La saga du mont Orford est en train de connaître son dénouement. Elle se termine de la façon la plus tristement québéco-québécoise que l'on puisse imaginer. Le gouvernement du Québec prendra le contrôle de la station de ski. Celle-ci sera gérée par une société d'État québécoise. Elle sera opérée par des fonctionnaires. Et les déficits, car il y en aura, seront épongés par les contribuables québécois.
Nous nous retrouvons donc exactement dans la situation que le gouvernement Charest avait voulu éviter en tentant de privatiser une partie du parc du mont Orford. Il a été forcé de reculer. Et voici le résultat.
Le point de départ de l'aventure du mont Orford, c'était que le complexe de ski était déficitaire et qu'il n'y avait pas moyen de le rentabiliser dans sa forme actuelle. Pour assurer l'avenir de la station de ski, ses gestionnaires proposaient de lui assortir un projet de développement immobilier au pied des pentes, un modèle qui a fait ses preuves à bien des endroits.
C'est pour assurer la pérennité de ce centre de ski, si important pour la région, que le gouvernement Charest a appuyé ce plan de relance. Mais Orford est un cas particulier, car le centre de ski se trouve sur le territoire d'un parc national, et que le gestionnaire du centre n'en est que le locataire. Voilà pourquoi les libéraux, pour rendre la relance possible, ont annoncé leur intention de privatiser le centre de ski et le terrain de golf.
L'idée, à mon avis, n'avait rien de choquant en soi. La portion du parc que l'on voulait vendre était contaminée par les activités commerciales qui s'y déroulaient. On ne peut pas parler du rôle de préservation de la nature d'un parc national sur un vert de golf ou sous un pilier de remonte-pente.
Mais ce dossier a été mené de façon abominable par le gouvernement Charest. La cession d'une portion d'un parc touchait à des symboles et exigeait une sensibilité qui n'a pas été au rendez-vous. Les paramètres de cette vente étaient trop flous pour convaincre que le parc serait épargné et protégé. Le plan de développement n'était pas assez défini pour dissiper les craintes que l'on ouvrait la porte à une forme de développement incompatible avec les aspirations de la région.
Ce fut l'une des grandes gaffes du premier gouvernement Charest, qui a suscité une opposition féroce. Finalement, après les dernières élections, les libéraux, minoritaires, ont dû reculer quand l'ADQ a refusé d'appuyer la privatisation. Nous voilà donc revenus à la case départ. La station perd de l'argent. Le gestionnaire veut se désengager et n'a pas amorcé les préparatifs pour la prochaine saison. Si rien n'est fait, la station n'ouvrira pas cet hiver. D'où un implacable engrenage.
Premièrement, pour empêcher la fermeture, la ministre Line Beauchamp, ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, a entrepris des démarches pour reprendre le contrôle de la station. Il faut pour cela résilier le bail avec le gestionnaire, ce qui se fait dans un climat de guérilla judiciaire. Cela coûtera des sous à l'État: 12 millions selon le gouvernement, 20 millions selon le promoteur.
Deuxièmement, la ministre veut confier la gestion du centre à la SEPAQ, la Société des établissements de plein air, une société d'État qui s'occupe déjà avec compétence de parcs, de centres, de réserves. Mais ce n'est pas un spécialiste du ski. Et la SEPAQ a une culture institutionnelle, très gouvernementale, dont les employés sont des membres du syndicat des fonctionnaires, ce qui cadre mal avec le logique d'une station de ski.
Troisièmement, la SEPAQ va perdre de l'argent. Le gestionnaire actuel évalue ses pertes à 6 millions depuis trois ans. Ce à quoi il faut ajouter les sommes importantes qu'il faudra investir pour remettre la station à niveau.
Et c'est ainsi que, dans cet engrenage hélas prévisible, le gouvernement se retrouve encore une fois maître d'oeuvre d'une activité qui ne fait pas partie de sa mission. Et qui aura le plus grand mal à se désengager.
À cela s'ajoute un paradoxe choquant. Le ski alpin est un sport qui coûte cher, et qui est surtout pratiqué par les citoyens plus aisés. Les contribuables plus modestes se retrouveront donc à payer des impôts pour subventionner les loisirs des plus riches. Bravo! Un parfait exemple de politique régressive.
Ce fiasco, nous le devons à l'ensemble de la classe politique: aux libéraux par leurs maladresses, aux péquistes et aux adéquistes par leur opportunisme. Le résultat: le modèle québécois dans ce qu'il a de plus caricatural. Il y a là quelque chose de désespérant.
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