Pour ceux qui veulent approfondir la question des minarets

Accommodements ou Intégrisme - ailleurs dans le monde

Pour qui voudrait appronfondir leurs réflexions sur la question des minarets et du vote suisse du 31 décembre, je propse la lecture cet article passionnant recueillit sur le site: à
http://www.rtbf.be/info/societe/religion/olivier-roy-le-vote-des-suisses-est-discriminatoire-165651
01.12.09

Olivier Roy, spécialiste de l'Islam et professeur à l'Institut européen de Florence, est l'invité de Matin Première. Au lendemain du choix des Suisses d'interdire la construction des minarets, la place de l'Islam dans nos sociétés semble remise en cause. Etat des lieux.
"On a beaucoup de mal à gérer le retour du religieux, et pas seulement la visibilité nouvelle de l'Islam", explique Olivier Roy. De plus, nos constitutions et les principes de laïcité et de séparation de l'Eglise et de l'Etat font que nos gouvernants ont beaucoup de difficultés à légiférer sur la question. Il y a donc une inquiétude face à ce retour du religieux qui fait que ce sont soit les tribunaux soit des initiatives populaires comme les votations suisses qui s'occupent de la question du religieux, poursuit notre spécialiste. "Le problème avec les votations c'est qu'elle se font sans prendre en considération les droits fondamentaux sur lesquels se construisent nos démocraties", dit Olivier Roy.
Pour le chercheur, le vote intervenu en Suisse introduit clairement une discrimination : "Oui, puisqu'on interdit à une religion certains signes qu'on autorise à d'autres". Il pense d'ailleurs que les effets de ce vote seront cassés sur cette base.
"Il y a un petit détail que personne ne remarque", poursuit l'invité de Bertrand Henne, "on dit 'les Suisses', pris un peu comme les représentants de toute l'Europe chrétienne face à l'Islam, or il y a quatre cantons qui ont voté non, dont les trois francophones protestants, tandis que les cantons francophones catholiques ont voté pour la loi. C'est intéressant car on trouve là une certaine conception du protestantisme qui s'oppose à une mesure discriminatoire".
De l'anti-immigration à l'anti-Islam
Y a -t-il un risque de voir le débat suisse s'exporter ailleurs en Europe ? Olivier Roy fait la distinction entre les contraintes légales -"en France, le Conseil constitutionnel s'y opposerait", dit-il- et le populisme affiché par certains représentants de partis politiques. Le "coup de génie" des promoteurs de la votation en Suisse, c'est d'avoir compris que la "visibilité" de l'Islam était le meilleur moyen d'avancer leurs thèses. Il analyse les différentes composantes de la majorité qui s'est déterminée en faveur de la loi : parmi ces composantes, dit-il, il y a "une vieille droite catholique anti-immigrés comme il en existe partout en Europe, traditionnellement anti-immigrée mais devenue anti-musulmane (...). Et ça c'est intéressant car ça veut dire que le statut de l'immigré à changé. On avait des immigrés et maintenant on a des musulmans. Ce qui veut dire que maintenant les musulmans sont là : ils ne sont plus des immigrés, ils sont européens. Donc cette attaque sur la religion est paradoxalement le constat que cette religion s'est implantée. On ne veut pas la voir, mais elle est là."
Cela dit, Olivier Roy estime que les grands débats autour de la place du religieux et des signes religieux dans la société doivent être traités en fonction de la sensibilité de chaque pays. "En France, on a une séparation de l'Eglise et de l'Etat beaucoup plus forte qu'ailleurs. Donc la loi française sur le voile est une loi qui porte sur tous les signes religieux. On a d'ailleurs expulsé de l'école dix pauvres sikhs qui ne gênaient personne, mais un beau matin leur turban a été défini comme un signe ostentatoire. En France, cela s'inscrit dans une tradition d'anticléricalisme".
Ces mouvements contre la visibilité de l'Islam ont deux composantes, dit Olivier Roy : les "chrétiens identitaires", qui plaident en faveur d'une Europe aux racines chrétiennes et qui pensent que l'Islam n'a rien à faire en Europe ; mais aussi les "anti-religieux", qui pensent que la religion n'a rien à faire dans la Cité et que l'Islam vient remettre en cause la "domestication" du religieux qui s'était opérée au cours du siècle passé. Olivier Roy n'assimile toutefois pas les laïcs à cette seconde catégorie car, dit-il, "il y a des laïcs qui ne sont pas anti-religieux".
Un vote émotionnel, peu en phase avec les réalités
"Bien sûr, les mosquées peuvent vivre sans minaret, mais les interdire par principe, c'est rejeter l'Islam de l'espace public et donc tout simplement fermer la porte à l'intégration de l'Islam comme une religion comme une autre dans l'Europe, à un Islam européen". Cela ouvre par contre la porte, selon Olivier Roy, à un "Islam oppositionnel", de ceux qui vont dire "vous voyez, ils ne veulent pas de nous!"
Fortement interpellé par la votation suisse, Olivier Roy ne trouve pas beaucoup d'excuses à la position des électeurs suisses: "Cette votation s'est faite sur un côté émotionnel, populiste et fantasmatique. Quatre minarets, qu'est-ce que c'est en Suisse? Or nous sommes quand même dans les structures d'un Etat de droit, où il y a des principes qui s'imposent et qui ne peuvent pas être balayés chaque fois qu'il y a une émotion populaire! Et je crois qu'il faut maintenir cette primauté de l'Etat de droit quelle que soit la qualité de la classe politique".
La "réciprocité", un faux débat
Olivier Roy évacue très sereinement le débat sur la "réciprocité", c'est-à-dire la conception selon laquelle les musulmans en Europe ne devraient bénéficier du droit d'exprimer leurs choix religieux qu'à l'aune du sort réservé à d'autres traditions religieuses, en particulier les traditions chrétiennes, dans les pays d'obédience musulmane: "D'abord, les musulmans qui sont installés en Europe ne sont pas comptables, ne sont pas responsables de la politique de certains Etats musulmans. Les immigrés de le deuxième ou troisième génération ne sont pas des Saoudiens; et c'est en Arabie Saoudite qu'on interdit la construction des églises. Les chrétiens d'Orient peuvent avoir une existence légale -je pense au Liban par exemple- et lorsqu'ils ont des problèmes comme en Irak aujourd'hui, c'est davantage lié au climat de guerre civile qu'à des questions purement religieuses". Rebondissant justement sur les églises chrétiennes d'Orient, il souligne que "ce sont des communautés traditionnelles qui sont en crise chez les chrétiens d'Orient, c'est-à-dire des communautés où la question de la foi n'est pas prioritaire mais où l'on apparteint à une communauté comme les marronites au Liban, les grecs orthodoxes,... Ce christianisme-là est en crise partout parce que c'est un christianisme traditionnel. par contre ce qu'on oublie de dire c'est qu'il y a des conversions au christianisme aujourd'hui dans des pays musulmans, du côté des chrétiens évangéliques; et on est en train de voir l'émergence -qui sera difficile et complexe- d'une église chrétienne marocaine, ou algérienne. Alors interdire les minarets en Europe, c'est donner d'excellent arguments au gouvernements de ces pays-là pour casser ce nouveau christianisme en pays musulman, qui lui est un christianisme de foi et non un christianisme traditionnel".
Retour aux formes sacralisées
Le chercheur fait également le constat que l'époque est au retour d'une forme très sacralisée de la religion, finalement assez fondamentaliste. "C'est un problème largement générationnel", estime-t-il, mais "oui, de l'église catholique aux loubavitch en passant par les salafistes , ce sont les formes fondamentalistes qui marchent ; ce sont celles qui attirent les gens ; et c'est peut-être de cette question qu'il faut se préoccuper". Les phénomènes de conversion sont, à cet égard, un bon indicateur, pense Olivier Roy. Pour lui également, "la déculturation du religieux aujourd'hui fait que les religions qui 'marchent' sont celles qui ne sont pas des religions sociales, qui ne sont pas des religions traditionnelles, qui ne sont pas des religions bien implantées... Les gens cherchent du 'pur religieux' et donc ils vont vers des tendances plus fondamentalistes. Les religions qui convertissent, c'est l'évangélisme protestant, le salafisme, etc. Et toutes ces religions sont en rupture avec les traditions culturelles et religieuses de l'Europe occidentale". Selon notre invité, les gens se sentent seuls, mais ces religions leurs proposent un "produit" complètement individualisé, qui s'adresse à une personne. "On lui propose le salut non seulement dans l'au-delà mais également le salut sur Terre: être heureux, être bien dans sa peau, de se réaliser soi-même. Il ya un discours très moderne dans ces religions-là. C'est pour ça qu'elles marchent en particulier chez des jeunes un peu déstructurés."
Olivier Roy résume finalement les principes qui, selon lui, peuvent guider l'action de l'Etat au regard du phénomène religieux : "d'abord la non-discrimination (...) et c'est pourquoi la votation suisse n'est pas dans l'esprit du libéralisme politique européen" affirme-t-il. On ne peut donc pas faire des lois "contre l'Islam", il faut des lois sur le religieux en général, mais comment définir le "bon religieux"? L'Etat laïc ne peut pas se permettre cette définition. Une impasse ?


