Tout nous vient de la France

Chronique de José Fontaine

Tout nous vient de France. Mais les Français les plus lucides m’ont souvent expliqué que l’existence au Nord-Est de la France d’un peuple français, si proche et ne faisant pourtant pas partie de la France, les embarrasse au plus haut point. Dans la représentation géopolitique que les Français ont d’eux-mêmes, la Wallonie est un tabou. La grande revue géopolitique Hérodote l’a écrit à plusieurs reprises. Il y a un regret très français que la Wallonie ne fasse pas partie de la France. D’autant plus douloureux que tout indiquerait que nous serions des « Français ». Le directeur d’ Hérodote me l’a dit, partant d’une interprétation géopolitique des histoires belges étrangement. Puis l’un de ses collaborateurs dans une étude plus fouillée (1), collaborateur que je reçus un jour dans le bureau d’où j’écris ces chroniques envoyées vers vous pour que nous nous serrions la main par-dessus l'océan.
Tout nous vient de la France. Nous vient d’elle aussi cette ignorance qu’elle nourrit à notre égard et qu’en somme elle nous impose pourtant sans méchanceté ni désir de nous nuire. Avec son énorme influence, elle presse les Wallons de s'ignorer, non sans succès.
Tout nous vient de la France. Mais le Québec a représenté pour les Français un embarras du même genre que le tabou géopolitique que la Wallonie représente dans leur vision collective. Jean Lacouture a estimé que le « Vive le Québec libre ! » est une suggestion des Québécois eux-mêmes au général de Gaulle qui ne pouvait que la reprendre, étant donné qu’il était un Français hors normes, capable de risquer tout pour la France, de violer - justement ! - les tabous géopolitiques français, de se débarrasser des « embarras ».
Tout nous vient de la France. Les Wallons n’ont pas reçu la visite du général de Gaulle. Mais c’est par le Québec qu’ils ont été remués. Par votre marche en avant, par votre passion d’affranchissement, par la grâce avec laquelle vous avez filmé, chanté, écrit, pensé non plus comme des Français. Mais en demeurant vous-mêmes. En devenant des Français qui se disent des Québécois rompant ainsi dogmes et tabous français
Tout nous vient de la France. Mais la Wallonie est devenue, toute seule, sans la France (bien sûr), ce qu’elle est : un Etat quasiment souverain (compétences exclusives s’exerçant tout uniment sur le plan interne et sur la scène internationale). Car nous savons nous battre malgré les apparences. L’exemple est venu du Québec. Mais nous n’aurions pas noué le pacte qu’un peuple qui en est un noue avec son histoire, la beauté, la culture à travers le cinéma, la littérature, la pensée, l’histoire, sans votre exemple. La reconnaissance de ces faits, on la trouve dans les livres écrits en anglais que les Wallons ont tort de ne pas lire plus (car en en réalité, sur ce plan, beaucoup nous vient des Anglais, énormément plus que des Français et par comparaison avec eux: tout). A cause du Québec, il est possible d’être un peuple français indépendant de la France et cela vaut mieux pour elle. Car, nous l’aimons, la France ! Nous n’allons pas tout de même renoncer à la Liberté parce que dans un premier temps, le peuple au monde le plus gêné de nous voir exister, nous Wallons et Québécois, ce sera le peuple de France.
Tout ne vient pas toujours de la France. J'oserais même dire: par méthode, n'attendons rien de la France et tout de nous-mêmes.
(1) Paul Tourret, La Quête identitaire wallonne, dans Hérodote, n° 72, p. 58- 75, Paris, janvier-juin 1994

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José Fontaine355 articles

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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.

Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...





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4 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    28 septembre 2009

    Tant mieux pour les Belges ou les Wallons qui percent en France! Mais ce n'est pas cela qui m'intéresse ni la reconnaissance de la Belgique d'ailleurs: je songe à la reconnaissance collective de la Wallonie dont elle pourrait tirer parti, les Québécois aspirant à un Québec reconnu me comprendront: je ne me place pas ici dans l'optique des individus, mais de collectivités morales, Wallonie ou Québec.
    Si je vous réponds d'ailleurs, c'est parce que beaucoup de personnes réagissent comme vous le faites quand on évoque ces questions de non-reconnaissance par la France. Mais une somme d'individus (même très nombreux), cela ne fait jamais une collectivité morale, un peuple, une nation, une société...
    Et je suis bien d'accord avec vous pour dire que les peuples que vous citez ne sont pas des Français. C'est bien ce que j'ai essayé de souligner en partant d'une équivoque qui existe tant au Québec qu'en Wallonie.
    On parle en effet de Canada français ou de Communauté française de Belgique. Ou encore de littérature française de Belgique, de Français du Canada etc.
    Comme vous, ce sont des manières de parler que je n'aime pas, évidemment et c'est ce que l'article tend à démontrer. Le titre Tout nous vient de la France est une antiphrase, il exprime le contraire de ce que je pense. C'est un procédé courant quand on écrit.

