base de critères géographiques objectifs, les deux grands fleuves européens qui se jettent à la mer dans le delta de Rotterdam, le Rhin et la Meuse. Le Rhin est évidemment plus important que la Meuse mais l'importance de celle-ci n'est pas négligeable puisque l'on trouve sur ses rives le troisième port fluvial d'Europe, Liège, le premier port étant Duisbourg sur le Rhin.
Carte I

On ajoutera à cela que tout le fond de cette carte de la Wallonie est occupé par l'Ardenne, plissement hercynien, cette sorte de montagnes usées et vieilles au bas desquelles, on trouve des mines de charbon, de fer, d'autres métaux. La conjonction de ces atouts (fleuve, sous-sol, population habile), a fait de la Wallonie la deuxième puissance industrielle du monde durant le premier siècle de la révolution industrielle
Carte II

L'ouverture de la voie d'eau venant de la Meuse liégeoise vers Rotterdam à des convois poussés de 9.000 tonnes implique la construction d'une écluse ad hoc à Lanaye, mais aussi à Yvoz-Ramet, à Ampsin-Neuville et d'autres travaux concernent aussi, dans le reste de la Wallonie: la mise au gabarit de 2000 tonnes les liaisons fluviales entre Namur et le Hainaut, la mise au gabarit de 3000 tonnes de l'Escaut, de 4.500 tonnes de la Lys, le dragage du canal Condé-Pommeroeul. 44 millions de tonnes de marchandises ont été transportées par voie d'eau en Wallonie en 2011 On peut ajouter à cela que l'aéroport de Charleroi est le deuxième aéroport pour le transport de voyageurs en Belgique et Liège le huitième aéroport d'Europe pour le fret.
Cadre historique et politique
La division de la Belgique (ou de ses anticipations), entre une Wallonie et une Flandre est plus ancienne que ne le dit la propagande belge, ainsi que le montre la carte ci-dessous :
Carte III

Ce qu'il est aussi important de comprendre, c'est que la «Wallonie» présente sur cette carte a été amputée de ce qui est aujourd'hui le Nord-Pas-de-Calais (par les conquêtes de Louis XIV). Quand l'Etat belge naît en 1830, ce qui reste de la Wallonie a du coup une population inférieure à la Flandre. Daniel L.Seiler a pu expliquer en quelques lignes ce qu'il en est résulté :
Texte I
« La politique d'équipement pratiquée en Belgique - routes, chemins de fer, canaux - articulèrent l'économie du pays sur un axe Nord-Sud, centré sur Bruxelles - avec tout ce que comporte le statut de capitale d'un Etat centralisé - et sur Anvers, centre des affaires. Grâce à l'ouverture du canal de Gand-Terneuzen, l'ancienne capitale du comté de Flandre devint progressivement un vase d'expansion portuaire pour Anvers; elle deviendrait après la seconde guerre un centre important. La Wallonie poursuivait grâce à ses houillères une expansion industrielle intense autour de différents bassins - Liège, Charleroi, Mons le Borinage etc.

Cependant ce développement correspond au modèle qu'Hechter propose de l'industrialisation dépendante. Les décisions se prennent ailleurs: les bassins industriels, non reliés entre eux, dépendent de Bruxelles. Liège ex-capitale d'un Etat souverain, se trouve progressivement marginalisée; elle qui domina la Belgique de 1830-1840, se mua en un chef-lieu d'une agglomération industrielle. Des projets présentés comme la favorisant bénéficièrent surtout à Anvers. Au moment où éclate la "crise de l'Unité belge", celle-ci s'articule autour du triangle Bruxelles-Anvers-Gand. La Flandre va progressivement dominer le système économique créé par le centralisme (d'où, note de JF, les difficultés de la Wallonie bien décrites par le Professeur Quévit. Déjà bien pourvue dans le secteur commercial et financier, elle va bénéficier de l'implantation des industries de pointe - automobile, chimie, pétrole et nouvelle sidérurgie -, alors que la Wallonie souffre du vieillissement industriel. En revanche, le géant économique qui grandit en Flandre se double d'un nain politique et culturel. Le pouvoir appartient à la bourgeoisie belge et francophone. De là naîtra la crise qui mine la Belgique.»
Daniel L.Seiler in Les partis autonomistes, PUF, Paris, 1982 (p. 86) (Coll. Que sais-je? Chapitre IV La Belgique).
Texte II
«La Belgique est (...) incontestablement, une fédération : il n'y a aucun doute (...) Cela étant, la fédération belge possède d'ores et déjà des traits confédéraux qui en font un pays atypique, et qui encouragent apparemment certains responsables à réfléchir à des accommodements supplémentaires dans un cadre qui resterait, vaille que vaille, national (..) Dans l'exercice de leurs compétences, les Communautés et les Régions sont souveraines. Exactement comme un Etat est tout à fait indépendant dans sa sphère de souveraineté, même s'il est par ailleurs membre d'une confédération.»
Vincent de Coorebyter, directeur du CRISP, dans La Revue nouvelle de janvier 2008 (p.42)
Texte III

« Le congrès, toutes réserves faites au sujet des formes à donner à l'idée séparatiste, émet le vœu de voir la Wallonie séparée de la Flandre en vue de l'extension de son indépendance vis-à-vis du pouvoir central et de la libre expansion de son activité propre. »
(Résolution du Congrès wallon réuni à Liège le 7 juillet 1912 et votée à l'invitation de Jules Destrée)
Que font les dirigeants de la Wallonie?
Que disent-ils de tout ceci?
Rien ou presque rien.

Ils n'ont en tout cas pas l'air très gêné d'obéir à un Premier ministre wallon à la tête d'un gouvernement belgo-flamand de droite.

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José Fontaine355 articles

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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.

Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...





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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    10 novembre 2012

    Monsieur Fontaine,
    Si la « Wallonie » a été amputée,par les conquêtes de Louis XIV,de ce qui est aujourd’hui le Nord-Pas-de-Calais, nous le devons aux trop "fameux" ducs de Bourgogne. Des condottières (Les chéris de l'Histoire de Belgique) avant la lettre qui vont nous "coller" à partir du 14e siècle aux "Flamands" et aux "Néerlandais". A cause d'eux nos populations ont payé le prix du sang avec les massacres et les pillages de Charles le Téméraire à Liège (600 Franchimontois notamment) et à Dinant au 15e siècle.
    Puis ils nous refileront aux Habsbourgs qui voulurent mettre la France à genoux d'où les conquêtes défensives des monarques français dont Louis XIV. Grâce à ce dernier, voilà déjà des ancêtres sauvés depuis le 17e siècle. Aujourd'hui, comme vous l'écrivez si clairement, nous en payons toujours le prix par le pillage "belge" (Bruxello-Anversois). Ah! Bien évidemment les Bourguignons nous donné l'école des peintres "Primitifs Flamands" y compris quelques Wallons déjà "annexés" sans vergogne. Voilà un désastre séculaire pour une "Toison d'or".