Tout le monde s'entend pour qualifier les élections de lundi d'historiques. Mais ce qui est historique, ce n'est pas le fait que le gouvernement soit minoritaire, ni qu'un nouveau parti, l'ADQ, jouera dorénavant un rôle central.
L'événement déterminant, c'est d'abord le rejet par les électeurs du débat qui a dominé la vie politique au Québec depuis la fin des années soixante. Le ras-le-bol contre les vieux partis, c'est beaucoup contre la chicane entre souverainistes et fédéralistes. Et la conséquence évidente, c'est l'écrasement du Parti québécois et de l'idée dont il est le porteur.
Un cycle politique s'est terminé lundi soir, et cela annonce le début de la fin pour le projet souverainiste. Le chef du PQ, André Boisclair, a commencé à l'admettre en disant hier que la souveraineté n'est pas réalisable à court terme.
Mais on doit aller plus loin. Le scénario voulant que les Québécois choisissent de se séparer dans un référendum n'est plus dans les cartes. Cela ne signifie pas que le rêve d'un pays disparaîtra. Mais il devra prendre d'autres formes d'expression. Cela exigera de la part des souverainistes un difficile examen de conscience.
Il existe une telle chose que la réalité des faits. Le PQ n'a recueilli que 28% des suffrages exprimés, ce qui en fait maintenant un tiers parti. Sa capacité de convaincre une majorité de Québécois de choisir la sécession est devenue une impossibilité politique et mathématique.
Bien sûr, le PQ a été victime lundi d'un engouement pour l'ADQ qui ne sera peut-être pas durable. Mais ce score défavorable s'inscrit dans une tendance lourde. Depuis 1995, le mouvement souverainiste n'a pas le vent dans les voiles. Les "conditions gagnantes" de Lucien Bouchard et Bernard Landry en étaient un signe, tout comme la démission du premier et l'échec électoral du second. La tendance vers le bas ne fait que se poursuivre.
Les souverainistes voudront se conforter en notant que l'appui à la souveraineté dépasse toujours les 40% dans les sondages. C'est vrai. Mais il faut s'interroger sur la signification réelle de ces chiffres. L'appui à la souveraineté semble bien plus refléter un état d'esprit qu'un projet politique concret. Bien des gens aimeraient que le Québec soit un pays, mais ils n'ont absolument pas l'intention d'agir pour que cela arrive: ils ne veulent pas de référendum, ne veulent pas en entendre parler, et n'appuient pas le parti qui pourrait y parvenir. Pour tous ces gens, la promesse d'un référendum rapide a été un repoussoir, et à plus forte raison l'acharnement de M. Boisclair, prêt à imposer un référendum même s'il était minoritaire.
Les forces souverainistes peuvent bien sûr rêver de réunir à nouveau la famille souverainiste. Soit en se tournant vers Québec solidaire et ses maigres 4%. Soit en évoquant, comme l'a fait hier André Boisclair, une alliance nationaliste entre péquistes et adéquistes. Encore la pensée magique!
Les souverainistes en sont réduits à compter sur un événement fortuit pour rêver d'une éventuelle victoire: une crise à Ottawa ou l'arrivée d'un sauveur. Un projet aussi majeur que la création d'un nouveau pays n'a d'avenir et de sens que s'il exprime un désir collectif et s'il est porté par un élan populaire. Cet élan n'existe pas et rien ne permet de croire qu'il existera jamais.
La prise de conscience sera toutefois très difficile pour le PQ qui, dans l'adversité, est plutôt porté vers le déni et la fuite en avant. On l'a vu en 2003 quand le parti, après une dure défaite a plutôt choisi, au terme d'une réflexion intitulée la Saison des idées, de radicaliser son programme. On voudra aussi attribuer l'échec à André Boisclair, en oubliant que le nouveau chef a été victime du programme radical que les durs du parti lui ont imposé.
Le Parti québécois peut par contre prendre acte de la réalité. M. Boisclair a dit qu'il voulait éviter le déni. Mais jusqu'où est-il prêt à aller? La fin du déni, c'est arrêter de s'acharner pour vendre aux Québécois un projet dont ils ne veulent pas. C'est aussi reconnaître que le nationalisme des Québécois ne mène pas à la souveraineté, mais à un désir d'autonomie sans rupture. Ce mode d'expression du nationalisme s'exprime ailleurs dans le monde et nous rappelle qu'il y a d'autres voies que l'indépendance pour assurer l'épanouissement d'une nation.
Pour éviter la marginalisation, les péquistes devront donc faire un virage aussi radical que celui des travaillistes de Tony Blair, pour cesser de définir la souveraineté comme un projet précis et en faire plutôt un souhait lointain. M. Boisclair osera-t-il? Le PQ en est-il capable?
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