Lucien Bouchard court décidément après le trouble! Sa prise de position en faveur de M. Wilfrid Licari comme délégué général du Québec à Paris frise l'inconscience ou la provocation. Les uns se souviendront de ses ex-liens avec M. Mulroney, les autres rappelleront le sort qu'il a réservé aux bureaux et délégations du Québec à l'étranger à peine assis dans le fauteuil de premier ministre. C'est mon cas et je me reproche, presque à chaque jour, de ne pas avoir piqué une sainte colère publique à l'époque.
Sous prétexte de combattre le déficit, Lucien Bouchard, l'ex-ambassadeur qui avait des comptes diplomatiques à régler, avait engagé le Québec dans des dépenses folles. En effet, ces fermetures, tout en privant le Québec d'outils précieux qui avaient fait leurs preuves, coûtaient les yeux de la tête. Voilà une question que je connais. De 1970 à 1974, j'ai été directeur général des relations internationales. Sous un régime libéral, avec la complicité de Gilles Chatel du ministère de l'Industrie et du Commerce, nous avons ouvert une bonne douzaine de bureaux et délégations à travers le monde. Parallèlement, nous avons fait un peu de ménage dans de vieilles délégations, surtout celles de New York et Londres, où du personnel avait été oublié depuis quelque 20 ans. Un réseau de représentations à l'étranger avait pris forme. Après l'ère Bouchard, il a fallu le reconstruire. Quand l'ancien premier ministre aura-t-il l'élégance de faire amende honorable?
Depuis 40 ans, les relations internationales du Québec ont connu des hauts et des bas. Les problèmes ne sont pas toujours venus d'Ottawa. Paradoxalement, les libéraux, ceux du Québec bien entendu, ont été les plus constants, de Jean Lesage à Robert Bourassa. MM. Jean Charest et Benoît Pelletier s'inscrivent dans cette continuité, même si certaines nominations étonnent. Mais ça, c'est un vieux problème. Les postes à l'étranger sont convoités et trop rarement attribués à des fonctionnaires de carrière. Constamment en poste à l'étranger depuis 1971, M. Licari vient du sérail diplomatique fédéral. Ou bien on le considérera comme un transfuge, ou bien il restera en service commandé. Souhaitons que, cette fois, ce ne soit ni l'un ni l'autre. Il faudra bien lui donner sa chance et le laisser ferrailler avec le ministre Pettigrew ou son successeur.
Nombreux sont ceux qui, à l'occasion de cette nomination, rappelleront la contribution de M. Jean Chapdelaine, ancien ambassadeur du Canada passé au service de la diplomatie québécoise. C'était autrefois. Il nous fallait un maître; il joua merveilleusement ce rôle. Aujourd'hui, les relations internationales du Québec sont entre les mains de «pros», comme dit M. Charest. Il faudrait bien leur faire confiance.
Bouchard en eaux troubles
Denis Vaugeois : Ex-directeur général des relations internationales (1970-1974), historien et éditeur. Sillery, le 27 décembre 2005
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