L'affaire Poilievre

Des conservateurs et des libéraux enragés

Wolfe et Montcalm allaient devenir de bons amis, et les Québécois allaient remercier les Britanniques et leurs héritiers fédéraux de leur avoir apporté la civilisation

Chronique de Bernard Desgagné

J’ai rédigé cette chronique premièrement en anglais et je l’ai envoyée à quelques grands journaux du Canada anglais, à titre de chroniqueur du Québécois. Puis, j’en ai fait la traduction française que voici.
Les accusations gratuites de M. Poilievre
[->18233]Le député fédéral Pierre Poilievre a déclaré que les victimes des pensionnats autochtones avaient besoin d’une meilleure éthique du travail, et non d’une compensation financière. Il a fait cette déclaration en juin 2008, le jour même où le Parlement du Canada présentait ses excuses pour le traitement raciste et inhumain qu’il a infligé aux enfants autochtones.
Aujourd’hui, le même député et ses collègues du parti conservateur ont entrepris une nouvelle croisade contre les séparatistes qui écrivent dans le journal Le Québécois. Ils essaient du même coup de flétrir le Bloc Québécois. Voici ce que M. Poilievre a déclaré le 26 février 2009 à la Chambre des communes: «Le journal radical a accusé les immigrants québécois de rendre minoritaires les francophones de la province et de nuire au mouvement souverainiste. Ce journal a proféré des remarques racistes envers le président Barack Obama, lorsque son chroniqueur Pierre Falardeau a proposé de comparer le président à Lassie, un chien.» Rien ne saurait être plus faux.
Les conservateurs et les libéraux sont enragés parce que le mouvement indépendantiste québécois vient d’un remporter une victoire importante contre eux en obtenant l’annulation de l’odieuse reconstitution de la bataille des plaines d’Abraham, une autre manoeuvre révisionniste conçue dans le cadre de la guerre de la mémoire. Wolfe et Montcalm allaient devenir de bons amis, et les Québécois allaient remercier les Britanniques et leurs héritiers fédéraux de leur avoir apporté la civilisation.
Le Québécois n’a jamais accusé les immigrants de quoi que ce soit. En fait, les artisans bénévoles de ce journal ont toujours entretenu des relations fraternelles avec les immigrants ainsi qu’avec les autres nations. On peut en dire autant du Bloc Québécois. La relation est toutefois plus tendue avec la nation canadienne-anglaise et avec sa colonie au Québec, qui insiste pour entretenir une sorte d’apartheid, coupée du reste de la société québécoise, dans des ghettos où le français est toujours une langue étrangère. Cette relation porte le sceau d’une domination constante depuis 1763. Une grande partie du Canada anglais refuse d’admettre l’existence de la domination et considère [les Québécois comme des incapables qui vivent aux crochets des autres provinces->18180].
Le mouvement indépendantiste québécois dit depuis toujours que ce n’est qu’en quittant la fédération que le Québec pourra mettre fin à cette querelle insensée. La relation entre le Canada et le Québec pourrait alors ressembler à la relation du Canada avec les États-Unis, où personne ne se mêle de choisir la couleur des rideaux dans la maison de son voisin.
L’une des tactiques les plus agressives que le gouvernement impérialiste d’Ottawa et ses valets de Québec aient employées contre le mouvement indépendantiste québécois consiste à se servir de l’immigration contre lui. Voilà ce dont Patrick Bourgeois a parlé dans le dernier numéro du journal Le Québécois. La majorité des immigrants votent non sur la question de la souveraineté du Québec. Quand le gouvernement fédéral fait prêter serment aux immigrants pour qu’ils deviennent citoyens canadiens, ils ont tendance à ne pas vouloir entrer en conflit avec leur nouveau pays. C’est parfaitement normal. Ottawa le sait et, dans les mois qui ont précédé le dernier référendum, il a considérablement accéléré la naturalisation des immigrants.
Ottawa s’attend à ce que les immigrants prennent le parti du fédéralisme, et les impérialistes fédéraux s’assurent que les immigrants le comprennent bien. Ainsi, lorsqu’Osvaldo Nunez, un immigrant du Chili, a battu le libéral Denis Coderre, en 1993, pour devenir député du Bloc Québécois, Coderre a déclaré ceci: «Je ne permettrai jamais que quelqu’un à qui mon pays a accordé l’asile politique vienne cracher sur mon drapeau. J’aimerais remettre en vigueur la loi sur la déportation pour le renvoyer dans son pays.»
Au Canada anglais, lorsque des immigrants parlant une langue étrangère adoptent l’une des deux langues officielles, 99,5 % d’entre eux choisissent l’anglais (selon le recensement de 2006). Mais, que diraient les gens de Toronto et de Calgary si, parmi les immigrants, la majorité des substitutions linguistiques étaient plutôt favorables au français? Au lieu de parler la langue de leurs nouveaux concitoyens, les immigrants choisiraient de les ignorer. Les Canadiens anglais seraient nombreux à en être choqués. Pourtant, ni Patrick Bourgeois, ni Jacques Parizeau n’a jamais imputé cette situation difficile aux immigrants. Ils mettent la faute sur le véritable coupable: le gouvernement impérialiste d’Ottawa. Ils mettent la faute également sur Jean Charest, qui a décidé de hausser les seuils d’immigration au Québec sans prévoir des ressources suffisantes pour que les immigrants apprennent le français.
Quant à Pierre Falardeau, il est difficile d’être moins raciste que lui. Récemment, il écrivait encore une magnifique chronique intitulée «La boxe comme un poème» dans le journal Ici (vol. 12, no 16, 5 février 2009, p. 50). La chronique porte sur Jean Pascal, un boxeur professionnel montréalais, qui est né à Haïti et a grandi au Québec. Les accusations de M. Poilievre au sujet de la chronique de Falardeau publiée en décembre dans Le Québécois montrent non seulement que Yann Martel devrait continuer d’envoyer des livres à Stephen Harper, mais aussi que certains conservateurs ont de sérieuses lacunes en lecture. M. Poilievre ne sait manifestement pas lire. Falardeau a écrit qu’il n’est pas plus flatteur pour Obama d’être comparé à John F. Kennedy que d’être comparé à Jerry Lewis ou à Lassie. Falardeau écrit ensuite pourquoi il est loin d’éprouver une admiration sans bornes pour John F. Kennedy.
M. Poilievre fait preuve ou bien de malhonnêteté, ou bien d’ignorance, lorsqu’il accuse Pierre Falardeau, Patrick Bourgeois et les autres artisans du journal Le Québécois d’être des racistes et des extrémistes. L’Empire britannique et le gouvernement fédéral ont commis une longue liste d’actes de répression et de violence au Canada depuis 1755 et même depuis plus longtemps encore. Les Québécois n’ont certainement aucune leçon de morale à recevoir de M. Poilievre, de ses amis conservateurs d’extrême-droite et de leurs nouveaux alliés libéraux.


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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    3 mars 2009

    Bravo encore une fois pour votre texte d'aujourd'hui et aussi de l'avoir fait parvenir aux quotidiens de l'autre langue.
    Peut-être, encore une fois, Liza et Marie, du Club des cons auraient intérêt à vous lire à nouveau... à force de taper sur le clou, on ne sait jamais, le miracle se produira-t-il.
    En attendant, il n'est pas inutile de les alimenter de propos cohérents, respectueux de l'histoire.. tellement différents de leur propre bullshit....
    Je fais donc suivre aujourd'hui même votre article...à mes deux fédéralistes propagandistes en service commandé à Radio-Canada....Bravo et merci !