  • Archives de Vigile Répondre

    28 septembre 2009

    Utiliser le terme "français" pour qualifier les wallons et les québecois (et donc les suisses francophones, les algériens, les congolais,... ??) n'est pas anodin à mon sens. Oseriez-vous parler d'allemands à propos des autrichiens ou des suisses germanophones?
    Il y a de vrais liens culturels entre toutes les nations francophones, il y a des échanges naturels et évidents, grâce à la langue. Mais quand vous parlez de "français" pour qualifier tout ce petit monde, vous intégrez (sans le vouloir peut-être) une part de politique dans une notion qui devrait rester culturelle et linguistique: la langue des peuples composant la francophonie.
    Ceci dit, qu'attendez-vous de la maison mère francophone? La France accueille rapidement les artistes belges qui réussissent (on lui repproche d'ailleurs souvent me semble-t-il). Il y a en France des tas de belges qui percent et qui y sont reconnus.

  • José Fontaine Répondre

    27 septembre 2009

    Il me semble que ce premier commentaire passe à côté de ce que je veux dire, mais que j'ai peut-être mal dit. J'use du mot "français" indifféremment pour les Québécois, les Wallons (et même les Français!), mais pour mettre en évidence que les Français ont une certaine difficulté à reconnaître l'apport des Québécois et des Wallons à ce qui se fait en français dans le monde, parce que la façon dont la France se voit exclut plus ou moins ce que d'autres peuples, cousins des Français, proches des Français, apportent réellement. Loin d'être rattachiste, le propos tenu ici consiste à inviter Québécois et Wallons à ne rien attendre de la France tout en ne reniant pas ce lien avec la France qui est vital, qui peut devenir fécond si nous nous en libérons, si nous nous libérons de l' étrange entêtement français à nous ignorer (alors que d'autres cultures nous connaissent, intègrent notre histoire, notre réalité). Ce que peut-être Wallons et Québécois pourraient faire, c'est de transformer la Francophonie en espace réellement multinational. La Wallonie se situe entre la France qui l'ignore et la Flandre qui la domine: c'est un destin difficile, très difficile. Nous en périrons peut-être. Nous n'avons pas grand-chose à attendre de la France, mais pas non plus de la Flandre qui, il faut bien l'admettre, nous a mis dans de sales draps. Les historiens flamands sont les premiers à admettre que la Wallonie a été le plus souvent écartée du pouvoir national belge où ils ont été prépondérants depuis 1884 - fameux bail!

  • Archives de Vigile Répondre

    27 septembre 2009

    Le wallon est un français? Bien sûr que non.
    La wallonie est en majorité francophone, çà évidemment, c'est un fait. Que culturellement les influences viennent donc en majorité de France c'est naturel et normal.
    Les canadiens anglophones recoivent des tas d'influences culturelles des USA car partagent la même langue (l'anglais). Est-ce que çà en fait d'eux des américains?
    Il n'y a rien dans les théories rattachistes de la Wallonie à la France de trés concret. La Wallonie n'a été française qu'une vingtaine d'années, quand lors de la révolution et puis sous Napoléon les armées de l'Hexagone ont envahis la Belgique, tout comme des tas d'autres pays européens à l'époque.
    Excepté cette periode, nous avons toujours été soit indépendants, soit sous domination d'autres puissances que la France. C'est un fait historique.
    Et concernant la similitude de la langue entre Wallonie et France pour justifier un rattachement (plutôt un attachement, on peut pas Rattacher ce qui n'a jamais été attaché), c'est à mon sens le seul aurgment plus ou moins véridique. Mais il faut savoir que le Wallonie ne parle français que depuis fin du XIXème siècle. Justement sous la pression des leaders francophiles de la nouvelle Belgique de l'époque, un état nouveau, francophone (mais dans un pays à majorité néerlandophone) et issus d'une révolution (1830) clairement "pro-française" à ses débuts.
    Et à part au niveau de la culture et des médias (vu langue similaire), il n'y a rien comme point commun entre France et Wallonie.
    La France est républicaine, centralisatrice, unitariste, portée à droite.
    La Wallonie est monarchiste, fédérale, compte une minorité germanophone reconnue ayant ses propres institutions, et la Wallonie est plus portée à gauche.
    Et les soit disant avantages économique d'une entrée de la Wallonie au sein des frontières françaises, je trouve çà d'un ridicule absolu, à une époque où économiquement parlant les frontières n'existent plus. Et puis de toute façon, il faut être stupide pour penser que le Nord de la France peut nous apporter plus que les riches Flandre, Pays Bas ou Allemagne. L'économie wallone est en majorité tournée vers le nord.