Les premiers ministres sont ressortis, hier, de la réunion du Conseil de la fédération sans avoir pu atténuer leur désaccord qui est apparu au grand jour à la suite de la divulgation du rapport du Comité consultatif sur le déséquilibre fiscal, véritable pomme de discorde entre les provinces nanties, comme l'Ontario, et les provinces moins bien pourvues, comme le Québec.
Commandé en mai 2005 par le Conseil de la fédération, la rapport du Comité présidé par Janice Stein, de l'Université de Toronto, et Robert Gagné, de l'École des hautes études commerciales, établit que l'actuel programme de péréquation ne permet pas que soit respecté le principe inscrit dans la Constitution canadienne de 1982, soit de fournir aux gouvernement provinciaux des revenus suffisants pour qu'ils puissent «assurer les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparables».
Le rapport, qui a rallié un consensus parmi près de 30 universitaires, sénateurs et anciens ministres de toutes les régions du pays ayant participé à l'exercice, recommande une révision de la formule de péréquation pour qu'elle tienne compte des revenus fiscaux des dix provinces, plutôt que cinq à l'heure actuelle, et qu'elle comprenne la totalité des revenus tirés des ressources pétrolières et gazières.
Pour le gouvernement fédéral, cela représente 4,7 milliards de plus versés pour la péréquation, ce qui porterait le coût du programme à 15,1 milliards. Les auteurs ouvrent la porte à des négociations pour que cette somme, si elle est jugée trop élevée, soit réduite. Mais ils soutiennent que la formule proposée ne devrait pas être modifiée si on veut qu'elle soit équitable.
Afin de régler le déséquilibre fiscal vertical, c'est-à-dire celui qui existe entre les revenus des provinces et ceux du gouvernement fédéral, le rapport recommande que soit haussé de 4,9 milliards, et porté à un total de 34,6 milliards, le transfert social canadien. Cette somme correspond à ce que les premiers ministres provinciaux demandent pour le redressement du financement fédéral de l'enseignement post-secondaire, qui fait partie dudit transfert.
Pour le Québec, ces recommandations représentent près de 3,9 milliards de plus par année, dont 2,76 milliards de plus au chapitre de la péréquation. Le rapport estime à 4,24 milliards le montant que le Québec reçoit en péréquation.
Le fait d'inclure ou non dans le calcul de la péréquation les revenus tirés de l'exploitation du pétrole et du gaz influe lourdement sur les sommes qui reviennent au Québec. Ainsi, le Québec serait privé de 244 millions par rapport à la formule actuelle.
En conférence de presse, le premier ministre de l'Ontario, Dalton McGuinty, a rejeté d'emblée la possibilité d'augmenter les versements de péréquation. Il a rappelé que 43 cents de chaque dollar qui aboutit dans les coffres d'Ottawa viennent des contribuables de l'Ontario, qui déboursent cinq des 11,3 milliards versés en péréquation cette année. En outre, le premier ministre ontarien a fait valoir que les sommes consacrées au programme fédéral avaient augmenté de 33 % en 2004. «Soyons raisonnables», a-t-il déclaré, plaidant pour que le déséquilibre fiscal soit réglé par le versement d'une somme par habitant qui soit identique pour toutes les provinces.
Avec cette position, Dalton McGuinty s'est retrouvé isolé parmi ses pairs. Même le premier ministre de l'Alberta, Ralph Klein, a déclaré qu'il n'était pas opposé à une bonification de la péréquation. Il n'est pas non plus contre la norme des dix provinces qui inclurait dans le calcul les revenus fiscaux de la province la plus riche du Canada. Toutefois, il s'est montré réticent à ce qu'on tienne compte des revenus provenant du pétrole et du gaz. «Tout ce qui monte redescend», a-t-il dit, rappelant qu'en 1982 ces revenus avaient été retirés du calcul après la dégringolade du prix du pétrole.
Le premier ministre Jean Charest n'a pas voulu dire si ce nouveau chiffre de 3,9 milliards pour le Québec - c'est davantage que la somme avancée par le Parti québécois, qui réclamait 2,9 milliards pour corriger le déséquilibre fiscal - constituait le nouvel objectif fixé par son gouvernement pour régler le déséquilibre fiscal avec Ottawa.
Jean Charest croit que les provinces, malgré leurs divergences, pourront faire front commun. Il a tenu à rappeler que la péréquation est un programme fédéral financé à même les impôts de tous les contribuables canadiens. «Il y a là-dedans un principe important pour la suite des choses, puisque ça remet les pendules à l'heure», a-t-il dit. Manifestement, le rapport du comité fait l'affaire du gouvernement québécois.
La péréquation est le fait des grands pays dans le monde, a-t-il avancé. «C'est un enjeu canadien, non pas un enjeu pour quiconque d'entre nous [les premiers ministres], a-t-il dit. En définitive, toutefois, il y a un intérêt commun. C'est tellement vrai que le principe de la péréquation, notre pays l'a mis dans la Constitution.»
De son côté, le premier ministre du Nouveau-Brunswick, Bernard Lord, a souligné que les premiers ministres ainsi que le gouvernement fédéral avaient un an pour régler leurs différends afin «de voir de véritables améliorations dans le budget [fédéral] 2007-2008».
Pour la suite des choses, les premiers ministres attendent le rapport du Comité des Communes sur la péréquation. Commandé par Paul Martin, ce rapport doit être déposé ce printemps, après la présentation du budget fédéral. Ralph Klein invitera les membres du comité à venir expliquer leur rapport aux premiers ministres provinciaux à la fin de juin, en Alberta.
Les premiers ministres provinciaux à Montréal
Désaccord au Conseil de la fédération
L'Ontario rejette toute augmentation de la péréquation
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