Le chef du Parti conservateur, Stephen Harper, affirme qu'il accordera, s'il est élu, plus de latitude au Québec dans la gouverne de ses affaires extérieures. Il promet également de résoudre le déséquilibre fiscal et de procéder à une décentralisation des pouvoirs vers les provinces.
Cette récente sortie publique, assortie de déclarations sur une éventuelle réouverture du débat constitutionnel, rappelle à bien des égards l'attitude bienveillante qu'avait eue son prédécesseur, Brian Mulroney, à l'endroit du Québec. C'était bien sûr à une autre époque, où les mots «honneur et enthousiasme» pouvaient encore être évoqués sans faire resurgir leurs contraires. Quoi qu'il en soit, cette idée de laisser le Québec s'exprimer sur la scène internationale a plu d'emblée au premier ministre du Québec, Jean Charest, lui-même un ancien membre du Parti conservateur.
Le gouvernement Charest semble vouloir faire de la présence internationale du Québec une de ses priorités depuis que la ministre de la Culture et des Communications du Québec, Line Beauchamp, a participé aux pourparlers de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles à la Conférence générale de l'UNESCO de l'automne dernier.
Rien ne laissait présager en début de mandat un intérêt marqué du gouvernement pour la dimension internationale. En fait, la nomination de Monique Gagnon-Tremblay au poste de ministre des Relations internationales du Québec (MRI) avait été interprétée par plusieurs observateurs comme un geste de désintéressement de la part du premier ministre Charest. Disons simplement que le qualificatif de pasionaria n'est pas accolé de facto au titre de ministre des Relations internationales.
Il est assez ironique de voir aujourd'hui le ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes et de la Francophonie canadienne, Benoît Pelletier, occuper le haut du pavé sur les questions internationales comme s'il n'y avait personne à la tête du MRI. Cette situation est d'autant plus ironique qu'elle nous rappelle que Claude Morin, lui-même ancien titulaire des «Affinter» (Affaires internationales), avait mis en garde son patron de l'époque, René Lévesque, contre une éventuelle scission du mandat de son ministère. Cette division, avait-il laissé entendre, risquerait de laisser très peu de substance au nouveau ministère des Relations internationales.
Si la ministre actuelle ne lui donne pas raison en théorie, son rôle effacé le confirme dans la pratique, et ce, d'autant plus que le mandat du ministère québécois du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation s'est beaucoup élargi sur le plan international ces dernières années sans consultation apparente avec le MRI.
Quant à la politique d'«affaires internationales» de la titulaire du MRI évoquée en mai dernier, qui devait notamment assurer plus de cohérence, elle est toujours en gestation...
Bref, malgré un changement dans le discours du premier ministre québécois, les gestes concrets de développement en matière internationale sont encore attendus.
Une nomination qui ajoute à la confusion
La récente nomination au poste de délégué général du Québec à Paris d'un ancien ambassadeur canadien et ami proche de Jean Charest, Wilfrid-Guy Licari, bien que d'une grande compétence, n'atténue en rien cette impression de confusion et de contradiction entre le discours et les gestes du gouvernement.
Il faut néanmoins saluer les efforts louables du ministre Benoît Pelletier, qui fait figure de caution nationaliste au sein du conseil des ministres mais dont on a pu constater les limites de l'influence. À part ses tentatives pour rejoindre un électorat composé de fédéralistes nationalistes, on peut à juste titre s'interroger sur les véritables intentions du gouvernement libéral lorsqu'il joue à fond la carte internationale.
En réalité, la proposition intéressée de Stephen Harper ne fait que donner un soutien moral aux libéraux québécois, qui ont décidé de faire de la question internationale leur faire-valoir nationaliste, tout en leur fournissant une bonne occasion de rembarrer les libéraux de Paul Martin.
Mais nous ne sommes plus à l'heure du «beau risque» : ces promesses n'ont aucune chance d'être mises en application pour la simple raison que les Canadiens anglais sont toujours aussi réfractaires au bien-fondé d'une paradiplomatie du Québec. La main tendue de Harper au Québec a plutôt été interprétée dans les médias du ROC (rest of Canada) comme un signe de faiblesse.
De toute façon, il serait bien étonnant que des électeurs québécois sacrifient leurs acquis sociaux pour se convertir à l'évangile conservateur sur la base de la vague promesse d'une présence accrue à l'étranger et d'une réouverture du dossier constitutionnel.
Que les Québécois optent ou non pour la souveraineté dans un avenir rapproché, les progrès réalisés -- ou les précédents, pour reprendre les propos du ministre fédéral des Affaires étrangères, Pierre Pettigrew -- pour reconnaître le rôle international du Québec ne pourront être que salutaires dans la nouvelle réalité de nos sociétés mondialisées. Cette seule perspective pourrait à elle seule motiver le gouvernement Charest à traduire dans la pratique toutes ses bonnes intentions. La question de la reconnaissance identitaire revêt toujours une place de taille dans les fondements du nationalisme québécois.
La carte internationale de Jean Charest, du bluff?
Robert Comeau, Titulaire de la chaire Hector-Fabre d'histoire du Québec, Université du Québec à Montréal
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