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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    7 décembre 2009

    Ce qui me frappe dans le discours de la plupart, c'est l'incompréhension flagrante de ce qui se passe. Comme s'il n'y avait rien d'autre à lire dans cette situation du minaret que le manque d'excuses, surtout contrastant avec le sentiment généralisé. Et pas qu'en Europe.
    Dans la foulée du vote suisse, lui qui les connaît bien pour en être, il faut écouter Meddeb affirmer que, selon lui, 90% des musulmans sont bêtes. C'est pas peu dire!
    http://www.youtube.com/watch?v=UW5l7ySiBDM
    Le non-minaret, comme une antenne, pour envoyer un message au monde! Et que ceux qui ne discriminent pas, respectent les droits de l'homme, de la femme, de l'enfant, le droit international, l'esprit profond de la laïcité lancent la première pierre!
    Imaginez quelques-uns tenant le beau discours politiquement correct et votant NON à la construction du minaret dans le secret de l'isoloir. Cela s'appelle l'effet Bradley.

  • Rodrigue Larose Répondre

    5 décembre 2009

    Approfondir les minarets... En restant (encore une fois) sur le plancher des vaches, ce n'est pas la profondeur des minarets qui inquiète les Suisses et beaucoup de pays occidentaux. C'est leur hauteur et surtout leur signification dans le paysage et au ras des pâquerettes. Le peuple hôte ne se laisse pas leurrer. Très peu de gens habitués aux valeurs laïcs dans la res republica désirent le retour du religieux tel que vécu par les pays dits islamiques. La domination du religieux, n'est-ce pas ce que recherche le Coran?
    Je suis sûrement guidé par les fantasmes et la xénophobie. Tout mon entourage peut en témoigner.
    Rodrigue Larose

  • Archives de Vigile Répondre

    4 décembre 2009

    Islam complotiste !
    « Il est vraisemblable que Mahomet fut d'abord fanatique, ainsi que Cromwell le fut dans le commencement de la guerre civile. »
    VOLTAIRE : Essai sur les moeurs et l'esprit des nations et sur les principaux faits de l'histoire depuis Charlemagne jusqu'à Louis XIII (1755)