La première politique commune de l’Europe unie, c’était la politique agricole commune (PAC). Elle a sauvé l’agriculture en lui fixant comme objectif l’autonomie alimentaire des peuples européens (objectif atteint rapidement), des prix agricoles et, par là, des revenus décents aux agriculteurs. Dans le domaine si fragile de l’agriculture, il faut des politiques protectionnistes. Il y a en effet des avantages énormes au maintien d’un développement agricole autocentré: préservation des paysages, qualité de la nourriture, production proche de la consommation etc. S’il y a bien une activité économique qui doit être régulée, c’est l’agriculture.
24 juillet: Les Wallons brûlent le drapeau européen
Le 24 juillet dernier, à la grande foire agricole d’Europe organisée à Libramont en Ardenne wallonne, des producteurs de lait brûlent– fait sans précédent– tous les drapeaux européens hissés sur la foire. Je pose à un responsable syndical la question de savoir pourquoi l’Europe a abandonné sa politique d’avant 1990. Son syndicat n’a rien de communiste . Il me répond : l’URSS s’étant écroulée, un autre système plus social (même si l’URSS en était la caricature), a cessé de faire peur et au lieu d’une économie régulée, on a laissé tomber toute organisation des marchés pour l’ultralibéralisme. Il craint que la paysannerie disparaisse complètement d’Europe, pour être remplacée par quelques très grandes entreprises fortes par leur dimension, mais tout aussi fragiles finalement étant donné la spécificité des productions agricoles qui, me dit-il, mériteraient d’être protégée comme les produits de l’esprit le sont par l’exception culturelle qui les fait partiellement échapper aux règles sauvages et meurtrières du marché.
16 septembre : ils détruisent leur lait, on va quand même tout détruire
Ceux qui meurent en premier, ce sont les producteurs de lait européens, notamment les Wallons. Puisque les prix agricoles sont abandonnés – fait sans précédent également – à la fantaisie de type « casino » du marché mondial, « travailler, prendre de la peine » sur les champs ressemble de plus en plus au jeu de la roulette. Ils ont lancé la grève du lait en Europe pour la forcer à changer de politique. Toutes les télévisions européennes et tous les médias ont assisté, médusés, au déversage de 3 millions de l de lait dans la campagne wallonne ce 16 septembre à Ciney. C’était la seule attitude à avoir. D’autres paysans font de même, notamment les Bretons.
La Wallonie agricole n’est pas mieux servie par la RTBF que le reste de la Wallonie. La RTBF est pro-européenne jusqu’à l’obsession. Deux journalistes, depuis plus d’une décennie, émettent d’une voix monocorde, régulièrement, les nouvelles de l’Europe, sans critique, sans analyse, sans réserve, mais en adoptant un point de vue « his master’s voice» obsessionnellement européiste. Cela ressemble à de la propagande gouvernementale rappelant des heures sombres. Quelques heures avant l’énorme déversement de lait (3 voire 6 millions de litres, refus de servir le lait à l’industrie et au commerce qui les étranglent), dans la campagne wallonne près de Ciney, ce 16 septembre, l’une d’elle, sur le même ton froid et méprisant – qui semble être vraiment devenu le ton « européen » par excellence - , considérait le combat paysan wallon comme perdu d’avance. Puisque la majorité des Etats européens avaient décidé une politique que les grévistes wallons ne pouvaient combattre qu’en vain. Elle avait tenu à annoncer elle-même que tous allaient crever. Sur un ton rappelant les radios muselées d’un autre temps.
18 septembre: L’Europe paysanne se soulève
Depuis, l’extraordinaire geste de la paysannerie wallonne a enclenché un dynamisme de révolte en France, en Allemagne et ailleurs. Le ton « européen » de la RTBF (et d’ailleurs), va faire périr une Europe totalement incapable de dialoguer avec ses citoyens au bord du désespoir (ceux-ci et d’autres un jour). Dont le Parlement n’a en réalité rien à dire parce que chaque peuple n’en élit qu’une parcelle et ne s’y retrouve évidemment pas du tout (pas plus que les parlementaires eux-mêmes). Il n’y a pas de démocratie européenne. Les responsables européens ne peuvent souvent parler que leur langue et l’anglais. Il y a une impossibilité structurelle chez eux de rencontrer des citoyens mécontents dont ils ne connaissent, la plupart du temps, ni la langue, ni, encore moins les problèmes, la mentalité, les peines, les espoirs. Rien. Il ne faut pas abandonner l’Europe, je le crois sincèrement, elle nous a apporté beaucoup. Mais elle est en train de devenir une dictature de technocrates qui ouvrent la voie à une nouvelle barbarie. Lorsque des référendums (comme en France, en Hollande), donnent des résultats négatifs, on s’incline, puis on refait d’autres textes et on les fait voter par des parlements nationaux mis au pas, plus sûrs que le peuple dont on peut douter qu’ils le représentent encore. Tellement les résultats sont propfondément contradictoires. Mes deux journalistes que je ne ménage pas, je le sais, ne le méritent pas, car elles acceptent comme parole d’évangile que le référendum, l’appel direct à l’approbation du peuple, constitue quelque chose de « dangereux » pour l’ « Europe ». Comme si la pérennité de l’Union européenne justifiait tout, y compris la mort de la paysannerie qui est en somme une dimension de la civilisation universelle, signe annonciateur de la destruction de ses autres aspects parmi lesquels la dimension essentielle: la démocratie.
A bas l’Union européenne ! Mais Vive l'Europe des peuples!
Un jour ou l’autre, il fallait que des peuples mordent à la gorge cette Europe hautaine, dictatoriale, aussi barbare, par la paix qu’elle instaure, que la guerre qui a déchiré cette patrie européenne dont je suis immensément fier. Comme je suis fier aussi que le premier peuple à s’être lancé à l’assaut de l’ignominie soit, cette semaine, le peuple wallon, préparant ainsi les voies d’une autre Europe que celle-ci. Qu’il faudrait supprimer avant qu’elle ne détruise ce Continent qui va de l’Atlantique à l’Oural, que nous aimons, qui a quelque chose d’autre à transmettre au monde que de désespérer de ce qui l’a fondé autour des grandes révolutions anglaise, française, liégeoise, allemande, italienne, autour du mouvement ouvrier en Allemagne, Angleterre, Wallonie, Suède, autour de son immense culture.
La Liberté!
Les Wallons en grève contre l'Europe
Chronique de José Fontaine
José Fontaine355 articles
Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur...
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Né le 28/6/46 à Jemappes (Borinage, Wallonie). Docteur en philosophie pour une thèse intitulée "Le mal chez Rousseau et Kant" (Université catholique de Louvain, 1975), Professeur de philosophie et de sociologie (dans l'enseignement supérieur social à Namur et Mirwart) et directeur de la revue TOUDI (fondée en 1986), revue annuelle de 1987 à 1995 (huit numéros parus), puis mensuelle de 1997 à 2004, aujourd'hui trimestrielle (en tout 71 numéros parus). A paru aussi de 1992 à 1996 le mensuel République que j'ai également dirigé et qui a finalement fusionné avec TOUDI en 1997.
Esprit et insoumission ne font qu'un, et dès lors, j'essaye de dire avec Marie dans le "Magnificat", qui veut dire " impatience de la liberté": Mon âme magnifie le Seigneur, car il dépose les Puissants de leur trône. J'essaye...
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