Burqa
Photo : Agence Reuters Yannis Behrakis
Paris — Après des mois d'hésitation et de polémique, le gouvernement français a finalement opté pour une interdiction générale du voile intégral non seulement dans les services de l'État, mais dans l'ensemble de l'espace public. Comme en Belgique, le Conseil des ministres soumettra aux parlementaires un projet de loi interdisant le port de la burqa et du niqab dans les rues, les places et tous les autres lieux publics. C'est ce qu'a indiqué hier le porte-parole du gouvernement Luc Chatel. Le projet de loi pourrait être voté par l'Assemblée nationale dès la fin juin.
Cette décision intervient après de longs mois de discussions. Jusqu'à récemment, le président semblait hésiter entre une interdiction partielle et une interdiction générale, défendue depuis des mois par un groupe de députés mené par le chef de file de la majorité (UMP), Jean-François Copé. Le mois dernier, un avis du Conseil d'État avait mis en garde le gouvernement contre une telle loi. Celle-ci risquait d'être contestée devant les tribunaux, avaient déclaré les sages.
Hier, le président français a fait son lit. «L'interdiction du port du voile intégral doit être générale, dans tout l'espace public, parce que la dignité de la femme ne se divise pas», a-t-il déclaré lors du Conseil des ministres, selon les propos rapportés par le porte-parole Luc Chatel. «Nous légiférons pour l'avenir, le port du voile intégral est le signe d'un repli communautaire et d'un rejet de nos valeurs», a-t-il ajouté. Le gouvernement souhaite «ne pas laisser dériver» un phénomène qui ne toucherait pour l'instant que 2000 femmes.
«On est prêt à prendre des risques juridiques parce que nous pensons que l'enjeu en vaut la chandelle», a ajouté le premier ministre François Fillon, qui avait sollicité l'avis du Conseil d'État. Même si l'initiative de la loi échappe dorénavant aux députés, Jean-François Copé a crié victoire. «Un an de combat et on y est arrivé, a-t-il déclaré. Ce qui était important, c'était l'interdiction générale.» Même son de cloche du côté de l'organisation féministe Ni putes ni soumises. «Ce n'est pas un sujet franco-français, les femmes du monde entier nous regardent et attendaient cette décision courageuse», a déclaré à l'AFP Sihem Habchi. La présidente a évoqué la lutte contre un «fascisme vert» et cité l'exemple de la journaliste Loubna Ahmed al-Hussein, récemment condamnée au Soudan pour avoir porté un pantalon jugé indécent.
«Je ne sais pas comment on va faire avec les Saoudiennes qui viennent acheter sur les Champs-Élysées», a ironisé au micro de RMC le médiateur de la République, Jean-Paul Delevoye. «J'aime la loi, j'aime pas l'interdiction générale», a ajouté celui qui joue en France le rôle du protecteur du citoyen. Comme la droite, la gauche est aussi partagée entre une interdiction totale ou partielle. Alors que la première secrétaire, Martine Aubry, s'est montrée jusqu'ici plutôt mitigée, des députés socialistes, comme Manuel Valls, soutiennent l'interdiction générale. «Il n'y a aucune raison pour les musulmans de se sentir stigmatisés par cette interdiction d'un voile qui les caricature», a déclaré sur France 24 Yvan Rioufol. Selon l'éditorialiste du Figaro, ce choix vise aussi à combattre le Front national, dont l'influence est en hausse depuis les récentes élections régionales.
En Belgique, tous les partis politiques sans exception ont voté en commission parlementaire pour une loi d'interdiction générale. Si l'ordre du jour parlementaire n'est pas chamboulé par la crise linguistique, celle-ci devrait être adoptée aujourd'hui à Bruxelles. La Belgique serait ainsi le premier pays, avant la France, à interdire complètement le voile intégral dans l'espace public.
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Collaborateur du Devoir à Paris
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