Par François Krug - En Irlande, critiquer une religion pourra désormais être puni d'une amende de 25 000 euros. Citations à l'appui, les athées mettent la justice au défi de sanctionner les plus grands blasphémateurs de l'histoire, Jésus en tête.
La loi sur la diffamation est entrée en vigueur ce 1er janvier. Au départ, elle devait simplement réactualiser le droit de la presse irlandais. Elle va en fait beaucoup plus loin.
Son article 36 crée un délit de blasphème, puni d'une amende maximum de 25 000 euros. Une mesure dénoncée par les militants laïcs, alors que l'auteur de l'une des caricatures de Mahomet vient d'échapper à un assassinat.
La loi s'applique à toutes les religions, pas seulement au catholicisme dominant en Irlande. Elle définit ainsi le blasphème :
« Des propos grossièrement abusifs ou insultants sur des éléments considérés comme sacrés par une religion, et choquant ainsi un nombre substantiel de fidèles de cette religion. »
La définition laisse une certaine liberté d'interprétation aux juges. L'association Atheist Ireland a donc décidé de tester leur sévérité. Elle vient de mettre en ligne une liste de 25 citations pouvant être jugées blasphématoires. Des citations qu'elle est notamment allée chercher dans le Nouveau Testament.
« Vous avez pour père le diable »
Pour Atheist Ireland, les juges devraient d'abord s'intéresser à Jésus lui-même. L'association rappelle ses attaques contre le judaïsme, comme dans ce passage de l'évangile selon Jean :
« Vous avez pour père le diable, et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement (…). Il est menteur et le père du mensonge. »
Autre blasphémateur à juger d'urgence, selon Atheist Ireland : Benoît XVI. En 2006, le pape avait cité un empereur byzantin, selon lequel Mahomet n'avait apporté que « du mauvais et de l'inhumain ».
Egalement sur la liste, la chanteuse Björk (« Que les boudhistes aillent se faire foutre ! ») et, sans surprise, Salman Rushdie, l'auteur des « Versets sataniques ».
L'écrivain aurait-il été condamné en Irlande ? Pas sûr : la nouvelle loi précise que les juges tiendront compte de la valeur « littéraire, artistique, politique, scientifique ou académique » des propos tenus.
Le blasphème puni en Alsace et en Moselle
Malgré ces précautions, le texte est « idiot et dangereux », selon Atheist Ireland. L'association, qui dénonçait déjà les références religieuses dans la constitution irlandaise, accuse :
« Des lois religieuses moyenâgeuses n'ont pas leur place dans une république laïque moderne. »
L'Irlande n'est pourtant pas la seule république « moderne » à punir le blasphème. C'est aussi un délit à part entière en Allemagne, en Espagne, au Danemark ou aux Pays-Bas.
Pas en France, où les attaques contre la religion sont simplement encadrées : la loi sur la liberté de la presse punit les provocations « à la discrimination, à la haine ou à la violence » liées à l'appartenance à « une religion déterminée ».
Le blasphème reste pourtant puni sur une partie du territoire : en Alsace et en Moselle. Comme l'avait admis le ministre de l'Intérieur en 2006, le décret de 1919 préservant cet héritage allemand n'a jamais été abrogé.
Un texte rarement appliqué depuis, mais bien plus sévère que la nouvelle loi irlandaise : en Alsace et en Moselle, le blasphème peut être puni de trois ans de prison.
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