Nomination de Wilfrid-Guy Licari à la Délégation générale du Québec à Paris

Que le vrai Jean Charest se lève

Louise Beaudoin, Ancienne ministre des Relations internationales

Nomination de Wilfrid-Guy Licari à la Délégation générale du Québec à Paris

La nomination de Wilfrid-Guy Licari, actuel ambassadeur du Canada en Tunisie, au poste de délégué général du Québec à Paris est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Pendant que Benoît Pelletier, le ministre québécois des Relations intergouvernementales canadiennes, se bat, verbalement tout au moins, pour donner un espace viable au Québec sur la scène internationale -- et se fait traiter de «méchant péquiste» par le lieutenant québécois de Paul Martin --, Jean Charest est en voie de faire de la diplomatie québécoise une succursale de l'appareil fédéral.
Qui dit vrai ? Stephen Harper quand il annonce qu'il y a au Québec un des premiers ministres «les plus fédéralistes» depuis des décennies ou Charest lui-même quand il prétend publiquement se battre avec acharnement pour la place du Québec dans le monde ?
On aurait tendance à donner raison à Harper tant Charest, de toute évidence, «fédéralise» à outrance la diplomatie québécoise. Quelles étranges ambiguïtés : Harper appelle à reconnaître au Québec un rôle international pendant que Charest nomme à Paris un ambassadeur dont le mandat, comme celui de tous les ambassadeurs canadiens, a été de combattre systématiquement quelque action internationale québécoise que ce soit !
Est-ce le fait d'avoir été bêtement lâché par Paul Martin, dont la stratégie «référendaire» contre le Bloc dans les élections fédérales lui nuit, qui le mène à des entourloupettes visant à plaire, malgré tout, au grand frère libéral ?
Toujours est-il que les nominations de Charest en matière de relations internationales se suivent et se ressemblent :
- celle, à Toronto, de Jocelyn Beaudoin, ancien président du Conseil pour l'unité canadienne, qui a engendré Option Canada, dont les 4,5 millions de dollars obtenus de Patrimoine Canada ont été dépensés de façon occulte pendant la campagne référendaire;
- celle d'Alfred Pilon à la tête des trois offices internationaux de la jeunesse (l'Office franco-québécois pour la jeunesse, l'Office Québec-Wallonie-Bruxelles et l'Office Québec-Amériques), maintenant regroupés sous la même présidence, ce qui affaiblit considérablement le caractère unique des relations directes et privilégiées qui unissent la France et le Québec. Alfred Pilon est lui aussi un ancien du Conseil pour l'unité canadienne, subventionné à même les fonds publics par Jean Charest.
- et, maintenant, celle de Wilfrid-Guy Licari, ambassadeur du Canada en Tunisie.
Je connais depuis longtemps M. Licari puisque nous avons tous les deux étudié en France à la fin des années 60, et c'est un homme courtois, mais quand, à titre d'ambassadeur du Canada, a-t-il récusé, par exemple, le «petit catéchisme» de l'ancien ministre Axworthy, ouvrage anti-Québec remis à la mode du jour par l'actuel et particulièrement agressif ministre Pierre Pettigrew ? Quand a-t-il contesté la politique du «cadenas diplomatique» imposée au Québec sur la scène internationale depuis 40 ans ? Quand a-t-il appuyé la doctrine énoncée en 1965 par le ministre de l'Éducation de l'époque, Paul Gérin-Lajoie, en ce qui concerne le prolongement externe de nos compétences constitutionnelles internes, doctrine qui constitue le fondement juridico-politique de notre présence internationale ? Jean Charest peut-il nous assurer que, contrairement à l'immense majorité de ses collègues ambassadeurs, il n'a pas, dans tous les pays où il a représenté le Canada, donné du Québec moderne une image caricaturale et mensongère ?
Ayant baigné depuis 30 ans dans la paranoïa fédérale à Ottawa sans jamais s'en dissocier, il sera difficilement en mesure de mener le combat pour la place du Québec à la tête de son poste le plus névralgique, Paris. En effet, en France autant qu'ailleurs, la vie d'un diplomate québécois est un combat quotidien, comme peuvent en témoigner tous les anciens délégués généraux, dont son prédécesseur, Clément Duhaime.
À cela s'ajoute l'affront ainsi fait à tous ceux qui, avec compétence et loyauté, oeuvrent au ministère des Relations internationales, ou ailleurs dans la société québécoise, et se préparent, depuis de nombreuses années, à assumer la relève. Nous ne sommes plus, contrairement à ce que voudrait nous faire croire Jean Charest, à l'époque de la Révolution tranquille, où nous avions besoin d'importer d'Ottawa pour créer notre diplomatie un ambassadeur chevronné, Jean Chapdelaine, qui a été notre maître à tous et nous a appris notre métier, où nous avions aussi besoin, venant d'Ottawa, d'un Jean Lesage qui croyait au Québec. À sa nation et à son État.
Jean Charest lui, visiblement, n'a jamais vraiment quitté Ottawa et rêve toujours d'y retourner...


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