Il faut se féliciter d’avoir encore en cette province des historiens tels qu’Éric Bédard. Il est un des rares à connaître, à reconnaître surtout, la valeur de cette «longue histoire de résistance et de combats» que fut celle des Canadiens-Français. Malheureusement, comme chaque fois qu’il tente de juger les temps présents à l’aune de cette histoire, qu’il espère nous en faire tirer leçon, son discours tombe à plat : [Éric Bédard, le spécialiste du conservatisme canadien-français->18831], n’arrive pas à assumer les conséquences du changement identitaire survenu depuis la Révolution tranquille.
Car, «les Canadiens français devenus Québécois» n’ont pas changé que leur nom, ils ont troqué leur identité. D’une nation ethnique, définie par le sol, l’histoire et la culture, ils sont passés à une nation civique dont l’appartenance est déterminée administrativement par l’État. D’une nation se considérant titulaire d’une patrie (le Québec) et co-fondatrice d’un pays (le Canada), on a fait une nation dont la souveraineté et la légitimité reposent sur celles d’un simple État provincial. Le déficit identitaire est tel, que la filiation entre Québécois et Canadiens-Français s’en est trouvée réduite quasi à néant. Et le peu qui reste réfère à un passé devenant de plus en plus étranger, souvent même considéré comme honteux. On peut bien le déplorer, ne pas être d’accord, ça ne change rien à la réalité.
Dans ce contexte, l’historien a beau, pour mieux questionner l’actuelle gouvernance de la Caisse, rappeler à grands traits la libération économique des Canadiens-Français et ses principaux héros, le souvenir de cette lutte et de ces gens ne faisant plus écho à notre réalité nationale, ce ne sont là que vaines paroles. Un constat certes troublant, car pour qui a l’honnêteté de se souvenir, la Révolution tranquille ne devait pas préluder à la naissance d’une nouvelle nation, mais bien plutôt concourir au plein accomplissement des Canadiens-Français. C’est pourquoi la Caisse fut fondée, c’est pourquoi elle devait favoriser le développement du Québec et c’est pourquoi la Caisse se devait d’être dirigée par un Canadien-Français...
Ce n’est évidemment plus le cas aujourd’hui, mais après quarante ans de nationalisme québécois, qui donc oserait s’en étonner? Michael Sabia est peut-être «étranger aux intérêts du Québec inc.», il est Québécois et le Gouvernement du Québec lui fait confiance. Que peut-on bien vouloir de plus?
Que nos nationalistes, historiens ou pas, cessent de jouer au plus fin. Le devenir Québécois de Lévesque s’avère à l’usage une «dénationalisation», une rupture tout aussi définitive que le devenir Canadian de Trudeau. Il nous pousse allègrement vers les bayous. Monsieur Bédard, c’est bien plus de l’avènement du Québécois dont on pourrait parier «que le cartel financier d’autrefois serait bien fier», car c’est lui et lui seul qui a permis la nomination de Michael Sabia...
Si on n’a pas le courage de dénoncer l’imposture, l’«oeuvre de sape» que représente le nationalisme québécois, si on n’a pas la force d’admettre qu’il a tué en nous toute résilience, qu’on cesse donc de se plaindre.
Car comme on fait son lit, on se couche.
Réponse à Éric Bédard
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3 commentaires
Marcel Haché Répondre
3 avril 2009Que pouvait bien vouloir dire Jean Lesage, alors premier ministre de la province de Québec, lorsqu’il demandait à son homologue canadien, le p.m. Lester B. Pearson, de faire en sorte que le Québec puisse se soustraire du Canada Plan (de pension), et se crée pour lui-même une R.R.Q., avec en arrière plan la création conséquente de la Caisse de Dépôt ?
S’adressant publiquement à Pearson, Lesage demandait vigoureusement cette acceptation, par l’institution fédérale, afin de « sauver la Confédération ».Textuel, dans Le Devoir: « M. Pearson, sauvez le Canada ».
