Les bombes ont cessé de tomber (pour le moment, du moins) au Proche-Orient, mais leur souffle n'a pas fini d'ébranler le monde politique canadien.
Rarement, dans l'histoire politique récente du Canada, la politique internationale aura-t-elle occupé tant de place et soulevé tant de passions. Ça nous change des débats éternels sur la Constitution ou des compilations de civières dans les couloirs de nos urgences, mais ça nous démontre surtout à quel point nos grands partis politiques sont désemparés devant les grands conflits internationaux. Et à quel point ils manquent de vision et de profondeur dans leurs positions, ce qui les oblige à marcher sur des oeufs.
Après le gouvernement Harper, qui s'est retrouvé dans l'oeil de la tempête au début des bombardements israéliens au Liban, c'est au tour des leaders souverainistes de se faire écorcher. Pendant ce temps, les libéraux fédéraux, eux, s'entre-déchirent à propos des différentes positions des nombreux candidats à la direction de leur parti.
Jean Charest qui, habituellement, joue de prudence sur ce terrain miné en disant que c'est de compétence fédérale, s'y est avancé hier sur la pointe de pieds pour affirmer que lui, contrairement à d'autres, ne participerait pas à une manifestation où sont visibles des drapeaux du Hezbollah. Facile, les premiers ministres ne participent jamais à ce genre de manif, point à la ligne.
Jean Charest a par ailleurs dit hier souhaiter que les débats du Proche-Orient ne se transportent pas au Québec. Au contraire, cela nous ferait le plus grand bien d'en débattre, cela permettrait à la population de mieux comprendre la situation et aux partis politiques de développer une pensée cohérente plutôt que de réagir à la pièce et dans le désordre le plus complet.
Discrètement, derrière les accusations des uns contre les autres, derrière les sorties tonitruantes de certains élus, d'ambassadeurs, de porte-parole autoproclamés du peuple québécois ou du délire prévisible du National Post, ces débats et ce dialogue prennent forme. Et parfois où on les attend le moins.
Après avoir lu [la réaction ulcérée de l'ambassadeur d'Israël à l'endroit du chef du Bloc->1565], Gilles Duceppe, parce que ce dernier a pris part à une manifestation durant laquelle des marcheurs brandissaient des drapeaux du Hezbollah (André Boisclair et Denis Coderre y étaient aussi), on aurait cru que les relations entre la communauté juive du Québec et le mouvement souverainiste, déjà pas très chaleureuses, s'était refroidies sous le point de congélation.
Pourtant, non, les leaders de la communauté juive essayent plus que jamais d'établir des ponts avec le mouvement souverainiste. Le Congrès juif canadien et le Comité Québec-Israël ont d'ailleurs embauché l'ancien député bloquiste Richard Marceau, devenu consultant après sa défaite en janvier, pour tenter un rapprochement avec les souverainistes. On aurait pu penser que M. Marceau se retrouverait au chômage après la controverse entourant la fameuse manifestation mais, au contraire, il travaille plus que jamais. Il est en contact régulier avec Gilles Duceppe et une demande de rencontre avec les porte-parole de la communauté juive devrait être prochainement expédiée à André Boisclair.
Historiquement, les souverainistes n'ont jamais eu beaucoup de succès auprès de la communauté juive. Et si le Bloc québécois a fait quelques percées dans certaines communautés ethniques, comme la députée Maria Mourani auprès des Libanais dans Ahuntsic, le gouffre n'a fait que se creuser encore davantage avec les Juifs.
"Mais ce serait une erreur de ne considérer les répercussions de la crise au Proche-Orient qu'en termes électoralistes, dit Richard Marceau. Le plus important, c'est de dissiper cette atmosphère toxique qui pourrait s'installer au Québec. En fait, la suite dépendra des leaders politiques."
C'est aussi ce que se disent ces jours-ci les libéraux fédéraux, fortement divisés sur la question du Proche-Orient. Cette division commence à coûter cher: le Parti libéral, qui n'a pas les moyens de perdre des appuis par les temps qui courent, constate que la communauté juive lui tourne le dos au profit des conservateurs.
Les députés libéraux se réunissent la semaine prochaine à Vancouver pour préparer la rentrée, mais en cette période de course à la direction du parti, il sera davantage question du Proche-Orient que de stratégies aux Communes.
Les adversaires de Michael Ignatieff ont décidé de taper sur le clou du Proche-Orient, talon d'Achille du meneur présumé de cette course, disent-ils. Même dans l'organisation de M. Ignatieff, ça grince de plus en plus fort.
CourrielPour joindre notre chroniqueur:vincent.marissal@lapresse.ca
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