Au lendemain des élections fédérales qui se sont soldées par un gouvernement minoritaire pour Justin Trudeau, ce dernier, partisan de l’unité canadienne, promet dorénavant de prêter une oreille attentive aux intérêts des provinces dans l’exercice de son pouvoir. Avec des chefs comme François Legault, Jason Kenney et Blaine Higgs à la tête des provinces, Trudeau ne devra pas seulement écouter, mais il devra travailler de concert avec ces premiers ministres populaires.
Les élections fédérales de 2019 ont sans contredit donné un regain de nationalisme au Québec, qui avait par ailleurs déjà réaffirmé sa position par le leadership Legault. Surtout, les Canadiens auront été témoin du renforcement des positions nationalistes, voire séparatistes, des autres provinces, comme celles de l’Ouest.
Ce n’est ni dans l’ADN du Parti libéral ni dans celui de Trudeau de laisser libre cours aux passions nationalistes des provinces. D’ailleurs, en juillet dernier, lors du sommet Canada-Union Européenne, rappelons que Trudeau a lancé un avertissement à ceux parmi les premiers ministres provinciaux qui seraient tentés par un renforcement de leur autonomie : «Plus que jamais, des pays comme les nôtres, qui partagent non seulement des ambitions, mais aussi des valeurs communes, se doivent de contrer les mouvements populistes et nationalistes qui minent la démocratie à travers le monde.» Le parti libéral se veut le plus grand défenseur du fédéralisme pensé par Pierre Elliott Trudeau.
À l’heure des réflexions sur les quatre prochaines années du Canada, on se questionne sur ce qui adviendra d’un Canada avec d’une part un premier ministre fédéraliste à l’extrême, mais en position de minorité au Parlement et d’autre part des premiers ministres provinciaux populaires, qui ont le mandat de faire valoir les intérêts de leur province, à l’extérieur des provinces. Trudeau est dans une mauvaise posture.
Deux hypothèses : un Canada éclaté ou un fédéralisme renforcé. Un bon stratège politique tenant au principe du fédéralisme y verrait l’opportunité de renforcer l’unité nationale en décentralisant le pouvoir fédéral. Après tout, c’est le principe même du fédéralisme, que de partager les pouvoirs entre États fédérés et État fédéral, en opposition à l’État unitaire. D’autres pays, comme la Belgique, pratiquent un fédéralisme qui met quasiment au même niveau le pouvoir fédéral et les entités fédérées. Si le premier ministre ne répond pas aux demandes provinciales et qu’il se borne à prendre des décisions qui conviennent en fait à aucune d’entre elles, le système politique fédéral sur lequel est basé le Canada s’en verra affaibli. Du même coup, les positions nationalistes des premiers ministres provinciaux seront renforcées. Parions que, suivant cette hypothèse, le gouvernement fédéral actuel ne durerait pas plus de 18 mois.