Créer la R.R.Q. (puis la Caisse), pour fonder un jour Québec inc, mais pour sauver le Canada !
Dites-moi donc, M. Michel G, lorsque Jean Lesage s’adressait alors à Pearson, relativement à la création de la R.R.Q., était-il un canadien-français ou un québécois ?
Quant à moi, j’incline à penser qu’il était canadien-français, qu’il était nationaliste, mais qu’une nouvelle génération s’apprêtait, elle, à devenir québécoise. En ce sens, la révolution tranquille s’adressait aux canadiens-français, et, jouxtée à la montée de l’état social-démocrate des fonctionnaires, il est probable qu’elle fut un facteur de « dénationalisation » de notre peuple. (Mais pas exclusivement)
La très vieille question « What does Quebec want ? » avait été une question très divisive du peuple canadien-français. En cherchant à y répondre, les nouveaux nationalistes québécois, du P.Q. en particulier, se sont coupés rapidement des minorités canadienne-françaises du Canada, surtout, le pire, ils se sont coupés peu à peu, mais jusqu’à la dérive, de leur propre identité ethnique.
-C’est dans ces conditions que le multiculturalisme, plus tard, n’a jamais rencontré de grandes résistances, n’en rencontre que peu de nos jours. (1) Cela permet au premier animateur venu de réclamer une ouverture sur le monde, lors de notre fête nationale.
Il est plus facile, en effet, de s’ouvrir vertueusement « au monde entier », que de s’y affirmer collectivement, d’y prendre sa place. Pourtant, bien des jeunes québécois (et des moins jeunes) portent cette identité dans les coins les plus reculés. Et d’autres la portent ici même radicalement, sans s’excuser. Pour cela, nul besoin de partis politiques, si prompts par ailleurs qu’ils sont, à s’excuser souvent eux-mêmes d’être…nous, nous-le-peuple. (Ceci ne concerne pas le P.I.)
Notre peuple a perdu bien des repères. Mais cela n’est pas définitif. S’il garde encore son enthousiasme pour la fête(2), il perd cependant beaucoup celui DE SE FÊTER, et croit timidement, finalement, que l’avenir ne lui appartient plus que seulement « partagé » avec ceux, nombreux, qui viennent ici---au Canada ! ---se refaire une vie.
Pourtant, rien n’est désespéré. Seulement, le rythme du temps s’est un peu accéléré…Plusieurs pensent que le temps presse, en effet.
Vive l’indépendance du Québec.
(1) La victoire récente du R.R.Q à propos de la bataille des Plaines, est un coup de tonnerre dans le ciel bleu des fédéraux.
(2) Les fêtes, culturelles ou sportives, n’ont jamais été aussi nombreuses au Québec.
Archives de Vigile Répondre
31 mars 2009Le débat ouvert ici ne se refermera pas en quelques lignes ni en quelques commentaires. Complexe et impossible à saisir sans un long développement, je me contenterai de souligner ici la difficulté pour les tenants du nationalisme civique de s'opposer à la nomination de Michael Sabia. Piégés. De «nobles» et «grandes» vérités désincarnées, professées par une classe d'entretenus du régime nous auront conduits où ?
GV
Michel Guay Répondre
31 mars 2009Que des erreurs dans ce texte car ce n'est pas les canadien français qui sont devenus Québecois mais des Québecois de toujours et des nouveaux Québecois .
L'État du Québec donc les Québecois existent en devenir depuis 1534 mais légalement depuis 1774
Ce sont les colonisateurs canadians qui utilisent le terme province qui signifie colonie
Et Sabias est un Ontarien ami de la loge d'angliciseurs anti québecois des Mulroney Charest et pas un citoyen Québecois.
Ces historiens pro propagande Canada ne font pas seulement que des anachronismes mais surtout de la désinformation servant à tous nous confondre et à détruire notre nation francophone Québecoise en détruisant notre histoire et nos héros fondateurs