L'affaire du Québécois

Puissance du langage militarisé

L'affaire Bourgeois-Le Québécois

Jean Charest est toujours à l’affût de la roche où mettre le pied pour ne pas être emporté dans le courant qui file vers un rapide et ses remous. Il y a une dizaine de jours, il entendait déjà le bruit des eaux troubles brassées par le dépôt des résultats financiers de la Caisse de dépôts et placements du Québec. Providentiellement, la roche se présenta… et l’affaire Bourgeois commença. Allons, madame Marois, dit l’homme au visage assombri, veuillez mettre au clair les liens que votre parti entretient avec le Réseau de résistance du Québécois, et dites-nous si vous êtes d’accord avec les propos bourrés de violence tenus par le chef Patrick Bourgeois. Et on connaît la suite. Défense de payer de la publicité dans le périodique Le Québécois, résolution du Conseil national du PQ de ne collaborer qu’avec les mouvements souverainistes ou indépendantistes pacifiques… etc. etc.
Comme dans l’affaire Michaud, évoquée dans les circonstances et dont Un Peuple et sa Langue a traité à la satisfaction du principal intéressé, il est ici question de langage. Là, c’était le pronom personnel à la première personne du pluriel, le “nous”, qui était en cause. Que de vilénies et d’âneries lâchées dans le public à propos de ce “nous“ depuis 1995 en passant par l’affaire Michaud jusqu’aux intempérances de Nicolas Sarkozy! Ici, c’est un langage empreint de violence de Patrick Bourgeois et d’autres. Par ailleurs, personne n’a fait feu, personne n’a frappé, personne de blessé, pas de gueule cassée, pas d’œil au beurre noir! Mais il y a eu des mots, des mots menaçants.
***
Que non! Ce genre de langage n’a pas été inventé par le RRQ. La politique tient si souvent un discours militariste! L’épisode des Commandites peut en témoigner. On était “en guerre”, expliquèrent quelques témoins importants à la Commission Gomery. C’était la guerre, reconnaissait encore récemment Jean Pelletier dans des entrevues d’outre-tombe; et quand on est en guerre, poursuivait-il, il faut porter des coups, il ne faut pas s’enfarger dans le verbatim et les virgules de la loi. Les campagnes électorales en général empruntent assez spontanément le vocabulaire des campagnes militaires. On parle de l’état-major du parti, des quartiers généraux, du chef qui fouette ses troupes. Les membres d’un syndicat et d’un parti politique sont des militants. Des militants qui militent, qui se battent aux cris de ralliement dans une bataille à finir contre un patronat despote ou un gouvernement sanguinaire. Etc.
Un langage ainsi militarisé sollicite des humeurs belliqueuses et finit par les susciter. Des humeurs qui se traduisent en retour en des tournures de langage difficilement acceptables dans une société qui se veut démocratique et pacifique. S’agit-il d’évacuer complètement ce vocabulaire? Le remplacer complètement par un autre, qui a déjà cours d’ailleurs, genre “leur botter le…grouillez-vous le…” etc.? Peut-être moins dangereusement violent celui-ci, mais déjà gros d’une enflure scatologique affligeante capable de déshonorer les plus nobles causes. Le secret est de jouer finement avec les sens figuré et littéral des mots. Amener la signification à changer de niveau est une subtilité caractéristique du langage humain et un signe non équivoque de civilisation. Ainsi l’arme, la flèche, la salve, par exemple, peuvent-elles évoquer autre chose que des instruments et des gestes mortifères. Et chose éminemment importante : veiller à ce que son langage puisse être compris au niveau de signification envisagé et voulu. Ne pas donner prise à des interprétations bêtement littérales ou aux morsures de la malveillance. Une société normalement éduquée et civilisée est censée capable de voyager entre les niveaux de signification de son propre langage et ne pas se confiner toujours dans la simple littéralité des propos. Normalement.
Revenant à la brulante actualité, j’ai la ferme conviction que le langage aux accents de violence n’est pas la cause, mais le prétexte de l’abandon de la fameuse Reconstitution de la Bataille des Plaines. Avec beaucoup d’autres, je déplore les propos soufflant la violence de Patrick Bourgeois tels que rapportés par les médias. Je dis bien tels que rapportés. Mais pour moi, cet homme n’est pas fondamentalement violent, n’est pas un tueur, mais quelqu’un dont l’humeur est sans doute fort malmenée par le piétinement d’une juste cause et par l’influence du discours général militarisé.
Que faire? D’abord reconnaître à travers les événements récents la puissance inouïe du langage. Et que dire et comment dire maintenant? Dire les mots qui révèlent au mieux l’articulation de notre situation politique concrète et complexe et nationalement aliénante. La rendre ainsi présente, transparente aux yeux de tous nos concitoyens. Cela requiert plus d’une voix. Cela arrivera à travers de multiples discours, de plusieurs tonalités dans le discours. Mais des discours et des tons qui aboutissent à un concert harmonieux. La concertation, justement, est de rigueur pour cela. La concertation honnête qui se donne toutes les chances d’aboutir à une entente. Une entente sur le but à poursuivre, la stratégie à établir et les moyens à prendre. Moyens multiples et divers, mais concordants. Une marche vers le pays, pacifique et significative pour la nation en sa totalité, exige une telle convergence.
Et encore? Demander instamment aux instances du Parti québécois, à Patrick Bourgeois et son mouvement de ne pas rompre le dialogue. Je dirais même qu’ils n’ont pas le droit de nous laisser avec les dégâts d’une rupture. Dégâts dans la cour du mouvement souverainiste dans son ensemble. Des centaines de milliers d’hommes et de femmes souffriront de cette rupture comme d’un handicap. Ils en souffrent déjà. Et dégâts de même au sein du peuple qui ne manque pas de se demander encore une fois : comment faire confiance à cette « gagne » d’hurluberlus qui se tirent dessus allègrement, à ces bandes d’éclatés qui tirent à droite et à gauche sans jamais pouvoir convenir de ce qu’ils veulent? Peut-on raisonnablement les suivre dans la marche pour le pays? Quelle sorte de pays pensent-ils pouvoir ainsi échafauder et gouverner? Non, merci, s’apprête-t-on à dire encore une fois.
Notre présent est au rassemblement. Qu’on y pense donc! Enfin! Et sérieusement. Qu’advienne la marche serrée vers le pays!
Fernand Couturier


