À l'ombre de Jean Lesage?

Peut-on, plus de 40 ans plus tard, ressortir Jean Lesage des oubliettes pour s'en servir comme guide dans notre réflexion sur le rôle et la mission de la Caisse?

Esquive - pas d'histoire!


De toutes les envolées auxquelles le débat sur la Caisse de dépôt a donné lieu, les plus farfelues ont été les références à Jean Lesage et les spéculations sur ce qui aurait été sa vision sur la mission de cette grande institution.
Jean Lesage a été un grand premier ministre. C'est le père de la Révolution tranquille. L'une de ses grandes initiatives, dont nous profitons toujours, fut la création de la Caisse de dépôt, avec de jeunes loups comme Jacques Parizeau. Mais c'était en 1965.

Peut-on, plus de 40 ans plus tard, ressortir Jean Lesage des oubliettes pour s'en servir comme guide dans notre réflexion sur le rôle et la mission de la Caisse? C'est ce qu'a fait François Legault, critique péquiste en matière de finances, en commission parlementaire cette semaine. La lecture des discours de M. Lesage l'a amené à conclure que, pour le père de la Révolution tranquille, la Caisse avait une double mission: le rendement des actionnaires, mais aussi le soutien au développement économique du Québec. Et qu'il croyait que la Caisse pourrait empêcher une entreprise québécoise de passer à l'étranger. Un argument massue: vous voyez, la Caisse doit empêcher le départ des sièges sociaux. C'est Jean Lesage qui l'a dit!
En 50 ans, le monde financier s'est profondément transformé et les enjeux de développement économique ne peuvent plus se poser dans les mêmes termes. On ne peut pas définir la mission et la stratégie d'une société d'État avec la même grille qu'au moment de sa création.
Ces références au passé ne sont pas un accident. Elles s'inscrivent dans une culture où l'on a eu tendance à sacraliser tout ce qui émane de la Révolution tranquille. Cela mène à une approche presque religieuse du développement économique. Peut-on créer de la richesse en regardant en arrière?
Les références à Jean Lesage ont également des connotations partisanes. Elles permettent de mettre les libéraux d'aujourd'hui en contradiction avec ceux d'hier. Et surtout d'affirmer que, dans les faits, les authentiques héritiers de la Révolution tranquille se retrouveraient maintenant dans le camp péquiste.
Mais il y a autre chose. Ces références au passé servent à rappeler nos racines, nos traditions et les considérations de nature identitaire qui ont mené à la création de la Caisse de dépôt. Et de rappeler du même coup que le nouveau pdg de la Caisse, Michael Sabia, ne s'inscrit pas dans cette tradition. Pas tant par ce qu'il est un anglophone que parce qu'il est un outsider, qui n'appartient pas au réseau tissé serré du Québec inc., qu'il n'a pas la fibre nationaliste qu'exigerait sa fonction. En fait, c'est la première fois depuis presque 20 ans que le patron de la Caisse ne provient pas de la mouvance souverainiste.
Le débat sur la nomination de M. Sabia a ainsi porté sur ses convictions, plutôt que sur ses compétences, ce qui a mené à des dérives gênantes, notamment en forçant le patron de la Caisse a faire une profession de foi dans un climat d'inquisition qui avait un je-ne-sais-quoi de stalinien. C'est l'ex-premier ministre Parizeau qui est allé plus loin sur cette voie: «C'est le Conseil privé, c'est-à-dire Ottawa qui met la main sur la Caisse... la puissance de la Caisse vient de changer de main.» Une accusation simpliste qui nous rappelle que la corrélation entre l'âge et la sagesse n'est pas absolue.
La morale de l'histoire? Laissons donc Jean Lesage dormir en paix. Les débats pointus sur les nuances dans la formulation de la mission de la Caisse nous font oublier l'essentiel: la bonne performance de la Caisse et la compétence de ses dirigeants.


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