En se présentant comme un allophone, le président de la Caisse de dépot et placement s'est-il posé en porte-à-faux avec sa mère, adepte de l'assimilation?
À proprement parler, Michael Sabia n'est pas un allophone, comme il l'a affirmé en commission parlementaire; il est de langue maternelle anglaise. Sa mère, Laura Sabia, d'origine italienne, préconisait l'assimilation pure et simple des minorités ethniques, ce qu'elle a mis en pratique.
Robert Dutrisac Québec -- Le président de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), Michael Sabia, s'est décrit comme un allophone, lundi, devant les parlementaires québécois. Mais, en réalité, il est de langue maternelle anglaise. Sa mère, Laura Sabia, qui était une féministe et une activiste bien en vue au Canada anglais, fut une farouche critique du multiculturalisme et préconisait l'assimilation des minorités ethniques.
«Comme allophone, je considère avoir des racines profondes, ici, au Québec», a affirmé lundi Michael Sabia lors de la commission parlementaire qui étudiait les crédits du ministère des Finances, une déclaration que le ministre, Raymond Bachand, a trouvée «émouvante».
Petit-fils d'immigrants italiens qui se sont installés à Montréal, Michael Sabia est né en 1953 à St. Catharines, dans le sud de l'Ontario.
Le porte-parole de la Caisse, Maxime Chagnon, a confirmé au Devoir que la langue maternelle de M. Sabia était l'anglais et non pas l'italien, bien qu'il ait appris les rudiments de cette langue pour communiquer avec ses grands-parents. Le père et la mère de M. Sabia sont tous deux issus de familles d'immigrants italiens.
Décédée en 1996, Laura Sabia était une personnalité publique haute en couleur et dotée d'un franc-parler décapant. Militante féministe de la première heure, Laura Sabia a dirigé une coalition qui a forcé la tenue d'une Commission royale d'enquête sur le statut de la femme à la fin des années 1960. Elle a présidé par la suite le Conseil du statut de la femme de l'Ontario et fut chroniqueuse au Toronto Sun. Elle était d'allégeance conservatrice alors que le Canada était obnubilé par Pierre Elliott Trudeau.
Dans un discours qu'elle a prononcé en 1978 devant l'Empire Club de Toronto, Laura Sabia dénonçait vertement le bilinguisme institutionnel et le multiculturalisme. «Nous sommes divisés régionalement, linguistiquement, ethniquement», déplorait-elle. «Qui est un Canadien maintenant?» se demandait-elle. «Nous sommes tous devenus des Canadiens avec un trait d'union [hyphenated]», des Canadiens affichant en même temps une autre origine, Canadiens français, Canadiens anglais, Canadiens irlandais, etc.
«Je me suis toujours considérée comme étant une Canadienne, rien de plus, rien de moins, même si mes parents étaient des immigrants d'Italie», faisait valoir Mme Sabia. «Nous nous sommes laissés aller à nous diviser selon les origines ethniques», sous le prétexte de la «Grande Mosaïque», ce qu'elle considérait comme un «geste de lâche». Mme Sabia n'avait pas la langue dans sa poche.
«Nous ne serons pas une grande nation avant d'oublier l'ethnicité et de devenir des Canadiens. Le multiculturalisme nous a divisés et peut-être que l'assimilation va devoir nous unir», poursuivait-elle. La Loi sur les langues officielles, qui imposait le bilinguisme dans les institutions fédérales, ne faisait qu'alimenter la haine, selon elle. «Pourquoi pas un Québec français? Pourquoi pas le reste du Canada ne serait pas anglais? Pourquoi ne pouvons-nous pas construire une nation sur cette base?» avançait Laura Sabia, dont la première langue, celle qu'elle a apprise à l'école à Montréal, était le français.
On ne sait pas si son fils partage l'essentiel de ces idées, ou quelques-unes d'entre elles. On sait cependant que Michael Sabia a été un généreux donateur au Parti libéral du Québec au cours des dernières années.
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