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2 commentaires

  • Fernand Lachaine Répondre

    25 février 2009

    Monsieur Couturier,
    Je trouve, et depuis longtemps, que la réplique aux attaques de Charest de la part du PQ est d'une faiblesse navrante.
    À la question de Charest à Pauline Marois concernant les déclarations de Patrick Bourgeois, pourquoi madame Marois ne demandait pas au premier ministre du Québec si lui et son parti endossaient la déclaration de Jean Pelletier au journal Le Soleil à l'effet que c'était la guerre avec les sépararisses et donc tout était permis incluant outrepasser les lois du Québec. Madame Marois aaurait pu aussi demander à Charest s'il se dissociait de ce genre d'actions violentes prises par les fédéralistes contre le peuple du Québec. Le PQ a le devoir de répliquer à ces attaques autrement il devient des alliés des fédéralistes.
    Les déclarations de monsieur Bourgeois sont moins violantes que les déclarations du ROC concernant les Plaines 1759.

  • Archives de Vigile Répondre

    24 février 2009

    Bravo ! J'adhère.
    Il nous faut prôner le rassemblement. Il nous faut nous rassembler autour d'une lutte démocratique qui exclut toute violence et toute menace de violence, une lutte qui dénonce et combat la tentation de la séduction de la violence et de la menace.
    Pourquoi donc en sommes-nous à demander à M. Bourgeois et Mme Marois « de ne pas rompre le dialogue. Je dirais même qu’ils n’ont pas le droit de nous laisser avec les dégâts d’une rupture. Dégâts dans la cour du mouvement souverainiste dans son ensemble. Des centaines de milliers d’hommes et de femmes souffriront de cette rupture comme d’un handicap. » ?
    Pourquoi M. Bourgeois qui se rétracte dans un article du Journal de Québec affirme à madame Marois qu'il n'a pas l'intention de se rétracter, ce qui provoque la rupture... ?
    Parce qu'il croit de manière erronée que sa fortune d'estime est liée à sa distanciation du PQ. Parce qui a fait le constat juste que sa fortune médiatique est liée à sa propension à mettre dans l'embarras le mouvement souverainiste. Pour parvenir à demeurer sous les feux de la rampe, il importe qu'il soit toujours en mesure d'embarrasser le mouvement souverainiste. Sans cette condition, il disparait des médias et retourne aussi vite qu'il en est sorti à la marginalité qui le fait hors d'onde des médias de masse. Il compte élargir sa base, son audience, son influence par le biais de sa présence dans l'espace public ou seul ce qui peut embarrasser les souverainistes sont admis. Les autres, les activistes souverainiste qui ne sont pas susceptible de tel enfoncement du souverainisme doivent compter sur leur propres réseaux alternatifs. Après avoir goûté au succès, difficile de retourner peiner à la mine.
    Paradoxalement, pour élargir sa base et augmenter son influence, cela doit se faire par la séduction avec la violence, un travers répudier par la mouvance souverainiste. Aussi, il sera question de minimiser cette attirance, voire la contredire, mais en affirmant en même temps refuser de se rétracter. Le stratagème est tordu, mais fonctionne. Il est sacré héros de la cause et le PQ en prend pour son rhume, et la division de nos forces ravit les canadianisateurs.
    D'où ces vains appels à l'unité.
    Vains, parce que grisé par l'accès à autre chose que la marge, M. Bourgeois veut risquer le tout pour le tout afin de conserver son ticket pour la gloire. Il s'attribue seul le mérite du recul de la CCBN, et se trouve à lui donner raison quand elle prétexte faussement qu'elle y a été forcé par les menaces de violence. Faussement, parce que c'est bien plutôt le tollé général tous azimuts et tout ce qu'il y a de pacifique qui l'a plutôt forcé à retraiter. Ça et le prétexte des menaces de violence. Car, en les brandissant peut importe la tenue de la provocatrice programmation, ils avaient atteint leurs objectifs. Le guet-apens tendu, avait fonctionné. L'idée étant d'être suffisamment provocateur en présentant une affiche de falsificatrice concorde jovialiste afin de provoquer l'indignation capable de générer l'excitation des exciter, de manière a motiver leurs dérapages violent. Le but étant de provoquer de la violence afin d'en faire l'amalgame à la cause du peuple souverain du Québec. Le but étant de provoquer le discrédit sur l'une des composantes des forces souverainistes afin de faire en sorte que leur cohésion ne soit pas faite, celle qui serait redoutablement efficace contre leurs visées canadianisatrices qui impose d'autorité un État jamais nommément soumis à l'approbation des voix du peuple souverain du Québec.
    L'idée étant pour ne pas tomber dans tel traquenard, d'être véhément, mais pacifiste, de manière à emporter l'adhésion de tout un peuple, ce contre quoi aucune bravade n'a de prise. Ce fut un succès de ce côté, jusqu'à ce que M. Bourgeois ne puisse résiter à l'envie d'en rajouter. Dommage...
    Maintenant il poursuit dans la veine de la division... Dommage...
    Mais rien n'est perdu... espérons qu'il entendra le présent appel.