Réplique au texte de Lucie Lamarche

S’ouvrir au monde ?

Le modèle multiculturel canadien ne détient ni le monopole de la vérité, ni le monopole de l'ouverture

Tribune libre - 2007

Réplique au [texte de Lucie Lamarche (Le Devoir, 18 avril 2007)->6086]

À lire votre texte, Madame Lamarche, on croirait trouver un exemple classique de ce qui est devenu une opposition de plus en plus courante entre ceux qui défendent le primat de la démocratie et ceux qui défendent un « droit-de-l'hommisme » qui concilie universalisme et individualisme dans une gouvernance de plus en plus procédurale, sapant de plus en plus la capacité des peuples à se gouverner.
Le Québec est ouvert au monde; seulement le modèle multiculturel canadien ne détient ni le monopole de la vérité, ni le monopole de l'ouverture.
Il est possible d'être ouvert à l'immigration et favorable à l'assimilation : après tout, la naturalisation n'est pas un dû, mais un pacte donnant-donnant. L'immigration n'est pas non plus une fatalité, mais un choix que la nation et l'individu immigrant font. Une nation qui choisit l'immigration n'est pas condamnée à adopter le modèle multiculurel canadien. Car le modèle d'intégration demeure une question de choix démocratique, le choix du modèle de société.
Il est possible d'être favorable à l'immigration et contre la fragmentation ethnique de la citoyenneté, contre les prétendues "communautés culturelles" et les ghettos. Je vous invite à ne relire ne serait-ce que Neil Bissoondath (Le Marché aux illusions) à cet égard. Pourriez-vous l'accuser de fermeture au monde ?
Après tout, l'important, ce n'est pas de paraître progressiste, mais de respecter la démocratie et le droit d'une nation comme le Québec de faire ses propres choix en termes de modèles d'immigration, de laïcité, etc., ce qu'empêche, effectivement, l'application d'une Constitution et d'une Charte canadiennes que l'Assemblée nationale du Québec récuse. Un État-membre fondateur, isolé dans son caractère national unique, se fit donc imposer en 1982 une redéfinition du fédéralisme et du vivre-ensemble que la Cour suprême continue de faire prévaloir sur les Chartes québécoises, interprétant la Charte québécoise des droits à la lumière de la politique canadienne de multiculturalisme. Ce modèle canadien favorise deux choses : l'identification ethnique et l'identification au Canada, plutôt qu'à la nation adoptive, le Québec. L'ouverture au monde du Québec n'en sera pas, vous en conviendrez, aidée.
Or, le modèle québécois fait tout à fait preuve d'une grande ouverture au monde en traitant d'abord le néo-Québécois comme un Québécois égal aux autres, plutôt que d'abord comme le membre d'un groupe ethnique. C'est précisément cet ethnicisme que favorise le multiculturalisme que l'on pourrait accuser d'être rétrograde et dangereux pour notre démocratie et la solidarité qui est essentielle à son bon fonctionnement. C'est sans parler de notre volonté de perpétuer notre identité nationale: nous adoptons une politique d'immigration pour faire grandir notre nation, pas pour faire naître de nouvelles nationalités au sein de notre État.
Le Québec a donc grand besoin, de faire prévaloir son propre modèle, ses propres choix, sa propre citoyenneté légale sur ceux du Canada, ce qui facilitera le vivre-ensemble des Québécois de demain.

Salutations,

Charles Courtois

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Charles-Philippe Courtois est docteur en histoire et chercheur postdoctoral à la Chaire de recherche en rhétorique de l'Université du Québec à Trois-Rivières. Il prépare la publication de La Conquête: une anthologie (Typo, automne 2009).





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