Respecter son rôle

Politique étrangère et Militarisation du Canada


Le rôle de gouverneur général du Canada se résume à être un symbole qui exprime la légitimité de notre système démocratique. La personne qui occupe cette fonction parle et agit en accord avec les recommandations que lui font ses conseillers, c'est-à-dire le premier ministre et ses ministres.
Celle qui résume ainsi la fonction de gouverneur général est Adrienne Clarkson dans le livre de mémoires Le Coeur au poing qu'elle vient de publier aux Éditions du Boréal. Ayant habité à Rideau Hall pendant six ans, elle sait mieux que quiconque ce qu'un gouverneur général peut dire. Les occasions où il «parle» sont essentiellement limitées au discours du Trône, qui est écrit, comme on le sait, par le premier ministre. Autrement, ses interventions sont circonstancielles.
Le caractère apolitique de cette fonction est tellement évident qu'on ne peut être qu'étonné de voir l'actuelle gouverneure générale, Michaëlle Jean, se porter à la défense de l'engagement des Forces armées canadiennes en Afghanistan, et ce, même si elle sait fort bien que la Chambre des communes, à l'image de la population canadienne, est profondément divisée à ce sujet.
Que la gouverneure générale ait voulu, à son titre -- symbolique là aussi -- de commandante en chef des forces armées, manifester sa solidarité avec les troupes en mission en Afghanistan est à certains égards légitime. Devant le rapatriement des cercueils, elle a le droit de dire ses sentiments. Pour cela, l'entrevue donnée à la Presse canadienne lundi aurait suffi. L'étonnement provient du fait de la voir revenir à la charge dans une entrevue à Radio-Canada à être diffusée dimanche mais dont des extraits ont été montrés au Téléjournal de mardi. Son propos est déplacé, surtout lorsqu'elle soutient que le Canada n'a pas le droit de manquer à sa promesse de porter assistance à la population afghane.
Par cette intervention, elle s'immisce dans le débat politique et se substitue au ministre de la Défense et au premier ministre, à qui il revient de défendre les politiques du gouvernement. On ne doutera pas qu'elle approuve personnellement l'intervention canadienne dans ce pays, car cela correspond à ses convictions à l'égard des droits et libertés qu'elle défendait dans sa vie antérieure. Ce faisant, elle manque à son devoir de réserve.
Cette intervention de Mme Jean constitue un précédent dangereux. Demain, le gouvernement Harper pourra lui suggérer de se prononcer sur d'autres sujets. Que fera-t-elle alors si ses opinions personnelles ne correspondent pas à la position gouvernementale ? Adrienne Clarkson, à qui plusieurs ont reproché son activisme, n'était jamais allée aussi loin. Pour réconforter les soldats canadiens, elle s'était contentée d'aller passer le Nouvel An avec eux en Afghanistan. Le geste était éloquent et préservait la distance qu'il lui fallait garder par rapport au gouvernement. Voilà qui est savoir respecter son rôle.
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bdescoteaux@ledevoir.ca


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